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1919
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MANTOUE


lier extraordinaire à Bologne pour l’année 1473 ; le 4 avril 1475, il acquit le grade de docteur en théologie à l’université de la même ville.

Né poète, ses prédilections allaient vers les belleslettres, et les éludes sacrées ne lui inspiraient que du dégoût. Un jour cependant les poésies de saint Paulin de Noie lui tombèrent entre les mains. Il fut si touché do la suavité de cette belle poésie, qu’il s’appliqua davantage et avec un zèle plus ardent aux études sacrées. Ses études achevées, et ne sachant s’il consacrerait les loisirs que lui laissait l’enseignemem à la culture de la poésie ou à l’art oratoire, il prit conseil do J. B. Refrigeri, personnage le plus remarquable de Mantoue. Celui-ci lui conseilla de composer un poème où il exposerait son propre point de vue. C’est alors que Baptiste Spagnoli composa le beau poème De præsidenlia oratoris et poelæ, où il donne franchement la préséance au poète. Co fut donc à cet art que Baptiste consacra de préférence les loisirs que lui laissaient les nombreuses charges qu’il remplit dans son ordre. Néanmoins il prêcha quasi journellement et fut fort goûté par les nombreux auditeurs qui accouraient en foule pour l’entendre.

Ses confrères, attirés par les belles qualités de Baptiste Spagnoli ainsi que par la sainteté de sa vie, l'élurent jusqu'à six fois vicaire général de leur réforme de Mantoue : 1483-1485 ; 1489-1491, 1495-1497, 15011503, 1507-1509 et 1513. Les constitutions de cette réforme mettant obstacle à la réélection du vicaire général durant les quatre ans qui suivent sa charge, nous devons en conclure que le bienheureux fut réélu chaque fois qu’il pouvait l'être. Il fut aussi prieur du couvent de Mantoue et de celui de saint Chrysogone à Rome (1486). Il fut encore premier gardien du sanctuaire de Lorette (1489), garde qu’il avait obtenue pour son ordre du cardinal Jérôme Basso délia Rovere, neveu du pape Sixte IV. Grâce au sage gouvernement du Mantouan, la réforme fit de rapides progrès, de sorte que, peu de temps après sa mort, elle ne comptait pas moins de cinquante couvents. Enfin, le 22 mars 1513, le chapitre général de tout l’Ordre, tenu à Rome et présidé, au nom du pape Léon X, par le cardinal Sigismond de Gonzague, ancien disciple de Spagnoli et protecteur de l’Ordre, élut Baptiste de Mantoue général de tout l’Ordre. Il recueillit tous les suffrages, moins deux ; mais à ce résultat la pression exercée par le cardinal et probablement par le pape lui-même ne fut point complètement étrangère. Etant absent, il fut mandé d’urgence à Rome, où le pape Léon X le força d’accepter cette charge. Le chapitre général connaissant le zèle du nouveau général pour la réforme, restreignit ses pouvoirs, lui défendant d’empêcher les provinciaux dans l’exercice de leurs fonctions et de donner les couvents des mitigés aux réformés ; même il exhorta le général à se conformer aux mitigés quant à la couleur de l’habit. Exténué par les pénitences, les souffrances et les travaux, le nouveau général ne put visiter les provinces de son Ordre que par l’intermédiaire de visiteurs généraux ; aussi l’unique fait digne de mention fut qu’il consolida davantage la réforme de Mantoue, et donna des bases solides à la jeune réforme française, dite d’Albi, calquée sur la première. Si, conformément au dire de la plupart des auteurs, le Mantouan abdiqua spontanément le généralat tant par humilité que pour motifs de santé, ce qui n’est basé sur aucun document authentique, ce ne fut en tout cas que peu de temps avant sa sainte mort. Celle-ci arriva à Mantoue, le 20 mars 1516. Son corps déposé d’abord en l'église des carmes de Mantoue, puis dans la cathédrale de cette ville, y repose encore de nos jours préservé de toute corruption. On commença de bonne heure à le vénérer ; aussi le pape Léon XIII approuva-t-il ce

culte Immémorial par décret du 17 décembre 1885. A l’occasion des fêtes de cette béatification, le futur pape Pie X, Joseph Sarto, alors évoque de Mantoue, prononça un remarquable discours. La fête du bienheureux est fixée au 20 mars.

Quoique Spagnoli ait eu de nombreux ennemis, surtout dans le camp des humanistes de la Renaissance païenne, il eut aussi beaucoup d’amis et d’admirateurs. Il était en relations d’amitié avec les hommes les plus illustres de son temps, Arnold Bostius, Érasme, les deux Pic de la Mirandole, Philippe Beroald, Élie Capréolus, le pape Alexandre VI et surtout le pape Léon X qui l’honorait et l’admirait. Aussi, ce pape lui confia-t-il plusieurs affaires importantes. Ainsi, il fut son légat pour arranger la paix entre le roi François I" et le duc de Milan (13 juillet 1515).

II. Œuvres. — Baptiste de Mantoue fut un des plus grands et le plus abondant poète de la Renaissance latine. Des 70 ouvrages qu’il écrivit, 56 furent publiés. L'édition d’Anvers, 1576, ne contient pas moins de 55 000 vers. Cette facilité dut nécessairement nuire à la perfection de ses œuvres : bien des ouvrages, comme il l’atteste lui-même, furent édités avant le temps pour plaire à ses amis ; d’autres le furent à son insu et avant d'être revus et corrigés. Sa renommée était néammoins fort grande ; même de son vivant, ses œuvres connurent de nombreuses éditions et étaient lues par toute l’Europe ; elles furent même commentées par Sébastien Murrho, Sébastien Brant, André Vaurentin, et surtout par Josse Badius Ascensius. On les lut et les commenta publiquement dans les meilleurs gymnases d’Italie, de France, des PaysBas, d’Angleterre et d’Allemagne. Aussi recevait-il des lettres de félicitations des hommes les plus illustres de tous les pays de l’Europe. On le comparait, de son temps, à son concitoyen Virgile. C'était peut-être beaucoup dire. Pourtant, il en imite à merveille l'élégance et le surpasse même par sa fécondité, et surtout par la hauteur de sa morale. Spagnoli cultiva tous les genres ; il imita de préférence l’hexamètre virgilien. Il n'était d’ailleurs qu’un poète d’occasion. Aussi, à côté de grandes œuvres trouve-t-on beaucoup de petites poésies inspirées par les impressions du moment, surtout dans le recueil des Silvæ. La variété des sujets justifie pleinement ce titre, en effet, on appelait Silvse « ce qu’on écrit au courant de la plume, dans l’emportement de l’improvisation. »

Parmi ses principaux ouvrages, mentionnons d’abord : 1. Ses Églogues : Bucolica seu Adolescentia in decem seglogas divisa, un des monuments les plus notoires de la poésie latine humaniste. C’est une œuvre de jeunesse, car les huit premières églogues furent composées pendant qu’il étudiait la philosophie à Pavie, donc avant sa 17e année. Les deux autres furent composées au commencement de sa vie religieuse. Aussi, furent-elles les plus lues, commentées, imprimées et traduites ; 2. Les six livres de Y Alphonsus pro rege Hispaniæ de Victoria ad Granatam, qu’il composa à la requête du pape Alexandre VI, la plus intéressante de ses œuvres de longue haleine. On y trouve de belles descriptions des enfers, du purgatoire, du paradis terrestre et des événements de ce monde. Cette œuvre, à peine achevée, fut publiée en 1503 ; 3. Le De calamilatibus temporum libri très, écrit vers 1479, et publié dix ans plus tard, est une œuvre que certains préfèrent à V Alphonsus. Les trois poèmes, que nous venons de rapporter, donnent une idée nette de la psychologie artistique du Mantouan.

Spagnoli cultiva aussi avec succès l'épopée hagiographique et la poésie épique chrétienne de grand style classique. Il nous laissa dans ce genre : 4. d’admirables Parlhenices en l’honneur de N.-D. du Mont Carmel