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MANNING


conséquence l’annexion d’une partie des provinces pontificales aux États de Victor-Emmanuel (décret du 18 mars 1860). Aux protestations qui s'élevèrent de toutes parts contre cette spoliation, Manning joignit la sienne, dans plusieurs conférences données a Londres, en 1860-1861. Ces conférences furent réunies en un volume, The temporal poiver of (lie Viear of Jesus-Christ, Londres, 3° édit., 1880, traduction française par Chambellan, Conférences préchées à Londres sur le pouvoir temporel du Vicaire de Jésus-Christ, 1863. Manning considère le pouvoir temporel comme providentiellement établi pour sauvegarder l’autorité spirituelle du chef de l'Église, pour faciliter sa mission civilisatrice. Il combat l’argument que l’on pouvait invoquer en faveur de l’unité italienne : le principe de la distinction des peuples par nationalités.

Dans d’autres conférences, en 1866 et 1867, il traita de la souveraineté temporelle des papes dans ses conséquences politiques, de Rome, de la révolution. Sermons on ecclesiastical Subjccts, t. iii, p. 1-76.

Il est convaincu que le pouvoir temporel est absolument indispensable à l’exercice régulier de l’autorité spirituelle. Après la réa isation définitive de l’unité italienne, avec Rome pour capitale, on sent cette conviction s’affaiblir, et ses idées sur ce point se modifier. Dans The four/old Sovereignty oj God, Londres, 1871, donnant comme fondement à l’intépendance du Souverain Pontife, le fait qu’il est le représentant du Christ, roi par excellence, et qu’il ne saurait ainsi être soumis à aucun prince, il semble admettre que cette souveraineté et cette indépendance ne sont pas nécessairement attachées à un lambeau de territoire, mais qu’elles résident essentiellement dans l’indépendance pleine et entière visà-vis de tout souverain séculier. « Aussi longtemps que le monde sera chrétien, le pasteur suprême demeurera ce qu’il est et ne sera soumis à aucune autorité humaine. C’est en quoi consiste le principe essentiel de son pouvoir temporel. » P. 169. Cependant, en 1877, The Independence of the Holy See, il regarde encore le pouvoir temporel comme un fait providentiel, comme étant sinon absolument, du moins relativement nécessaire, pour le libre exercice de l’autorité spirituelle. Il le justifie historiquement : Rome appartient plus à la catholicité qu'à l’Italie. Il invoque le témoignage d’hommes d'État anglais, à la Chambre des Lords, celui de lord Ellenborough (12 juin 1849), et celui de lordRrougham (20 juillet 1849). Quelques années plus tard, dans les notes manuscrites publiées par Purcell, t. ii, p. 574-581, il émet des idées tout autres sur le pouvoir temporel. Il doute qu’il soit opportun que le Saint-Siège continue à revendiquer un pouvoir qu’il ne serait plus capable d’exercer, qui tournerait contre lui la nation italienne. Une intervention étrangère serait impossible, périlleuse ; une restauration de ce genre ne peut se faire que mediante populi italici voluntate. Quelle solution pourrait-on trouver qui donnât satisfaction à l’Italie et à l'Église, quelles garanties offrir à l’indépendance du SaintSiège ? Manning s’est abstenu de donner ces précisions.

Le concile du Vatican.

Manning devait apporter à la revendication des prérogatives spirituelles du

Saint-Siège autant d’ardeur qu'à la défense du pouvoir temporel. On est surpris, à première vue, de voir cet anglais et cet anglican converti s'écarter aussi radicalement de l’attitude de ses compatriotes et de ses anciens coreligionnaires, chez qui la méfiance envers l'étranger et l’antipathie pour la papauté étaient si fortement ancrées. Si Manning a pu passer pour le type de l’ultramontain en Angleterre, il le doit en partie à son tempérament autoritaire. Homme

d’action et de volonté forte, il était tout naturellement porté à vouloir à la tête de l'Église une autorité puissante et indiscutable. Il ne faut pas oublier surtout que la raison déterminante de sa conversion fut l’impuissance de l'Église établie à maintenir intacts les dogmes chrétiens, par défaut d’autorité. Trouvant cette autorité dans l'Église romaine, il l’accepte et s’y soumet, comme étant le seul moyen de sauvegarder la foi ; il la revendique dans sa plus forte expression, l’infaillibilité pontificale, « plus préoccupé de l'étendre que d’en fixer les limites ». Thureau-Dangin, op. cit., t. iii, p. 118. Tout ce qui peut affermir et augmenter le pouvoir pontifical, lui paraît juste et devoir s’imposer.

Dès le premier synode, qu’il réunit après sa nomination au siège de Westminster, il publie sans aucune restriction le Syllabus et l’encyclique Quanta cura, qui avaient été promulgués l’année précédente. Dans une conférence de 1868, The Syllabus, Sermons on ecclesiastical Subjects, t. iii, p. 77-101, il donne aux condamnations portées par le Syllabus une valeur nettement dogmatique : erreurs relatives à la foi et aux mœurs, dans lesquelles l'Église et son chef jouissent du privilège de l’infaillibilité.

En 1867, il commence une campagne très active pour la définition du dogme de l’infaillibilité pontificale. Se trouvant à Rome, pour les fêtes du dix-huitième centenaire du martyre des saints Apôtres Pierre et Paul, il fait vœu avec l'évêque de Ratisbonne, de travailler à faire définir ce dogme au prochain concile. Il prenait place dans le parti extrême, « qui voulait une infaillibilité à peu près illimitée, l’attribuant aux moindres directions du pape ; refusait aux théologiens le droit de discuter et d’interpréter le sens et la portée de chaque acte pontifical ». Thureau-Dangin, op. cit., t. iii, p. 117. Il se mit immédiatement à l'œuvre. Dans une lettre pastorale du 8 septembre 1867, The Centenary of St Peler, traduction française, Le centenaire de saint Pierre et le concile général, Lettre pastorale à son clergé, suivie de trois bulles de Sa Sainteté le pape Pie IX, relatives au concile, 1869, il démontre l’infaillibilité par les preuves classiques : plénitude du pouvoir spirituel donné à saint Pierre, indépendamment des autres apôtres, avec mission et grâce pour enseigner et expliquer les vérités de la foi ; permanence de ce pouvoir dans ses successeurs. Dans une seconde lettre pastorale The cecumenical Council and the Infallibility of the Roman Ponliff, traduction française, Le concile œcuménique et l’infaillibilité du Pontife romain, Lettre pastorale, 1870, il s’attache surtout à montrer l’opportunité de sa définition, et à exposer les faits sur lesquels s’appuie la croyance de l'Église, choisissant ses preuves, de préférence parmi les scolastiques anglais, comme Thomas Bradwardine et Anselme de Cantorbéry. La même année, il prononce un sermon pour réfuter les objections populaires, Popular objections to the Vatican Council, Sermons on ecclesiastical Subjects, t. iii, p. 101-127. En plus des objections populaires, Manning travaille à repousser les attaques des théologiens : dans un appendice à sa seconde lettre pastorale, il réfute l’ouvrage de Mgr Maret, Du concile général et de la paix religieuse, remet au point une mauvaise interprétation que Mgr Dupanloup, dans ses Observations sur la controverse soulevée relativement à la définition de l’infaillibilité au prochain concile, avait faite de sa lettre pastorale ; il poursuit énergiquement le livre de Janus, Du pape et du concile. Son ardeur le poussait à accepter une discussion publique avec un presbytérien John Cumming, qui l’en avait prié. Rome y fit opposition, offrant toutefois de désigner une commission de théologiens, qui discuteraient avec John Cumming et