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MARIAGE DANS L’ÉCRITURE, LA LOI ÉVANGÉLIQUE

tagne, où il oppose, sur ce point comme sur d’autres, ln perfection de sa loi à l’imperfection de celle de Moïse, Matth., v, 31, 32, et. Luc., xvi, 18 ; puis d’une manière plus explicite à l’occasion d’une question insidieuse des Pharisiens. Matth., xix, 1-9 : Mart., x, 2-12.

Saint Paul, en raison même de la situation des fidèles auxquels il écrit, devait insister davantage. Ne faisait-il pas prémunir les nouveaux convertis contre les habitudes contractées dans le paganisme, ou au moins contre les entraînements de l’exemple et défendre la pureté de la famille chrétienne contre la corruption qui avait envahi les familles paiennes ? Les circunstances rendaient nécessaires des enseignements plus répétés et plus explicites.

Aussi saisit-il toutes les occasions pour rappeler aux époux chrétiens leurs devoirs mutuels, la fidélité qu’ils doivent se garder, la hiérarchie qui règle leur place respective dans la famille, par exemple, Rom, vii, 1-3 ; I Cor., xi, 3 ; Col., iii, 18, 19 ; I Tim., ii, 11-15 ; Hebr., xiii, 14. Bien plus, à deux reprises, il traite plus à fond le sujet.

C’est d’abord au c. vii de la Ire aux Corinthiens, en réponse à une question ou à une série de questions qui lui avaient été posées. Ce chapitre est extrêmement riche en enseignements ; c’est tout un traité dogmatique et moral du mariage et les idées qui y sont exposées n’ont plus eu à progresser, ni au contact de la vie, ni sous l’action de l’étude des théologiens, tant le clair génie de l’Apôtre les à définies avec précision et plénitude.

Paul traite encore du mariage, mais à un autre point de vue, dans l’Épitre aux Éphésiens, v, 22-33, l’idée dominante de cette épître est « l’union des fidèles avec le Christ, et dans le Christ comme membres du corps mystique ». Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 19_4, t. 1, p. 335. Les conseils qu’il donne aux personnes mariées ne le détournent pas de son idée ; au contraire elle lui sert pour présenter le mariage sous un aspect nouveau où il se revêt d’une dignité et d’une sainteté plus hautes encore. L’Apôtre, ayant développé les relations qui existent entre le Christ et l’Église, relations qui se résument dans cette formule : « (Dieu] a fait [le Christ] tête de l’Église entière, qui est son corps, » i, 22, 23, y voit l’idéal que doivent reproduire les familles chrétiennes : le mari est ce qu’est le Christ dans l’Église, il a le droit de diriger et de commander, il a le devoir d’aimer et de protéger ; le rôle de la femme comme celui de l’Église, est de soumission, de respect et de reconnaissante tendresse.

Dans l’analyse doctrinale de ces textes, il est impossible de séparer l’enseignement de Jésus et celui de saint Paul, sous peine de se condamner à des redites : la doctrine de l’Apôtre n’est pas autre que celle du Maître, sauf en certains points où il y ajoute, de son propre aveu, quelques précisions et quelques compléments. Mieux vaut les étudier ensemble pour en dégager les principaux enseignements sur l’indissolubilité, l’unité, la sainteté du mariage chrétien, sur les droits et devoirs mutuels des époux chrétiens. Et comme plusieurs de ces questions trouvent dans saint Paul leur solution définitive, à laquelle la tradition patristique ou les travaux des théologiens n’ajouteront aucun élément vraiment nouveau, nous les traiterons de façon à n’y plus revenir, sinon afin de signaler la continuité de la doctrine.

I.INDISSOLUBILITÉ DU LIEN MATRIMONIAL.

La loi proclamée par Jésus et rappelée par saint Paul.

Jésus exprime en deux circonstances sa volonté sur ce point. On la trouve une première fois dans le Discours sur la montagne, Matth., v, 31-32 : « Il a été dit : Quiconque renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. Et moi, je vous dis que quiconque renvoie sa femme, en dehors du motif d’impudicité, l’expose à l’adultère ; et quiconque épouse une femme répudiée commet l’adultère. » La même sentence, sauf la fameuse incise sur le cas d’impudicité, se retrouve dans Luc., xvi, 18, mais le contexte l’amène moins naturellement que celui de Matthieu. — Une seconde fois, Jésus reprend la même formule, presque dans les mêmes termes, à l’occasion d’une question des pharisiens, Matth., xix, 1-9. Ceux-ci lui demandent si un homme peut renvoyer sa femme « pour n’importe quelle raison » : c’était en somme lui demander de prendre parti entre Hillel et Schammaï. Jésus se dégage de l’alternative dans laquelle ils veulent l’enfermer. et se reportant au récit biblique de l’institution primitive du mariage, il conclut en rejetant le droit de répudiation : « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. » Et comme ses interrogateurs lui objectent l’autorisation accordée par Moïse, il reprend avec plus de netteté que cette autorisation, inconnue au début, il n’en veut plus dans la Loi nouvelle : « C’est à cause de votre dureté de cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais au commencement il n’en fut pas ainsi. Or je vous dis que celui qui répudie sa femme, si ce n’est pour mauvaise conduite, et qui en épouse une autre, commet un adultère, » Le passage parallèle de Marc., x, 2-12, ne contient pas l’incise relative à la mauvaise conduite de la femme.

On connait les difficultés soulevées par les textes de saint Matthieu ; les textes eux-mêmes ont été discutés dans les art.Adultère (l') et le lien du mariage d’après l’Ecriture sainte, t. i, col. 468 sq. et Divorce, t. iv, col. 1460 sq. Il sera utile, même après ces articles, de consulter M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 103-106 et 366-370.

En tout cas, quelles que puissent être les difficultés d’interprétation, elles ne peuvent jeter le moindre doute sur la pensée de Jésus. —
1. Les passages parallèles affirment l’indissolubilité sans restriction : et, comme ils sont absolument formels, si par impossible les textes de saint Matthieu ne pouvaient être interprétés en harmonie avec le reste du N. T., il faudrait dire avec Cajétan, Comm. in Evang. Matth., v, 32 : Nec hinc sequitur quod lex Novi Testamenti concedat viro propter uxoris fornicationem dimittere illam tolaliter, quoniam textus iste non est tota lex Novi Testarmenti. —
2. Mais, même d’après le texte de saint Matthieu, l’indissolubilité absolue s’impose. Car il ne faut pas se laisser hypnotiser par les deux passages qui font difficulté ; il faut voir l’ensemble et le contexte. Que veut Jésus ? placer sa loi à une hauteur que n’a pas atteinte celle de Moïse, et cela au sujet du mariage en particulier : « il a été dit… et moi, je vous dis… » ; il veut supprimer la tolérance accordée par Moïse à cause de la dureté de cœur des juifs, rétablir l’idéal primitif du mariage, empêcher que l’homme sépare ce que Dieu a uni. Tout cela signifie que le mariage sera complètement indissoluble. A supposer que Jésus ait excepté le cas d’adultère de la femme, il n’aurait fait alors que renouveler la loi de Moïse en l’interprétant comme les rabbins les plus sévères ; et sa solennelle réprobation du libellus repudii, sa promesse de donner une loi plus parfaite, sa volonté de remonter par de la les tolérances mosaïques jusqu’à l’intégrité primitive, tout cela eût abouti à cette mesquine déclaration : dans les démêlés qui séparent les deux écoles de Hillel et de Schammaï, c’est Schammaï qui a raison. N’est-ce pas faire au texte la plus invraisemblable violence ? —
3. C’est d’ailleurs dans ce sens que l’on a compris la pensée de Jésus. Saint Paul, qui attribue « au Seigneur » la loi du mariage indissoluble, ne connaît pas de restriction : et la primitive Église,