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MARIAGE EN THÉOLOGIE. INTRODUCTION


certains textes canoniques ? Surtout y a t-il véritablement mariage avant la commixtio sexuuml

La réponse négative à cette dernière question pouvait se fonder sur un texte célèbre de saint I.éon et elle avait été professée par Hincmar. I. Fahrner, op. cit., ]). 87 sq ; voir l’interprétation un peu différente de Schrôrs, Hinckmar Erzbischof von Reims, Fribourgen-Ii., 1884, p. 211) sq. Elle trouvait un appui dans certaines coutumes populaires et dans la tradition juive. « Pour les Juifs, l’alliance de Dieu et de son peuple, alliance qui doit toujours durer, se perpétue par le mariage. D’où la nécessité du mariage qui assure la perpétuité de la race élue et lui permet de continuer à jouir de la bénédiction de Dieu. D’où la réprobation de l’adultère qui dissout cette alliance. D’où le soin attentif de la préservation de la race. L’alliance étant une alliance de race et de sang entre Dieu et son peuple, le fait matériel de la propagation de l’espèce prend une importance capitale. » Cours inédit d’Histoire du droit, de M. Champeaux, Strasbourg, 19261927. Sur le mariage chez les Juifs postérieurement à la fondation de l'Église, cf. J. Neubauer, Beitràge zur Gcschichte des biblischlalmudischen Eheschliessungrechts, Leipzig, 1920. Toutes ces raisons n’avaient plus grande valeur dans la société chrétienne dont la perpétuation est assurée contre tout risque et où l’on met l’accent sur le symbolisme de l’alliance toute spirituelle entre le Christ et l'âme. Mais la tradition juive gardait un certain crédit. Déterminer l’instant où se forme le mariage : tel sera l’un des plus graves soucis de l'Église, au xiie siècle.

4. Objet de cet article.

Nous exposerons non point l’histoire si attrayante et instructive des cérémonies du mariage, non point même toute la doctrine du mariage depuis l’an mille, mais seulement l’histoire du dogme et de la doctrine théologique. C’est dire que les questions de pure discipline, la réglementation complète des conditions de fond et de forme requises pour la validité du mariage, ne seront point traitées : elles trouveront leur place dans le Dictionnaire de droit canonique, et déjà la plus considérable, celle des empêchements, qui occupe dans tous les traités du mariage la plus grande place, a été étudiée ici même dans la mesure où il convenait qu’on l 'étudiât. Voir t. iv, col. 2440 sq. De même, les formalités de la célébration ne nous retiendront guère. On trouvera quelques explications au mot Propre curé (puisque ce mot a été annoncé déjà, avant la publication du Codex). Sur la liturgie, l’article Mariage du Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, nous donnera certainement des renseignements complets. Enfin, nous n’avons point à étudier en détail le divorce. Voir Divorce, t. iv, col. 1455 sq. ; Adultère, t. i, col. 468 sq.

Nous ne traiterons donc ici que les questions (dont beaucoup, nous l’avons dit, sont fort apparentées au droit) qui intéressent la théologie. Elles ont une extraordinaire ampleur. On peut les grouper sous trois chefs : valeur morale de l'état de mariage ; formation du contrat-sacrement, analyse du sacrement. Seule, la seconde série de problèmes — son titre même l’indique — intéresse à la fois canonistes et théologiens. C’est aussi le chapitre le mieux étudié et nous aurons pour l’exposer de très bons guides : outre I. Fahrner, déjà cité, et Esmein (dont R. Génestal nous donnera bientôt une nouvelle édition), plusieurs livres anciens, mais toujours recommandables : E. Friedberg, Das Recht der Eheschlicssung in seiner geschichllichen Entwicklung, Leipzig, 1865, où l’on trouve d’abondants renseignements sur l’histoire du mariage dans les divers pays d’Europe (et aux ÉtatsUnis) et l’effet législatif des révolutions religieuses : naissance du christianisme, Réforme, Concile de

Trente, lateisme des temps modernes ; A. von Schcurl, Die Entwicklung des kirchl. Eheschliessungsrechtes, Erlangen, 1877 ; P.. Sohm, Dus Recht der Eheschliessung ans dem deuischen und canonischen Recht geschichtlich eniwickeli, Weimar, 1875 ; J. Freisen, Gcschichie des canonischen Eherechts, bis zum Ver/all der Glossenlitteratur, 2° éd., Paderborn, 1893, ouvrage considérable où toutes les questions relatives a l’histoire du mariage et surtout aux empêchements sont approfondies. Les monographies sont très nombreuses. Nous citerons seulement, à cause de leur rapport au sujet qui nous occupe et de leur valeur celles de E. Sehling, Die Unterscheidung der Verlobnisse im kanonischen Recht, Leipzig, 1887 ; Die Wirkungen der Geschlechtsgemeinschalt au) die Ehe, Leipzig, 1883 et de W. von Hormann, Quasiaffinitùl, Inspruck, 1906 (qui s’occupe, avec beaucoup de finesse, de bien d’autres sujets que la quasi-affinité).

La première des trois séries de problèmes que nous avons distinguées intéresse la philosophie et le droit, mais surtout la théologie morale. L’un des plus délicats chapitres en a déjà été traité dans ce Dictionnaire, t. v, col. 374 sq. (Devoirs des Époux). Il nous reste à envisager bien d’autres aspects de l'état de mariage : son honnêteté et sa place dans la hiérarchie des états, s’il est de droit naturel, facultatif ou obligatoire, ses caractères.

Enfin, l’histoire du sacrement nous mettra en présence de questions exclusivement théologiques : signe, efficacité, ministre, matière et forme, institution divine. Bien que cette histoire présente un intérêt considérable, elle n’a jamais fait l’objet d’une étude suivie. Les historiens du dogme ou de la théologie, dont nous n’aurons guère à citer les travaux, si intéressants sur tant d’autres points, consacrent au mariage quelques alinéas, tout au plus quelques paragraphes (ainsi Schwane) sans grande précision. Et ils sont parfaitement excusables ; ils n’ont point, dans des ouvrages généraux à composer toute une histoire qui serait nouvelle. De très utiles indications se trouvent, en somme, dans G. L. Hahn, Die Lehre von den Sakramenten in ihrer geschichllichen Entwickelung innerhalb der abendlàndischen Kirche bis zum Concil von Trient, Breslau, 1864, et P. Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1910. Innombrables sont les livres à consulter sur chaque point particulier : ce qui manque, c’est une histoire du sacrement de mariage.

Nous n’avons certes point l’ambition injustifiée ni, présentement, ! a charge de l'écrire : nous voudrions seulement en proposer l’esquisse ou même le schéma. L’un après l’autre, nous avons consulté les commentaires, édités ou manuscrits, que les théologiens ont, depuis l’an mille, consacrés au mariage et sur lesquels nous avons pu mettre la main. Il n'était peut-être pas utile — les canonistes du Moyen Age nous l’avaient déjà insinué et fait éprouver par la méthode directe — de consulter tant d’hommes qui se ressemblent au point que l’on pourrait souvent les confondre, quand ils sont d’une même famille : nous 'entendons qu’un thomiste ou un scotiste du xve siècle quand il commente le mariage, répète la leçon des thomistes et des scotistes du xive siècle. A d’autres nous épargnerons les confrontations inutiles. Surtout, nous suggérerons des confrontations fructueuses. Tout notre dessein est de tracer pour l’usage des historiens quelques avenues, d’ouvrir quelques vues sur de beaux horizons. La nouveauté de notre entreprise, la brièveté des délais qui nous étaient impartis, seront l’explication et, nous l’espérons, l’excuse de nos carences.

5. Plan général. — La constitution d’une doctrine homogène et complète du mariage s’est faite en deux grandes périodes, dont la première que nous appellerons la période classique, finit avec le