Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/391

Cette page n’a pas encore été corrigée

2187

    1. MARIAGE##


MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE CONTRAT

Paderborn, 1017, p. 201. il y a là encore un peu de désordre, qui sera corrigé vers le milieu du xiiie siècle. Saint Thomas, après avoir lai ! observer que le mariage n’csi pas essentiellement la copula carnalis mais une association en vue de cette copula, ajoute qu’il esl juste (le dire que le consensus in copula carnali est seulement implicite, quia potestas carnalis copula in quant consenlitur est causa carnalis copula, sicut potestas utendi re sua est causa usas. Dist. XXVIII, a. I, sol. Mêmes expressions dans Richard de Mediavilla, dist. XXVII 1, a. 2, q. iv. et dist. XXX, a. 2, q. ii. Mais l’opinion d’après laquelle les époux s’engagent simplement à ne point avoir de relations avec une autre personne que celle à qui ils ont donné leur loi garde des partisans. Elle est encore professée par .lacques Alinain. D’autres docteurs, en revanche, enseignent que le consentement absolu et exprès in copulam carnalem est requis.

La distinction entre la potestas et l’usus, le pouvoir de réaliser l’union charnelle et l’exercice de ce pouvoir, est donc clairement enseignée. Consensus qui matrimonium jacit est consensus in mutuam suorum corporum potestatem, écrit saint Bonavenlure. In jyam Sent., dist. XXVIII, art. un., q. vi. Les époux se concèdent l’un à l’autre un droit absolu mais rien ne les oblige à en user. Toutes les raisons que l’on invoque pour prouver que les époux consentent in carnalem copulam doivent être bien entendues en ce sens qu’ils se reconnaissent un pouvoir, non qu’ils s’engagent à l’exercer. Ainsi la formule : consentio in te ut non cognoscas me, est contre la substance du consentement matrimonial, comme contraire à la potestas. Et c’est aussi la potestas, non point l’exercice de cette potestas, qui distingue l’association conjugale de toute autre association. Et si la copula est le terme normal du mariage, on n’en peut induire que l’intention de la réaliser en est Vinitium, car matrimonium initialum et matrimonium consummatum ne sont point logiquement enchaînés ; il n’y a entre eux qu’un rapport, le rapport de la puissance à l’acte. La consommation procure, sans doute, le principal bien du mariage, prolem, mais la procréation est une conséquence immédiate non point du mariage mais de l’acte conjugal auquel elle donne sa perfection ; elle n’est pas, d’ailleurs, indispensable au mariage. Enfin, les paroles d’Adam : Erunt duo in carne una, s’expliquent par la nécessité pour le premier couple humain d’assurer la multiplication de l’espèce.

Ainsi s’expriment les commentateurs de la distinction XXVIII de Pierre Lombard et spécialement Albert le Grand, saint Ronaventure, saint Thomas, Duns Scot, de qui nous avons résumé les arguments. La conclusion de saint Bonaventure est particulièrement expressive : aliter datur potestas corporis in contractione matrimonii, aliter in consummatione. La potestas carnalis copulæ est incluse dans le consentement matrimonial, mais l’exercice du droit peut être lié.

Il faut donc admettre que Marie accorda à Joseph la potestas. L’explication de cette apparente singularité est l’objet des Commentaires sur la distinction XXX des Sentences, dont l’histoire appartient à la mariologie. Notons seulement que l’explication de saint Augustin, à savoir que le vœu de Marie était conditionnel, nisi Deus aliter ordinaret, est demeurée la plus commune. Les scolastiques admettent que le mariage de Marie ne fut point en tous les sens du mot, parfait : il l’est quantum ad esse, non point quantum ad operationem. Quant à la haute convenance de ce mariage, saint Thomas l’explique ainsi : il fallait que la sainte Vierge représentât l'Église, qui est vierge et épouse ; que la généalogie du Christ fût régulièrement constitutée, or elle ne s'établit point par les

femmes, en Kiæl ; que le Christ donnât par sa nativité une approbation au mariage ; que la perfection de Marie apparût dans tout son éclat puisqu’elle est

demeurée vierge dans le mariage. Saint Thomas, dist. XXX.

'/) Qualités du consentement. Le consentement qui fait le mariage, c’est le consentement actuel. Les commentateurs des Sentences l'établissent sur la distinction XX VI II de Pierre Lombard, où ils définissent la valeur des fiançailles jurées : le serment ne change point la signification de la promesse, simplement, il la confirme. Mais le futur ne devient pas le présent, parce que l’on a fortifié le pacte. Saint Thomas, In I V u '" Sent., dist. XXVIII, q. i, a. 1. La valeur du serment était fort mal appréciée par certains docteurs, si l’on s’en rapporte aux objections présentées et répétées par les grands scolastiques. Irnplere juramentum est de jure divino : le serment engage l’homme envers Dieu, et rien ne peut abolir cette obligation qui est plus forte que toute obligation purement humaine. Celui qui a juré d'épouser une personne certaine ne saurait donc, par de simples verba de prœsenti, effacer la garantie divine. Saint Thomas répond que le mariage subséquent avec une autre personne rend illicite le serment primitif, ibid.. ad lum.

Si le consentement doit être actuel, cela n’implique pas qu’il doive être pur et simple. La notion de contrat consensuel permit aux canonistes de justifier l’emploi de la condition dans le mariage. C’est dans leurs commentaires sur le c. 16, caus. XXVIII, q. i (Laodicée31), qui traite du mariage conclu entre un chrétien et un infidèle et où l’on voulut voir un contrat sous condition de conversion, que les canonistes formèrent la théorie des conditions. Hussarek von Heinlein, Die bedingte Eheschliessung, Vienne, 1802, p. 26 sq. Ce n’est qu'à partir d’Huguccio que la validité des conditions est communément admise. Mais à cause de la nature spéciale du mariage (soulignée par Huguccio, cf. Hussarek, p. 71 sq.), il fallut modifier sensiblement la théorie romaine : les canonistes n’admirent point, en général, la rétroactivité des effets du contrat, quand la condition se réalise.

La théorie des conditions reçut dans la doctrine de très amples développements. Les critères posés par les Décrétâtes furent interprétés avec une faveur évidente pour le mariage. Innocent IV admet que les conditions contraires à la substance du mariage, les seules qui le rendent nul, ne peuvent produire leur effet que si les deux parties y consentent expressément. Apparalus, in c. 7, A', IV, xv. Parmi les clauses contraires à la substance du mariage, les docteurs se demandent s’il faut placer la condition d’observer la continence. Panormitanus répond affirmativement pour le cas où il y a pacte exprès ; mais il ajoute que la volonté tacite de ne point consommer le mariage n’est pas un obstacle à sa validité, comme le montre l’exemple de Marie et Joseph. Panormitanus in c. 16, X, IV, i.

Sur la condition, voir, outre l’ouvrage de Hussarek von Heinlein et les fines critiques de F. Brandileone, Saggi…, p. 383-31)2 : Manenti, Délia inapponibililà det condizioni…. Sienne, 1889, p. 17 sq.

Le consentement doit, évidemment, être intérieur. S’il manque chez l’un des époux, il n’y a point mariage au for interne. Ce qui fournissait aux sophismes un beau sujet : l’impossibilité de connaître la pensée ferait que les relations conjugales ne peuvent jamais s'établir sans risque de fornication. Albert le Grand répond avec raison que ce risque n’est point général, le déguisement de la pensée restant exceptionnel, que l’Eglise ne peut juger que selon les apparences et le conjoint aussi, que, donc, le signe du