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MAHC (SAINT). ORIGINE DU SECOND ÉVANGILE


ses disciples suivent une marche ascendante avec des points tournants qui marquent les époques ».

Ainsi il y a dans l’histoire de Jésus, telle que la rapporte le second évangile, un caractère de logique et de vraisemblance qu’un critique anglais, M. Burkitt, The Gospel history, p. 66, cité par Lagrange, op. cit., p. cxxiii, a exprimé par le mot self -consistent, et qui est un sérieux argument en Faveur à la fois de l’unité d’auteur et de la véracité historique du récit.

b) De l’examen du vocabulaire et de la syntaxe du second évangile on ne peut tirer à proprement parler une démonstration de l’unité d’auteur. Cependant, le fait que des expressions et constructions caractéristiques se retrouvent également réparties dans toutes les parties de l'évangile constitue à tout le moins une probabilité dans ce sens. On peut citer parmi ces traits caractéristiques certains mots chers à Marc : ëp/erai ou ëp^ovrai, 24 fois dans Marc, 3 fois dans Mat th., 1 fois dans Luc ; surtout eùôoç, 42 fois dans Marc, 18 fois dans Matth., 7 fois dans Luc ; l’emploi du présent historique « presque spécial à Marc, du moins a ce degré » (Lagrange), et très également réparti dans toutes les parties narratives de l'évangile ; la préférence donnée à xaî sur 8s (on a compté 496 8s dans Matth., 508 dans Luc, 150 seulement dans Marc). Cf. Hawkins, Horæ synoplicse.

c) Le style et la méthode de composition dans le second évangile sont caractérisés par l’uniformité, allant jusqu'à la monotonie, des formules et des procédés de narration, mais en même temps par la multiplicité des détails concrets, des notations pittoresques. Le schématisme dans le plan des tableaux dont le P. Lagrange cite comme exemples le parallélisme entre la guérison du sourd-bègue, vii, 32-36, et celle de l’aveugle de Bethsaïda, viii, 22-26, entre le commandement de Jésus aux esprits impurs, i, 25-27, et à la tempête, iv, 39-41, entre la mission des disciples chargés d’amener une monture à Jésus pour son entrée à Jérusalem, xi, 1-6, et celle des disciples qui doivent préparer la salle pour la Pâque, xiv, 13-16, ainsi que l’emploi de formules stéréotypées, telles que la mention du regard que Jésus promène autour de lui ou fixe sur ses interlocuteurs, iii, 5, 34 ; v, 32 ; x, 21, 23 ; xi, 11, ou encore les explications données sous forme de parenthèses sont des caractéristiques littéraires qui sont nettement favorables à l’unité d’auteur.

D’autre part, la vie que donne à la narration l’abondance de détails circonstanciés ne saurait être le résultat d’un laborieux travail de compilation comme celui que supposent les théories critiques sur la composition du second évangile : on a l’impression d’un récit spontané, émanant d’un témoin oculaire, bien plutôt que de l'œuvre d’un rédacteur assemblant des éléments empruntés à des sources écrites. Ce caractère du second évangile s’explique au mieux, si nous avons dans ce livre, comme le suppose la tradition ecclésiastique, l'écho de la catéchèse de saint Pierre « telle que Marc l’a recueillie des lèvres de l’Apôtre dans sa spontanéité et son jaillissement originels, avant que le temps ne l’ait décolorée et refroidie ». Huby, Évangile selon saint Marc, p. xvii.

d) Est-ce à dire que saint Marc n’ait pas utilisé des sources écrites ? Non, sans doute ; et l’emploi de documents de ce genre est une supposition vraisemblable, bien qu’on n’en puisse faire la preuve. Il y aurait des raisons de le croire pour le discours apocalyptique, xiii, 1-37, le seul grand discours rapporté dans le second évangile. Les Logia, c’est-à-dire l'évangile araméen de saint Matthieu ont pu être connus de saint Marc. La conclusion du P. Lagrange sur ce point est plutôt négative. « Ce qui demeure le plus probable, dit-il, c’est que Marc ne dépend pas des Logia. Mais, s’il en dépend, ce n’est assurément pas

comme un compilateur ou un imitateur servile, et c’est, selon toute apparence, comme un auteur qui a ses sources à lui. » Op. cit., p. cix.

2. La finale du second évangile, Marc, xvi, 9-20, faisait-elle partie du texte original du livre et a-t-elle le même auteur ?

On a déjà vu qu’il y a eu dans la tradition patristique certaines hésitations sur l’origine de ce passage du second évangile. Eusèbe et saint Jérôme en particulier paraissent ne pas avoir été très assurés de son authenticité, soit pour des motifs intrinsèques, soit parce que cette finale ne figurait pas dans les mss. qu’ils estimaient les plus corrects. De fait, dans deux des plus anciens manuscrits grecs, le Sinaïlicua et le Vaticanus, l'évangile se termine à xvi, 8. Il en est de même dans le ms. syriaque-sinaïtique et quelques mss. arméniens. D’autre part, il existe une finale brève, comprenant deux versets seulement, qui remplace la finale canonique dans un ms. de l’ancienne version latine, et qui figure en même temps que la finale ordinaire dans quelques autres manuscrits, dont quatre onciaux.

Mais les principaux arguments contre l’authenticité de la finale sont d’ordre intrinsèque. Il n’est pas douteux qu’après le ꝟ. 8 il y a une coupure très nette. A un récit détaillé succède une sorte de résumé, un aperçu schématique des diverses apparitions du Sauveur jusqu'à l’Ascension, et la seule partie plus largement développée est le discours de Jésus aux Apôtres, xvi, 14-18, contrairement aux habitudes de saint Marc qui insiste plus sur les détails narratifs que sur les paroles du Sauveur. Déplus, ꝟ. 9, 10, l’histoire de l’apparition à Marie de Magdala (qui est d’ailleurs présentée, comme s’il n’avait pas été question d’elle quelques lignes plus haut) est reprise, sans tenir compte des versets précédents où l’apparition aux saintes femmes était racontée en détail.

A n’envisager que les raisons de critique interne, on inclinerait donc à croire que la finale actuelle du second évangile est d’une autre main que celle de saint Marc, et qu’elle a été ajoutée pour remplacer la conclusion primitive qui aurait disparu. Ces raisons ne sont point cependant décisives : si elles démontrent bien que la finale actuelle n’est pas la conclusion normale de l'évangile, on peut supposer d’autre part qu’elle a été ajoutée par saint Marc lui-même, qui, pour une cause à nous inconnue, aurait interrompu la rédaction de son évangile sans avoir pu l’achever, et l’aurait repris un peu plus tard pour le compléter parce résumé rapide des faits qui suivirent la résurrection. Cette hypothèse, défendue en particulier par Belser. Einl’ilung in das N. T., p. 95-103, expliquerait en même temps l’om'.ssion de la finale dans certains mss. qui auraient pour origine des copies du texte primitif incomplet de l'évangile. Mieux que l’hypothèse d’un second rédacteur, tel que le presbytre Aristion auquel on a pensé parce que le nom d’Aristion figure en suscription dans un manuscrit arménien du x° siècle, elle explique le témoignage de la tradition patristique, favorable dans son ensemble et dès l’origine, à l’authenticité du morceau.

Dans ces conditions, on ne s'étonne pas que la Commission biblique ait déclaré que l’inauthenticité n'était pas démontrée. « C’est là, remarque le P. Huby, op. cit., p. 402, une conclusion plutôt négative et qui ne se donne pas pour irréformable, » et la Commission biblique s’est bien gardée de mettre sur le même pied, au point de vue de la certitude, la thèse de l’authenticité littéraire de la finale et celle de sa canonicité. Sur ce dernier point, il ne peut guère y avoir d’hésitation pour les catholiques, car la finale de saint Marc, sans avoir été désignée expressément par le Concile de Trente dans le décret sur la Vulgate, semble bien être une de ces parties des livres du Canon, qui, d’après ce