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MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE SAC IΠME NT

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i/Kum bonum dicitur sacranientum sed nec idem nec (iliud. Cité par F. Gillmann, '/auSakramententehre des W. von Auxerre, Wurzbourg, 1918, p. 39.

On trouvera des expressions analogues dans Guy d’Orchelles, ms. cit., f<*. 90, dans Roland de Crémone, ms. cit., fol. 134. Cette distinction des deux sens de sacramentum est une diiïieulté eourante que l’on voit déjà exposée dans la Somme de Roland et dans celle d’Huguccio, loc. cit., p. 758.

Le mot sacramentum, dans l'énumération augustinienne des biens du mariage, fides, proies, sacramentum, signifie donc l’indissolubilité, et c’est à raison de cette indissolubilité que le mariage est appelé sacrement. Cette première discussion a pour principal avantage de souligner le caractère par où le mariage diffère profondément des autres contrats. Le consentement peut assurer la formation mais non la permanence du lien conjugal : Matrimonium habet causam efpcientem consensum, sed non conservantem. Est ergo consensus causa ut matrimonium pat, non ut permanent. S. Bonaventure, dist. XXVI I, a. 2, q. I, ad 2um et 3um. Il crée la mutua obligatio, non point Vobligationis mutilas indissolubilitas… et quamvis primum sil hominis, secundum est instituentis ; et rutionc illius indissolubilitatis, præcipue matrimonium tenet sacramenti et signi sacri. S. Bonaventure, dist. XXVI, a. 1, q ii, ad 4um. Le premier trait du sacrement, c’est qu’il est le signe d’une réalité spirituelle. Décrétistes et théologiens, jusqu’au début du xme siècle, insistent avant tout sur ce trait fondamental : sacramentum quia sacræ rei signum, ainsi caractérisent-ils le mariage. Raoul l’Ardent, Paucapalea, R. de Courson, bien d’autres encore transcrivent pour l’appliquer au mariage la définition augustinienne du sacrement popularisée par Hugues de SaintVictor et P. Lombard. Or dans le mariage, deux réalités sont signifiées. C’est pourquoi Hugues de Saint-Victor admettait deux sacrements. La même opinion est exprimée par des canonistes, par exemple Etienne de Tournai, in c. 17, Caus. XXVII, q. ii, ad verbum Christi et Ecclesiæ sacramentum : Alterum ergo sacramentum est in desponsatione, alterum carnis in commixtione. La Glose ordinaire du Décret sur le c. 2, dist. XXVI, au mot De sacramento, reconnaît un triple sacrement : la conjonction des âmes per verba de pressenti signifie la conjonction du Christ et de l'âme fidèle, la commixtio carnis, l’union du Christ avec l'Église, la conjunctio corporum, l’union de Dieu et de l’humanité. Même explication dans la Glose ordinaire sur le c. 5, X, I, xxi. Prévostin reconnaît aussi un triplex sacramentum. Cf. Lechner, op. cit., p. 378, n. 4, qui cite le ms. latin 6985 de Munich, fol. 131 v°.

Cette interprétation était la conséquence logique d’une définition du sacrement qui tient trop exclusivement compte du symbole et qui conduisait aussi certains auteurs, comme Simon de Bisiniano, à admettre la dualité du sacrement dans le baptême.

Dès la fin du xiie siècle, l’attention des commentateurs se fixe, plutôt que sur la res sacra, sur le signum. Huguccio observe que si, dans le mariage, deux choses sont signifiées, il y a unité de signe : Nec sunt ibi duo sacramenta, ut dixit Mag. Jo., sed unum sacramentum, id est unum signipeans, scilicet matrimonium et duo signipeata, scilicet conjunctio animas ad Deum per caritatem et conjunctio Christi et Ecclesiæ per naturam. Summa…, loc. cit., p. 764.

Les théologiens de la même époque diront aussi clairement que l’unité du sacrement n’est point contrariée par la double union, spirituelle et corporelle, des époux : Sacramentum est hic consensus animurum et carnalis copula, nec sunt duo sacramenta, sed unum sacramentum unionis Christi ad Ecclesiam, quæ pt per charitatem et corporalis quæ pt per naturæ

con/ormitatem. Cujus etiam signum est carnalis copula, ttcut consensus animarum spiritualis unionis. Pierre de Poitiers, op. cit., I. V, c. xiv, V. L., t. ccxi, col. 1257. — Telle est encore l’idée d’Etienne Langton. Non tamen sunt duo matrimonia sed unum. Avant la commixtio sexus, le mariage représente l’union du Christ et de l'Église militante, après la commixtio se l’union du Christ et de l'Église triomphante. Summa, Bibl. Nat., ms. lat. 14 S56, fol. 166.

Au xiii 1 siècle, certains canonistes continueront d’enseigner la théorie du duplex sacramentum : ainsi G. de Trano, Summa in titulos decretalium, Venise, 1570, in lit. De bigamis, n. 2, fol. 36. Mais la théorie unitaire semble unanimement admise par les théologiens. L’explication du signe est amplement déve loppée par plusieurs d’entre eux, ainsi par Robert de Courson, dans sa Summa au début de la Quæstio de mtdrimonio : Sicut inter contrahentes usuaiiter, primo, pt desponsatio per verba de (uturo, secundo, per verba de præsenti pt conlractus matrimonialis in jacie Ecclesiæ, tertio, sponsa traducitur in amplexus sponsi. ita inter Christum et Ecclesiam faclum est. Xam Christus, qui est sponsus et caput Ecclesiæ, primo, despondit Ecclesiam in primo A bel juslo, quasi per verba de prœsenti, ubi divinitas, tamquam os osculuns, sibi conjunxil humanitatem, quasi os osculatum, ex quibus confectum est illud verum osculum, de quo dicitur : Osculetur me osculo oris sui. Et per illum consensum in osculo illo signipealum matrimonium, prius initiatum, tune est consummatum, sed non ait ratum nisi in pne, quando traducetur sponsa in amplexus sponsi. Est autem matrimonium copulationis diviniiatis et humanitatis, et copulationis Christi et Ecclesiæ signipealum. Ideo, dicitur sacramentum quia est utriusque tam sacræ rei signaculum. On trouvera des expressions analogues dans la Somme du maître de Robert de Courson, Pierre le Chantre, Bibl. Nat., ms lat. 3258, fol. 182, dans Simon de Tournai, Bibl. Nat.. ms. lat. 3114 A, fol. 215. Sur l’union du Christ et de l'Église, cf. M. Grabmann, Die Lehre des heiligen Tho mas von Aquin von der Kirche als Gotteswerk, 1903. p. 249-266. Bien des théologiens remarquent la dissolubilité de l’union du Christ et de l'âme fidèle : le péché détruit cette union. Robert de Crémone, le note, ms. cit., fol. 132 et c’est aussi ce qui explique la possibilité d’entrer en religion avant la consommation du mariage. Tandis que l’union du Fils de Dieu et de la nature humaine est indissoluble et donc le mariage consommé qui la symbolise. Cf. Guillaume d’Auxerre, op. cit., I. IV, tr. ix, c. ii, q. 2 ; Saint Antonin de Florence, part. III, tit. xiv, c. 9, col. 677.

La considération de l’unité du signe levait une dernière objection : celle tirée de la dualité de sujet, dont l’exposé est très clairement fait par Guillaume d’Auxerre, Summa aurea in IV libros Sent., Paris. (Pigouchet), 1500, fol. cclxxxv : Cum enim matrimonium sit conjunctio maris et feminæ et ibi sunt duæ dictiones quæ sunt relatio et correlatio, maritus enim dicitur uxoris maritus et uxor mariti uxor, quæritur an utraque illarum conjunctio per se sil matrimonium an ille duæ simul acceptæ ita quod ncutra sil utraque per se : ergo ibi sunt duo matrimonia ; ergo duo sacra menla. — La réponse est facile : Il y a deux sujets, mais unité d’effet et de signe : d’effet, car les deux conjonctions réalisent l’unité de chair ; de signe, car elles signifient l’union du Christ et de l'Église, au dire, de l’Apôtre… double principe d’unité, comme dans l’eucharistie. Cf. Strake, Die Sakramententehn des Wilhelm von Auxerre, Paderborn, 1917, p. 201. Il s’agit là d’une difficulté exposée par presque tous les scolastiques. Nous l’avons relevée dans Eudes d’Ourscamp. On la trouverait dans Roland de Cré-