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M MCIJKISMK, ESCHATOLOGIE

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juste. En même temps apparaît le Démon de la convoitise et de la concupiscence avec d’autres démons. Dès que le véridique les aperçoit, il appelle à son.secours les dieux qui ont l’aspect du sage Conducteur et les trois autres dieux. Ceux-ci s’approchent de lui. Dés que les démons s’en aperçoivent, ils se retournent pour fuir. Eux prennent le véridique, le revêtent de la couronne (du bandeau ?), du nimbe et de L’habit, mettent dans sa main le vase d’eau et montent avec lui sur la colonne de louange à la sphère de la lune, vers l’Homme primitif, et vers Nahnaha, la mère des vivants, jusqu’au lieu où il se trouvait d’abord dans le Paradis de la lumière. Pendant ce temps, son corps reste gisant, pour que le soleil, la lune et les dieux lumineux lui arrachent les forces, c’est-à-dire l’eau, le feu et le vent léger, qu’il s'élève ainsi jusqu’au soleil et devienne un Dieu. Le reste de son corps, n'étant plus que ténèbres, est jeté dans l’enfer. « Quand la mort s’approche de l’homme militant, bien disposé pour la religion et la justice, qui protège l’une et l’autre, ainsi que les justes, les dieux déjà mentionnés lui apparaissent et aussi les démons. Il appelle à son secours et cherche une médiation propice en récompense des bonnes œuvres qu’il a accomplies et de la défense qu’il a donnée à la religion et aux véridiques. Lui aussi est délivré des démons. Mais il reste dans le monde comme un homme qui voit en rêve des spectres, et qui tombe dans l’ordure et dans la boue. Il demeure en cet état jusqu'à ce que son esprit soit délivré, qu’il parvienne au rendezvous des véridiques et qu’il revête leur habit après une longue série d'égarements. « Quand la mort apparaît à l’homme pécheur, sur qui la convoitise et la concupiscence ont mis la main, les démons s’approchent de lui, l’empoignent, le torturent et lui font voir les spectres. Les dieux aussi sont là, ainsi que l’habit mentionné. L’homme pécheur croit qu’ils sont venus pour le sauver. Mais ils ne sont là que pour l’accabler de reproches, pour lui remettre en mémoire ses actions et le convaincre de la faute qu’il a commise en négligeant de soutenir les véridiques. Alors, il erre sans cesse dans le monde, affligé de tourments, jusqu’au jouroùcet état cessera, et où iL sera jeté avec ce monde dans l’enfer. Telles sont, dit Mani, les trois voies par rapport auxquelles les âmes des hommes sont partagées. Une d’elles conduit au paradis : c’est la voie des véridiques ; une autre va dans le monde et ses terreurs : c’est la voie de gardiens de la religion, des bienfaiteurs des véridiques ; la troisième mène à l’enfer : c’est la voie des hommes pécheurs. » Flùgel, Mani, p. 100, 101.

Un passage de l'Épître du fondement, conservé par Pseudo-Augustin renferme quelques données nouvelles sur le sort des âmes pécheresses : « Celles qui, par amour du monde, se sont laissé écarter de leur première vie lumineuse, qui sont devenues ennemies de la sainte Lumière, qui se sont armées ouvertement pour la ruine des saints éléments, qui se sont soumises à l’Esprit du Feu, qui ont en outre, par leurs persécutions, affligé la sainte Église et ses Élus, observateurs des préceptes célestes, seront exclues de la béatitude et de la gloire du saint Royaume. Parce qu’elles se sont laissé dominer par le mal, elles persévéreront dans cette même racine du mal ; elles seront exclues de la terre pacifique et des régions immortelles. Voilà ce qui leur adviendra pour s'être si fort attachées aux œuvres mauvaises qu’elles se sont éloignées de la vie et de la liberté de la sainte lumière. Elles ne pourront donc pas être reçues dans ces royaumes pacifiques, mais elles seront clouées sur ce globe horrible auquel il faut donner une garde. Ainsi ces âmes seront attachées à ce qu’elles auront aimé.

Files resteront abandonnées sur ce globe ténébreux. Et elles se seront attiré ce châtiment par leur faute, pour avoir négligé de s’instruire sur la destinée qui leur était réservée et de la détourner lorsque l’occasion leur en était olferte. » Ps. -Augustin, De ftde contra manich., 5, P. L., t. xiii, col. 1141.

On voit ainsi combien sera différent le sort des âmes, suivant la manière dont elles se seront conduites ici-bas. Les élus entreront immédiatement après leur mort dans le Paradis de Lumière. Recueillis au sortir de ce monde par les anges de lumière, ils passent d’abord dans la barque lunaire ; puis ils sont conduits sur le vaisseau solaire jusqu’aux régions habitées par le Père ; et c’est là qu’ils demeurent pour l'éternité. Le sort des auditeurs est moins heureux : ils sont condamnés à rester en ce monde ; et sans doute passent-ils d’un corps dans l’autre jusqu'à ce qu’ils arrivent dans le corps d’un élu, ce qui est pour eux la dernière étape avant le salut définitif. D’après lJirûni, Mani lui-même a enseigné cette doctrine de la métempsycose après l’avoir apprise des Hindous ; India, trad. Sachau, t. i, p. 54, 55. Et de fait, on la trouve exposée non seulement dans les Acla Archelai et dans les textes chrétiens qui en dépendent, mais aussi dans le traité chinois de Touen-houang, Journal asiat, Xe sér., t, xviii, p. 532, 533. Quant aux pécheurs, c’est l’enfer qui les attend, avec ses soufrances éternelles et sans espoir.

Toutefois, la séparation définitive des bons et des méchants ne s’accomplira qu’après un temps très long. Il faut d’incommensurables périodes pour permettre aux éléments lumineux tombés dans ce monde de se dégager de la matière et de retourner à leur source première. Les élus eux-mêmes ne peuvent empêcher certaines parcelles lumineuses de leur échapper, et de reprendre une existence errante. Peu à peu cependant s’accomplit la discrimination nécessaire. Les parcelles de lumière remontent à leur principe ; et la matière, de plus en plus abandonnée à elle-même, reste isolée.

Au dernier jour, se produit un immense incendie, qui doit, selon An-Nadim, dans Flugel, Mani, p. 90 et le fragment manichéen de Tourfan, dans F. V. K. Millier, Handschri/t. Reste, p. 19, durer 1468 ans. « L’ange chargé de porter la terre se dirige vers la hauteur, et l’autre ange cesse de tirer le ciel après lui ; alors ce qu’il y a de supérieur se mélange à ce qu’il y a d’inférieur ; un feu éclate et se répand dans ces matières jusqu'à ce que la lumière qui y est répandue soit rendue à la liberté. » An-Nadim, dans Flugel, Mani, p. 90,

C’est alors la fin. La séparation s’opère pour toujours entre les justes et les pécheurs, et, plus exactement entre le monde de la lumière et le monde des ténèbres. Suivant An-Nadim « l’Homme primitif vient alors, dit Mani, du monde de l'étoile polaire ; le Messager du salut de l’Est, le grand architecte du Sud. l’Esprit vivant de l’Ouest. Ils observent le nouvel édifice qui est le nouveau Paradis. En même temps, ils tournent autour de cet enfer et regardent en ses profondeurs. Alors les justes viennent du Paradis vers cette lumière pour se jeter en elle. Ils se pressent au rendez-vous des dieux, et se rangent autour de cet enfer. Puis, ils jettent leurs regards sur les pécheurs qui se tournent et se retournent, errant çà et là et s’enfonçant toujours de plus en plus en cet enfer incapable de nuire jamais aux véridiques. Quand les pécheurs voient les véridiques, ils intercèdent auprès d’eux, et se jettent humblement à leurs pieds. Mais eux ne leur répondent qu’en termes accusateurs qui ne leur servent de rien. Les pécheurs n’y gagnent que d’accroître leur regret, leur chagrin et leur accablement. Tel sera leur lot éternel. » Flugel, Mani, p. 101, 102.