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Marcionisme et gnoslicisme.

En reléguanl ; i

la fin <le son premier livre, où il expose la « prétendue gnose ». le système de Marcion, après avoir abondamment décrit ceux de Valent iii, Marc, Saturnin, Basllide, Carpocrates, en sériant plusieurs de ces hétérodoxes d’après-la date de leur arrivée à Rome, III, IV, 3, P. G., t. vii, col. 856 C, Irénéc a, sans le vouloir, grandement contribué à désorienter les hérésiologues et les écrivains postérieurs. Il a donné l’impression que l’hérésiarque du PonL était un épigone par rapport aux grands gnostiques et que ses doctrines dérivaient en quelque manière de leurs systèmes. Cette impression est tout à fait inexacte, et il n’est) as sûr qu’elle corresponde à la pensée d’Irénée. De l’ancienneté de Marcion, Clément avait une autre idée, puisqu’il écrit : Mapxtwv xaxà tyjv aÙT7)v aùroïç (Basilide, Valentin) YjXtxîav yevéfievoç wç Trpsa6ùtv)ç vecorépotç ouveyéve-ro. Strom., VII, xvii, P. G., t. ix, col. 549. On conclura que Marcion, s’il cherchait encore l’expression définitive de ses idées, avait déjà, quand il débarquait à Rome, une vue assez nette de l’essentiel de sa doctrine. Si la fréquentation d’un Cerdon, d’un Valentin peut-être, a pu influer sur le développement de sa pensée, celle-ci n’en reste pas moins originale ; et d’ailleurs nous ne savons à peu près rien de Cerdon, que l’on donne comme le maître de Marcion ; rien, sinon que ses idées ne s’apparentent pas avec celles de la gnose valentinienne.

Au fait la véritable gnose, c’est bien celle de Valentin, aboutissement de tout un mouvement d’idées qui dure depuis un siècle, et qui, malgré de multiples déviations, conserve néanmoins une même direction générale. C’est, en bref, un essai de solution des problèmes métaphysiques, religieux et moraux par un appel aussi large que possible aux traditions les plus diverses en même temps qu'à la spéculation rationnelle. On insistera dans la définition précédente sur le syncrétisme bien oriental qui fait le fond de la gnose, sur le fait que l’on s’adresse aux religions les plus hétéroclites, aussi bien qu’aux systèmes philosophiques les plus disparates. De là vient, à coup sûr, l’impression d’incohérence que donne l’exposé des grands systèmes gnostiques, le sentiment de fatigue que l’on éprouve à tenter de les restituer.

Le marcionisme frappe au contraire par sa grande simplicité. Si le problème qu’il cherche à résoudre est le même que celui auquel s’est attachée la gnose (au fond c’est le problème de toutes les religions), la méthode employée par lui diffère profondément de celle qui est en honneur dans toutes les écoles gnostiques : point d’appel au syncrétisme religieux, point d’appel aux fantaisies délirantes de l’imagination, aux spéculations désordonnées de la raison raisonnante. Ce n’est donc pas le même esprit qui circule dans les écoles gnostiques et dans l'Église marcionite. Si des solutions analogues se rencontrent de part et d’autre, elles sont obtenues par des moyens différents. Il semble donc qu’il faille trancher le lien factice que la tradition a établi entre la gnose et le marcionisme.

Le système marcionite.

 Il est absolument original, que l’on considère son point de départ ou ses

aboutissements dans les divers domaines.

1. Point de départ.

Marcion est d’abord un chrétien, c’est-à-dire un disciple du Christ, persuadé que le Sauveur est venu donner aux hommes la réponse aux grandes questions d’origine et de fin. C’est l'Évangile qu’il faut scruter avant tout, message tout nouveau apporté au monde, et qui constitue par rapport à tout ce qui précède un phénomène extraordinaire. Paul, le premier a eu cette intuition ; il a compris que le christianisme était une religion nouvelle. Avec une extraordinaire audace, il a déclaré que la vieille loi juive, avec laquelle les premiers apôtres hésitaient à

rompre, était périmée en droit comme en fait, et que Jésus était venu fonder une économie nouvelle du salut. Mais Paul s’est encore montré trop timide : il n’a pas osé couper les liens historiques qui attachaient l'économie chrétienne à la religion judaïque. Il a maintenu celle-ci comme une préparation divine de celle-là. Par une exégèse subtile, où l’allégorie joue le rôle essentiel, il a montré dans l’Ancien Testament les pierres d’attente de la construction nouvelle. Bien plus audacieux que Paul, Marcion n’hésite pas à trancher dans le vif. Lntre les deux économies du salut, l’ancienne et la nouvelle, il n’est absolument aucun lien. Judaïsme et christianisme sont deux entités absolument irréductibles, qui se succèdent dans le temps, mais sans qu’il y ait aucun parsage de l’une à l’autre. De ce dualisme historique, auquel il est arrivé par la méditation de l'Évangile, par la comparaison de son contenu avec celui de la Loi, Marcion arrive au dualisme métaphysique le plus absolu. Les deux religions n’ont pas le même contenu ; elles n’ont pas la même fin ; elles n’ont pas le même auteur. Reprenons, dans l’ordre inverse, chacun de ces points.

2. Théologie : le Dieu juste et le Dieu bon. — Avec le plus profond mépris pour la métaphysique, le plus absolu dédain pour la tradition ecclésiastique, Marcion donne comme fondement à son système l’existence de deux dieux : celui qui paraît dans l’Ancien Testament, celui qui se révèle dans le Nouveau. Les Antithèses exprimaient au mieux les différences qui les séparent.

Le plus anciennement connu est le Dieu de l’Ancienne Loi, celui que, depuis Abraham, les Juifs ont adoré, et dont les manifestations remplissent les pages de la Bible israélite. C’est le créateur ou plutôt l’organisateur de l’univers, et les multiples imperfections de son œuvre ne peuvent laisser de doute sur son caractère imparfait et limité. Et d’abord la matière préexistante dont il a formé le monde est par elle-même un principe d’imperfection et de mal. Incapable de lui imposer entièrement ses volontés, le démiurge n’a su produire qu’une œuvre manquée ; cela éclate tout spécialement dans la création de l’homme. Et plus encore dans sa chute. Chargé de préceptes despotiques qu’expliquent seules la jalousie et la faiblesse du démiurge, l’homme pèche ; il en est rudement puni. Tout l’Ancien Testament n’est-il pas rempli du récit des terribles vengeances exercées sur sa créature par le Dieu créateur ? Ne disons pas qu’il est mauvais par essence : reconnaissons qu’il est juste, mais d’une justice qui va jusqu'à la méchanceté. Cette justice bornée, agissant par à-coups, sujette aux repentirs et aux reprises, incapable de rien prévoir ni de rien empêcher, où la saisit-on mieux que dans la longue histoire du peuple d’Israël ? Eût-il même réussi à s’assurer un petit noyau d’adorateurs fidèles, que le Dieu créateur aurait pourtant échoué, puisqu’en fait il demeure ignoré de la plus grande partie des hommes.

Au delà des limites de ce monde, dans ce troisième ciel où pénétra un instant l’apôtre Paul, vit et règne un autre Dieu, le Dieu tout-puissant, le Père infiniment bon. Pour 1 humanité, pour le monde, pour le Dieu créateur même, ce Dieu bon est l’inconnu par excellence, le Dieu étranger, puisqu’avec tout cela il n’a rien de commun. De lui nous ne saurions rien, si un jour n'était apparu sur terre, dans des conditions que nous aurons à préciser ultérieurement, Jésus qui vient le révéler. Car le joyeux message apporté par le Sauveur, c’est avant tout l’existence de ce Père qui est dans les deux. Ce Père est infiniment bon et c’est là son essence ; pour emprunter le mot de Paul, il est « le Père de miséricorde et le Dieu de toute consolation ». Tandis que le Créateur est sévère jusqu'à la dureté, lui ne juge ni ne s’irrite ; tandis que le Créateur