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M NNING


lettre pastorale, The Office oj the Church in higher calholic Education, il publie une nouvelle interdiction portée, sur sa demande, par la Propagande, le 10 janvier 188"). Il s’elïorce de justifier sa conduite, en montrant l’inutilité des études à Oxford et a Cambridge, la possibilité d’obtenir les grades à l’Université de Londres, sans suivre les cours officiels, la bonne tenue des collèges catholiques qui peuvent rivaliser avec les autres… Ces raisons ne lurent pas suffisantes pour convaincre les catholiques anglais. Après la mort de Manning, la question de l’enseignement supérieur fut résolue suivant les idées de Newman ; depuis 1896, les catholiques anglais fréquentent les universités officielles. Mais on a fondé, à côté, des collèges spéciaux, dirigés soit par des prêtres séculiers, soit par les jésuites, les dominicains et les bénédictins. La jeunesse universitaire est ainsi préservée du danger de perversion que redoutait Manning.

La question sociale.

L’activité exercée par

Manning, pour restaurer là vie religieuse dans les quartiers pauvres de Londres, l’avait mis en présence d’une situation matérielle et morale déplorable. Il avait la conviction que l'Église ne peut « se répandre en Angleterre que si elle manifeste de larges sympathies populaires, qui l’identifient, non avec ceux qui gouvernent, mais avec les gouvernés. » Thureau-Dangin, La renaissance.., t. iii, p. 262. Il fallait donc que le clergé catholique devînt le guide et le protecteur des pauvres. Lui-même donnera l’exemple, et se fera le porte-drapeau du catholicisme social.

L’attention avait été attirée en 1883 par une série d'écrits sur l’effroyable misère des logements, dans certains quartiers de Londres. L’exiguïté et l’insalubrité des maisons ouvrières où < parfois plusieurs familles pullulent dans la même pièce, chacune dans son coin, manquant d’espace, manquant d’eau, ., exposaient les habitants à toutes sortes d’affections chroniques, aux maladies aiguës les plus graves ; les contraignaient à vivre dans une promiscuité déplorable ou dans le contact d’un monde interlope. » Righls oj Labour, dans Lemire, op. cit., p. 135-137. Désertant ce milieu infect, l’ouvrier se réfugiait dans les bars et se livrait à l’alcoolisme fléau très grave et très répandu, dont Manning, montre les conséquences désastreuses dans l’individu, la famille et la société. « L’ivrognerie, qui va se développant tous les ans, est notre péché national, notre honte nationale, et sera, si nous ne l’enrayons, notre ruine nationale. » Miscell, t. iii, p. 398.

Déjà, étant archidiacre de Chichester, Manning s'était intéressé aux classes pauvres, écrivant à Gladstone, faisant proposer à James Graham différents amendements, concernant les enfants naturels et la responsabilité effective du père, signalant à Lewis, président du Board oj Trade, l’immoralité des centres ouvriers, en même temps que les mesures à prendre. Archevêque de Westminster, il entreprend activement la lutte contre l’alcoolisme. Dès 1805, entrant dans V Association catholique de tempérance, il donne une nouvelle impulsion à l'œuvre des PP. Mathew et Lockhart, les initiateurs des sociétés de tempérance ; en 1866, il forme un comité chargé de constituer une société avec des règles fort simples ; l’année suivante, il fonde pour les Irlandais, très atteints par le fléau, la St Patrick’s Association ; en 1871, dans une réunion à Exeter Hall, il appuie le projet de bill de sir W. Lawson, qui propose la fermeture des bars à certains jours et à certaines heures déterminés.

Joignant l’exemple à la parole, il prend le pledge et devient, à partir de 1872, un teatolaler incorrigible, acquérant ainsi plus d’autorité pour recommander

l’adhésion à la Roman catholic total abstinence League. qui comprendra à Londres jusqu'à vingt-huit mille ligueurs, pour convaincre le peuple, dans des discours en plein air, prononcés à Exeter Hall, à Clerkenwill Green, à Tower Hill, à Ilyde Park, dans les jardins du Palais de Cristal. Cf. Tablel, 1881, t. ii, 390. Pour aider à ses efforts personnels, il attire l’attention ei recherche l’appui du législateur, par un article publié en 1878, dans la revue de Dublin, Our national Vice, Misait., t. iii, p. 227-241. où il attaque les responsables : le Parlement, qui ménage des électeurs, les capitalistes, qui tirent d'énormes ressources, le gouvernement, qui recueille des impôts considérables ; où il propose des remèdes : la fermeture intermittente des débits (bill Lawson), le consentement des pères de famille, avant d’ouvrir un bar dans une localité (Permissive Bill).

L’alcoolisme n'était peut-être que la conséquence de la déplorable situation matérielle des ouvriers anglais ; du moins cette misère y contribuait. Il fallait donc rendre la vie meilleure et plus facile, pour cette partie de la population. Pour lutter efficacement contre le paupérisme et les habitations insalubres, il accepte de faire partie en 1884, d’une commission d’enquête, présidée par le prince de Galles ; il encourage l'émigration et voudrait que le gouvernement lui donnât une forte organisation, Why are our people unwilling to emigrale ? Miscell., t. iii, p. 207227. Il n’hésite pas, malgré les critiques, à encourager la campagne entreprise par la Pall Mail Gazette contre la traite des blanches, à encourager la National Society for the prévention oj Cruelty oj children, fondée par le président Benjamin Vaught, à donner ses sympathies au général Booth, à l’occasion de son livre. In darkest London, et à l’Armée du salut, en tenant compte de la noblesse du but poursuivi, et faisant les réserves nécessaires : sur le terrain de l'évangélisation sociale, toutes les religions peuvent et doivent marcher d’accord. « Dans un désert, où le berger fait défaut, toute voix qui dispense une parcelle de la vérité, prépare l’arrivée de Celui qui est la vérité même. » Cité par Thureau-Dangin, op. cit., t. iii, p. 266 ; cf. The Salvation Army, Miscell., t. iii, p. 189207 ; Room for General Booth, dans Merry England, juillet 1891, février 1892. En même temps portant ses regards au delà de l’Angleterre, il encourage la société anti-esclavagiste, Hutton, Cardinal Manning, p. 200, donne son appui à l'œuvre du cardinal Lavigerie, Hutton, p. 247. Il prend le parti de Gibbons en faveur des « Chevaliers du Travail », que les évêques du Canada avaient condamnés. Hutton, op. cit., p. 203.

Le plus beau succès de l’action sociale de Manning fut son intervention dans la grève des dockers, en 1889. Cette grève avait entraîné le chômage de deux cent mille travailleurs, et faisait peser sur Londres une menace de guerre civile. Tous les pourparlers avaient échoué. L'évêque anglican de Londres, qui avait tenté d’intervenir, recula devant les difficultés. Malgré ses quatre-vingt-deux ans, le cardinal engagea des négociations avec les patrons et les ouvriers, arrachant aux premiers des concessions, conseillant la modération aux autres, aboutissant finalement, après une dernière et longue entrevue, à un compromis qui mit fin au conflit. Lemire, op. cit., p. 113 ; Purcell, op. cit., t. ii, p. 665. 666.

Ces multiples interventions de Manning en faveur du monde ouvrier, s’expliquent par ses principes sur la question sociale. Il les a exposés dans un discours prononcé à Leeds, en 1874, sur la dignité et les droits du travail, The dignity and rights oj the Labour. Miscell., t. ii, p. 65-101 Deux causes ont contribué au développement industriel du xixe siècle : l’argent et