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    1. MARIAGE##


MARIAGE. FORMATION DE LA DOCTRINE CLASSIQUE

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reprenaient après Pierre Lombard, outre la définition, sujette a controverse, outre les débats sur te droit naturel, toute la théorie du consentement et la théorie du divorce, qui appartiennent au droit comme à la théologie ; à celle des empêchements, qui est proprement canonique, est consacrée, presque toujours, la plus grande partie de leurs développements. Rares sont les ouvrages où les théologiens, exposant la doctrine du mariage, renoncent de propos délibéré à traiter les matières canoniques. Albert le Grand, dans un fragment demeuré inédit de la Sumnui de creaturis, donne un exemple qui ne l’ut point suivi. En revanche, certains commentaires sur les Sentences sont principa lenient juridiques, même dans les parties qui ne se rapportent pas au droit : ainsi.Jean Bacon († 1346), qui est d’ailleurs canoniste autant que théologien et qui fut mêlé à la pratique des causes matrimoniales, soulève à peine dans ses Questions les difficultés théologiques et les canonistes classiques lui fournissent presque toute la matière de son traité.

Les canonistes, de leur côté, commentant le Décret de Gratien ou les Décrétales, touchaient à certains problèmes incontestablement théologiques : unité ou dualité du sacrement, efficacité, institution. Tantôt, les termes du Décret les invitaient à ces explications, tantôt la solution d’un problème disciplinaire dépendait d’une solution théologique ; enfin, ils n’apercevaient pas toujours leurs frontières ou les franchissaient de propos délibéré. Nous trouverons des exemples de toutes ces démarches. Et nous aurons à apprécier les effets heureux et les conséquences fâcheuses de la concurrence des canonistes et des théologiens.

2. Les sources canoniques.

Après la publication des Décrétâtes de Grégoire IX, le droit classique ne s’enrichira plus guère de textes législatifs sur le mariage. Le livre IV du Sexte composé par ordre de Boniface VIII (1298) ne contient que cinq fragments répartis en trois titres. Dans les Clémentines, il a un seul texte. Il manque aux Extravagantes communes. La période de la législation est close. Sans doute, de nombreux conciles provinciaux, de nombreuses constitutions synodales s’occuperont du mariage, mais sans rien innover.

Le premier rôle appartient, désormais, aux docteurs, qui composent des gloses, des sommes, des monographies. Tous les Commentaires, Gloses ou Sommes, sur les causes XXVII-XXXVI du Décret, sur le 1. IV des diverses collections de Décrétales. sur quelques autres textes encore, dispersés dans le Corpus et que nous aurons à signaler incidemment, méritent examen, non parce que ces commentaires présentent, en général, une forte originalité, mais pour la connaissance des courants de doctrine. Parmi les décrétistes, Huguccio mérite, comme en toute matière, une attention spéciale à cause de sa personnalité et de son inlluence. Une partie de sa Somme sur le Décret de Gratien (cause XXVII, q. n), a été publiée par Roman dans la Nouvelle revue historique de droit, 1903, p. 745-805. Il serait vain d’énumérer les autres commentateurs du Décret que nous utiliserons : de savants articles de Fr. Gillmann, dans Der Katholik et dans VArchiv fur kathol. Kirchenrecht, ont mis en lumière quelques aspects de leur doctrine sacramentaire.

Vers le moment où Barthélémy de Brescia complète la Glose ordinaire de Johannes Teutonicus (environ 1240), commence l’œuvre des décrétalistes. Comme en toute lignée, les plus intéressants sont les premiers en date. Vincent d’Espagne, Geoffroy de Trani, à cause de la fraîcheur de leur témoignage et ceux dont la richesse ou l’ampleur ont assuré le succès : vers le milieu du uie siècle, Innocent IV, Hostiensis, Bernard de Parme, auteur de la Glose ordinaire ; Johannes

Andréa-, au début du xive siècle ; enfin Panormi tamis a la fin du Moyen Age.

Les monographies sont peu nombreuses et, malgré leur réputation, aucune d’entre elles n’oflre un intérêt de premier ordre : Bernard de Pavie, Summulu de matrimonio, édil. Laspeyres, 1800 : Robert de l-’lainmesbury, Summa de matrimonio (vers 1207 ;, édit. Sehulte, 1808 ; Tancréde, Summa de matrimonio (1210-13), édit. Wunderlich, 1841 ; Raymond de Pennafort, Summa de peeniientia et matrimonio, Rome, 1603 ; Johannes Andréa-, († 1348), Summa de sponsalibus et matrimonio ; Joh. Lupus († 1490), De matrimonio et letjilimalione, dans Truclutus univ. juris, t. ix, fol. 39 sq. Enfin, d’innombrables documents d’ordre pratique, comme les Regesta des papes, publiés par les membres de l’École française de Rome et les Registres des ofïicialités, dont trop peu ont été édités, nous renseignent sur l’application du droit.

3. Les œuvres théologiques et morales. La liturgie. — Mais la grande période du droit est close avec le débat sur la formation du mariage. Le rôle principal, au xiiie siècle, appartient aux théologiens.

Les scolastiques vont analyser les éléments du rite sacramentel ; sur le point capital de l’efficacité du sacrement, ils redresseront l’opinion erronée de nombreux canonistes, l’opinion vague de leurs prédécesseurs ; la doctrine incomplète de Pierre Lombard sur l’institution divine du mariage sera par eux achevée. .Même la théorie du consentement prendra dans leurs commentaires une forme logique, que les canonistes ne lui ont pas donnée. Et comme les matières sont mieux groupées dans les Sentences que dans le Décret et les Décrétales, il en résultera que les sujets juridiques seront exposés avec plus de cohérence et de plénitude par les théologiens que par les canonistes.

Les Commentaires des Sentences sont notre principale source, encore que nombre d’entre eux ne contiennent point la matière du 1. IV ou n’en présentent qu’un exposé incomplet, peu médité. Les Sommes théologiques et les Traités des sacrements sont aussi des témoins précieux. Il sera impossible de déterminer avec certitude l’apport de chaque théologien ou de chaque école, jusqu’au jour où l’étude minutieuse des manuscrits et aussi celle des Commentaires déjà édités aura permis l’établissement d’une chronologie et d’une généalogie des œuvres. Tel développement de Godefroy de Poitiers sur le mariage se trouve textuellement dans Guillaume d’Auxerre, lequel emprunte à Prévostin : et l’on sait (l’exemple même de Prévostin le montre) combien sont sensibles les différences entre manuscrits d’une même œuvre. Il est donc actuellement impossible de fixer la date rigoureusement exacte de l’apparition des diverses doctrines et leur origine précise. Mais beaucoup d’approximations peuvent être licitement proposées. Et d’abord un premier schéma peut être dessiné du développement des traités du mariage. — Nous ne ferons pas ici une énumération de tous les Commentaires sur les Sentences : Ripaida, dans sa Brevis expositio literie Magistri Sententiurum, Venise, 1737, p. 598 sq., s’en est chargé : mais il nous paraît utile d’indiquer les œuvres les plus importantes pour l’histoire de la théologie du mariage, depuis la fin du xue jusqu’à la fin du XVe siècle ; pour celles qui n’ont pas été imprimées, nous citons le manuscrit que nous avons utilisé. La justification des dates communément admises et tous les compléments nécessaires sur chaque auteur, on les trouvera, avec la bibliographie dans les articles de ce Dictionnaire et dans d’autres ouvrages encyclopédiques, Xomenclator de Hurter. Kirc/icnlexicon de Wetzer et Weltc, Encycl. Britannica, etc. Pour ne point compliquer notre esquisse, nous n’avons cité que des travaux tout récents ou spécialement utiles.