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    1. MARC (SAINT)##


MARC (SAINT). CHRISTOLOGIE

1952

la conclusion de l'évangile : « En vérité cet homme étail Fils de Dieu, i xv, 39. A l’appui de cette affiriiKition saint Marc apporte surtout le récit des miracles de Jésus et des bienfaits répandus autour de lui, comme dans la catéchèse de saint Pierre chez le centurion Corneille : « Vous savez… comment Dieu a oint du Saint-Esprit et de force Jésus de Nazareth, qui s’en allait do lieu en lieu, taisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous la tyrannie du diable, car Dieu était avec lui. » Act., x, 37, 38, C’esl bien là aussi le thème essentiel et comme le programme du second évangile, où les miracles et particulièrement les guérisons de possédés mettent en lumière la puissance du Fils de Dieu, maître de la nature et vainqueur des démons.

Quelques critiques ont prêté à l’auteur du second évangile un autre but : sa préoccupation dominante, qui est aussi, rcmarque-t-on, une des préoccupations de saint Paul, aurait été d’expliquer l’incrédulité des Juifs qui se sont refusés à reconnaître en Jésus le Messie, et tout son évangile tendrait à montrer que c’est Jésus lui-même qui fut la cause de cette incrédulité, en cachant délibérément au peuple sa qualité de Messie. Il n’est pas douteux, en effet, que saint Marc souligne, beaucoup plus que les autres évangélistes, la consigne de silence imposée par Jésus au sujet de sa personnalité et de sa dignité messianique soit aux démons qu’il chasse, soit aux malades qu’il guérit, soit à ses apôtres. Cf. en particulier : i, 24-25, 34, 43 ; iii, 11-12 ; v, 43 ; vii, 36 ; vrn, 26, 30 ; ix, 8. Mais il serait tout à fait excessif de transformer avecWredc cette idée du « secret messianique » en une thèse théologique, et d’en faire comme l’armature doctrinale du second évangile. Rien n’y manifeste nettement l’intention qu’aurait eue l’auteur d’expliquer l’incrédulité des Juifs. D’autre part, cette consigne de silence apparaît surtout dans la première partie de l'évangile, où elle s’explique très naturellement ; on ne saurait s'étonner, quand on songe à ce que les Juifs attendaient de leur Messie, que Jésus n’ait pas voulu risquer d’encourager par une révélation prématurée de sa qualité messianique des espérances dont le caractère nationaliste et d’ordre surtout temporel était nettement opposé au véritable sens de sa mission. Dès lors, on ne voit pas pourquoi l’attitude prêtée à Jésus serait une conception artificielle de l'évangéliste plutôt qu’une réalité d’histoire, et on peut croire que saint Marc y a seulement insisté davantage, afin de caractériser la méthode d’enseignement adoptée par le Sauveur durant la première période de son ministère.

Christologie.

Si certains critiques libéraux

attribuent à l'évangile de saint Marc un caractère dogmatique accusé, d’autres, tels que M. Goguel, reconnaissent plus justement que c’est seulement dans une mesure assez restreinte qu’on peut parler d’idées théologiques particulières à l’auteur du second évangile. « L'évangéliste n’est ni un créateur, ni un penseur original, il exprime les idées qui avaient cours dans le milieu au sein duquel et pour lequel il a travaillé. » Les Évangiles synoptiques, p. 359. Il n’y a donc pas une christologie de saint Marc différente de celle des deux autres Synoptiques, où d’ailleurs se retrouvent en des passages parallèles la plupart des textes importants relatifs au caractère et à la mission de Jésus, et l’on ne peut guère relever, comme propres à saint Marc, que des détails et des nuances.

1. Jésus Messie et Fils de Dieu. — « Il semble que saint Marc ait attaché moins d’importance au titre de Messie qu'à celui de Fils de Dieu. Écrivant pour des chrétiens d’origine païenne pour la plupart, il n’avait pas à insister sur l’accomplissement des prophéties messianiques dans la personne de Jésus. Et ce qu’il met spécialement en lumière, c’est que Jésus était

bien le Messie, mais un Messie rejeté par son peuple, dont la destinée cependant a été remplie, parce que cette destinée était de servir de rédemption à plusieurs, c’est-à-dire, sans doute, à ceux qui le reconnaîtraient comme Iils de Dieu. » Lagrange, op. cit., p. cxxxv.

L'évangile de saint Mare, c’est surtout l'évangile du Fils de Dieu. Beaucoup de critiques veulent voir dans la filiation divine, tdle qu’elle est afliimée dans les synoptiques, un simple équivalent de la messianité. Mais saint Marc l’a sûrement entendue dans un sens plus profond. Les miracles qu’il raconte visent a mettre en lumière non seulement la mission divine de Jésus, mais une puissance surnaturelle qui l'élève audessus de l’humanité. D’ailleurs, certains passages suggèrent que saint Marc a compris la filiation divine du Christ comme une filiation au sens propre, comme une relation transcendante entre Jésus et Dieu. Au début de l'évangile i, 1, les mots : Fils de Dieu, qui doivent être tenus pour authentiques, bien qu’ils manquent en quelques mss., ne s’expliqueraient pas après le titre de Christ, s’ils en étaient le pur et simple équivalent. Si saint Marc ne rapporte pas comme saint Matthieu et saint Luc la déclaration de Jésus sur les rapports de connaissance mutuelle entre le Père et le Fils, il relate par contre une parole du Sauveur, où Jésus se désigne lui-même comme le Fils de Dieu au sens absolu, en se distinguant nettement des hommes et même des anges : « Quant au jour ou à l’heure (du jugement), personne ne le sait, pas même les anges dans le ciel, ni le Fils, mais seulement le Père. » xiii, 32. Contre les critiques qui rejettent l’authenticité des mots : ni le Fils, qui ne figurent pas dans le texte parallèle de saint Matthieu, xxiv, 36, on a justement fait remarquer que ces mots qui prêtent à Jésus l’ignorance du jour du jugement et qui créent par là-même une difficulté théologique, ne peuvent avoir été ajoutés par l'évangéliste ou par la tradition. Et si ces mots qui placent le Christ dans un monde surhumain sont authentiques, on doit reconnaître qu’ils constituent une attestation importante non seulement de la foi de l'évangéliste et de l'Église primitive dont il est l'écho, mais des affirmations de Jésus sur lui-même.

D’ailleurs, si le second évangile ne contient aucune affirmation précise de la préexistence divine du Christ, on y peut relever plusieurs paroles de Jésus, qui paraissent bien la supposer, et que l'évangéliste devait entendre en ce sens. Quand Jésus dit qu’il est sorti pour prêcher, i, 38 ; qu’il est venu appeler les pécheurs, ii, 17 ; qu’il est venu pour servir, x, 45, il semble bien que ces expressions ne doivent pas s’entendre dans un sens terre à terre, mais font une allusion mystérieuse au monde supérieur, d’où le Fils de Dieu est sorti pour venir au sein de l’humanité.

De ce que le second évangile ne contient rien sur la naissance et l’enfance de Jésus, de la façon aussi dont est présentée la scène inaugurale du baptême du Sauveur, les critiques rationalistes ont souvent conclu que, dans la pensée de l'évangéliste, la filiation divine, quelle qu’en fût d’ailleurs la nature, n’aurait commencé qu’au baptême : Jésus aurait été adopté alors comme Fils de Dieu, et investi de la dignité et du rôle messianiques, dont la vision céleste, qui, dans cet évangile, paraît n'être perçue que par lui comme la voix du ciel semble ne s'être fait entendre qu'à lui seul, lui aurait alors donné conscience. A vrai dire, ce dernier trait peut n'être qu’un effet de perspective : saint Marc se place uniquement, en rapportant cette scène, au point de vue de Jésus, mais il ne dit pas que le Précurseur et les autres assistants n’aient rien vu ni entendu, et son récit n’est pas inconciliable sur ce point avec celui des autres évangélistes, d’après