Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/344

Cette page n’a pas encore été corrigée

2093 custodia virginitatis, Epist., XXI, P. L., t. XXM. col. 394 sq. Il y disait que toute son estime pour la virginite ne doit pas être traduite en blame pour le marlage ; car c’est déjà une grande gloire pour les personnes mariées que de venir après les vierges. n. 19, col. 405. Il y expliquait pourquoi l’Apôtre a donné seulement le conseil, et non pas l’ordre, de garder la virginite ; c’est que, pour la majorité des hommes il eût été trop dur de lutter contre les tendances naturelles et de mener une vie angélique ; mais le fait de n’être pas obligatoire rend plus belle la condition des vierges, n. 20, col. 407. C’est admettre sans restriction que le mariage n’est pas condamné.

Avec saint Augustin, nous allons trouver l’exposé definitif de la doctrine du mariage, au point de vue de sa valeur morale. Dans ses ouvrages De continentia, I bono conjugali. De sancta virginitate, De bono viduitatis, De nuptiis et concupiscentia, le saint docteur a condense tout le resultat de l’elaboration qui s’etait faite au cours de l’age patristique.

Il connaִִִִִִִit divers herétiques qui ont réprouvé le mariage, par exemple Tatien et ses fauteurs, De hæres., 25, P. L., t. XLII, col. 30, et les manichéens, ibid., 46, col. 37 ; il sait aussi que, pour avoir trop véhémentement répondu à Jovinien, Jérôme s’est fait regarder comme un adversaire du mariage. Retraclal., 11, 18, t. xxxII, col. 639. A l’opposé, il établit nettement la doctrine catholique : le mariage n’est pas condamnable, Contra Julian., V, 66, t. XLIV, col. 820 ; il a été institué et béni par Dieu dès l’origine du monde, puis élevé par Jésus au rôle sublime de représenter sa propre union avec l’Église, De nupt. et concup., 11, XXXII, t. XLIV. col. 468 : par conséquent, quand Augustin loue la virginité, il prétend bien ne pas considérer le mariage comme blâmable. De sancta virginitate, 18, t. XL, col. 404 ; et c’est même faire un plus bel cloge de l’état des vierges que de le placer au-dessus d’un autre etat qui est bon de soi. Ibid., 21, col. 406. Le mariage est bon parce qu’il est constitué par trois choses bonnes : Hæc omnia bona sunt propter quæ nuptiæ bonæ sunt, proles, fides, sacramentum, De bono conjug.. 32. t. XL. col. 394 ; ou encore generandi ordinatio, fides pudicitiæ, connubii sacramentum, De pecc. origin., 39, t. XLIV, col. 404, c’est-à-dire la procréation des enfants par l’acte conjugal, la chasteté dans la fidelité réciproque et l’indissoluble engagement des epoux.

Mais, en déclarant licite l’acte conjugal, les Pères supposent toujours que les epoux auront en vue ce qui en est le but direct et la raison d’être, qu’ils se proposeront d’avoir des enfants. Les moralistes païens aux-mêmes essayaient d’élever à ce but l’esprit des époux, cf. Fustel de Coulanges, La cité antique. p. 52 ; textes dans Moulard, op. cit., p. 50 sq. A plus forte raison les moralistes chrétiens étaient-ils formels. Si les chrétiens se marient, dit saint Justin, c’est dans l’intention d’avoir des enfants, et il compare ce but très chaste des chrétiens avec la conduite des païens qui cherchent surtout dans l’usage du mariage la satisfaction des sens. Apol., 1, 29, P. G., t. VI, col. 373. Tertullien est sévère pour le mariage, parce qu’il y voit surtout une concession faite par Dieu à l’infirmité de la chair et un moyen de la satisfaire à l’usage de ceux qui ne veulent ou ne peuvent garder la continence. Ad uxor., 11, 3, P. L.., t. 1, col. 1278. Il semble inutile de faire une énumération de textes qui tous seraient identiques dans leur sens. Mais presque toujours ce sont des affirmations trop rapides et tranchantes. Les Pères ne se demandent pas ce que vaudra, au point de vue moral, la conduite d’époux qui mêleraient plus ou moins abondamment d’autres buts moins nobles à ce but essentiel, qui chercheraient leur satisfaction sensuelle en même temps que l’accroissement de la famille, ou même qui ne songeraient qu’à leur satisfaction sans cependant rien faire pour empêcher la naissance des enfants.

Saint Jean Chrysostome, en vertu de sa conception particulière du mariage, est condamné à croire que le but principal des époux est la satisfaction de l’instinct sexuel. Le mariage n’a qu’une fin, empêcher la fornication ; et c’est pour cela qu’a été institué ce remède. In illud : Propter fornicationes uxorem…, 1, 33, P. G., t. II, col. 213. Il croit d’ailleurs ce but légitime et ne blàme pas pour autant l’acte conjugal. Moulard, op. cit., p. 72 sq.

Saint Augustin est plus juste dans sa conception théorique et plus sévère dans ses applications pratiques. Le péché, selon lui, en ôtant à l’homme son intégrité primitive, lui a fait ressentir la concupiscence qui, depuis lors, est toujours mêlée à l’acte du mariage. Cette concupiscence désordonnée est un mal, mais non pas l’acte conjugal lui-même : nunc ergo sine isto malo esse non potest (copula nuptiarum), sed non ideo malum est. Cont. Julian., III, 53, P. L., t. XLIV, col. 730. Même entaché par la concupiscence, l’acte conjugal n’est pas un péché ; il est mêlé à un mal, mais ce mal, le mariage le tourne à bon usage. Parce que dans cet acte il y a un désordre, l’homme en rougit ; mais parce que ce désordre n’est voulu que pour une fin honnête, l’homme accomplit cet acte sans péché : atque ita nuptiæ sinuntur exercere quod licet, ut non negligant occulture quod dedecet. De peccato originali, 12, t. XLIV, col. 406. C’est surtout à propos de la valeur morale de l’acte conjugal que la pensée de saint Augustin marque un progrès notable sur celle des autres Pères. Avant lui, cette question, très pratique pour des époux consciencieux, n’avait reçu que des solutions hâtives et sans nuances. Tertullien, qui semble considérer comme répugnantes les relations conjugales, De exhorlatione castilatis, 9, P. L., t. 11, col. 924, 925, les accepte cependant comme nécessaires à la conservation et à la propagation de la race humaine. Lest Pères qui suivent, se souvenant de la volonté de Dieu, manifestée dans la création par la distinction des sexes et d’une manière positive par l’ordre donné au premier couple humain : Crescile et multiplicamini, ne font pas difficulté à considérer ces relations comme normales et parfaitement légitimes. Il n’y a guère que saint Jérôme à montrer quelque sévérité : il exclut de la communion pendant quelques jours les époux qui ont usé du mariage ; il exige par conséquent quelques jours de continence comme préparation obligatoire à la communion, Epist., XLVIII, 15, P. L., t. xxII, col. 506 : pour lui. l’usage du mariage n’est pas une faute, mais plutôt, il le dit lui-même, un empêchement à la prière, conformément à l’indication qu’il prétend trouver dans saint Paul. I Cor.. vII, 5.

Il est nécessaire cependant que les époux se proposent pour but la procréation des enfants. Alors l’acte conjugal est sans péché, De bono conjugali, 11, t. XL, col. 381 ; il est légitime, De conjugiis adulterinis, 11, 12, ibid., col. 479 ; il est un devoir, Contra Secundinum manichæum, XXII, t. XLII, col. 598 ; il est honorable, Opus imperfect., VI, 23, t. XLV, col. 1557. Au contraire, se proposer la volupté charnelle, c’est faire ce que l’Apôtre déclare seulement tolérer, c’est donc une faute, c’est transformer un bien en mal. Contra Julian., II, 20, t. XLIV, col. 687.

Ces idées, saint Augustin les développe avec une merveilleuse précision dans son opuscule De bono conjugali, t. XL, col. 373-396, antérieur de dix ans, il convient de le remarquer, à la controverse pélagienne ; si les moralistes actuels sont moins sévères, on ne peut nier cependant que les conclusions du saint docteur sont nettement déduites, et c’est en cela