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MANICHÉISME, DOGMATIQUE


captifs par la matière, il se voila la face de tristesse. Le geste renouvelé est encore actuellement la causé

des éclipses.

Des éléments les meilleurs qui restaient après la création du soleil et de la lune, l’Esprit puissant forma les cinq autres planètes chargées de présider aux jours et aux semaines. Les étoiles lixes par contre ne sont pas autre chose que des démons enchaînés dans les airs : elles passent aux regards des manichéens pour exercer une inlluence néfaste ; et tandis que le soleil et la lune, voire les cinq planètes, sont l’objet d’un culte, les étoiles excitent la défiance légitime des sectateurs de Mani.

Certains archontes ténébreux avaient été tués par le démiurge. Leur peau, préalablement desséchée et habilement tendue par la Mère de vie, donna naissance au firmament ; leurs chairs constituèrent la terre et leurs os les montagnes et les pierres. De leur chevelure naquirent les légumes, et de leur fiel se forme le vin.

Divers collaborateurs vinrent compléter l'œuvre de l’Esprit puissant. Ce dernier fit sortir de son intelligence l’Ornement de splendeur ; de sa raison, le grand Roi d’honneur, de sa pensée Adamas Lumière, de sa réflexion le Roi de gloire, et de sa volonté le Porteur. Théodore Bar-Khoni, loccit., p. 22. "Lescinq auxiliaires, ainsi créés, aident l’Esprit à gouverner la terre… Le premier, l’Ornement de splendeur, pourvu de six visages et étincelant de lumière, était établi dans la région de l'étoile polaire, au sommet de la machine ronde, et il la maintenait d’une main vigoureuse. Le second, le grand Roi d’honneur, trônait au 'milieu des airs, près des deux luminaires, veillant sur eux et dirigeant leurs rayons ici-bas, jusque dans les plus vils cloaques pour éclairer les âmes. Un troisième, le lumineux Adamas, tenant en sa main droite un glaive, en sa gauche un bouclier, luttait sur le continent et à travers les mers contre la survivance des démons. Un quatrième, le Roi de gloire, installé dans les entrailles de la terre, entre la partie haute et les régions inférieures, mettait en mouvement les trois roues des feux, des vents et des eaux. Enfin, le cinquième, Atlas, agenouillé vers le Sud, au bas de cette lourde masse, la retenait avec ses bras sur ses robustes épaules. Partout le mal se trouvait ordonné par le bien. » P Alfaric, op. cit., t. i, p. 38.

Le soleil et la lune jouent un rôle de premier ordre dans la délivrance des parcelles lumineuses encore emprisonnées par les ténèbres. Les âmes qui ont le bonheur d'échapper aux liens de la matière se mêlent à l’air très pur. Elles s’y purifient complètement. Puis elles montent dans les navires lumineux qui ont été préparés pour les embarquer et les conduire à la patrie. S. Augustin, De nat. boni, 44, P. L., t. xlii, col. 368. Ces navires ne sont autres que le soleil et la lune. Les âmes passent d’abord par la barque lunaire : celle-ci se remplit durant 14 jours, et augmente de volume et d'éclat. Puis, elle déverse sa charge dans le soleil et revient peu à peu à sa forme première. Le, soleil lui-même sort chaque matin par la fenêtre triangulaire qui lui appartient ; il traverse l’océan du ciel : et le soir, il disparaît à l’occident. La succession des saisons et des années s’explique, comme celle des jours et des lunaisons, par les exigences des voyages que doivent accomplir les grands luminaires à la recherche de la substance divine.

Au premier Homme et à 1 l’Esprit puissant s’adjoignent le troisième Messager et la Vierge de lumière, qui résident l’un dans le soleil et l’autre dans la lune. Avec eux sont des vertus androgynes, dont le rôle propre est d’exciter la concupiscence des puissances adverses et de dégager ainsi tous les éléments lumi neux qu’elles peuvent encore conserver. S. Augustin, De nat. boni, 44. Le soleil dégage ainsi la lumière qui était mêlée avec les diables ardents, et la lune, la lumière qui était mêlée avec les diables froids. Flûge 1, Mani, p. 89. Le même mythe explique l’apparition des divers phénomènes cosmiques : C’est ainsi que les éclairs proviennent de l’apparition soudaine des vertus androgynes. Le tonnerre est le cri de rage des archontes qui ne peuvent satisfaire leur passion ; l’averse résulte d’un relâchement soudain survenu dans leurs organes génitaux.

Jusqu'à présent, nous n’avons pas encore vu apparaître sur la terre les êtres vivants ; et surtout nous n’avons pas été mis en présence de l’humanité. Nous y arrivons maintenant, après une longue attente.

Les végétaux apparaissent les premiers sur la terre, qui ne les produit qu’après avoir été fécondée par la semence impure des démons célestes. La végétation est aussi l'œuvre du mauvais principe ; ce qui n’empêche pas qu’elle renferme, comme tout le reste, un certain nombre de parcelles lumineuses. Sous l’action vivifiante de l’Esprit puissant, la substance divine répandue à travers le sol, s’engage dans les racines et dans le tronc ; puis elle atteint les branches, et elle va s’accumuler dans les fleurs et dans les fruits, en quantité d’autant plus grande que ces fleurs ont une couleur plus belle et ces fruits une pulpe plus savoureuse. P. Alfaric, L'évolution intellectuelle de saint Augustin, p. 113.

Les animaux ont une origine analogue à celle des végétaux. Un certain nombre d’entre eux, les plus petits et les plus vils, tels les poux, les puces et les punaises, naissent spontanément de la matière. Les autres proviennent des puissances ténébreuses enchaînées dans les airs, a Les filles des ténèbres étaient grosses antérieurement, de leur propre nature. Par suite de la beauté des formes du Messager qu’elles avaient vues, elles avortèrent. Leurs fœtus tombèrent sur la terre et mangèrent les bourgeons des arbres. » Théodore Bar-Khôni, dans F. Cumont, op. cit., p. 40, 41. Les animaux ne sorit autre chose que les descendants de ces avortons, qui, une fois arrivés sur la terre, s’accouplèrent et produisirent à leur tour des rejetons. Ils se divisent en cinq catégories : bipèdes, quadrupèdes, oiseaux, poissons et reptiles. Nés de la concupiscence, les animaux sont encore plus mauvais que les végétaux. Toutefois, comme ils font des plantes leur nourriture ordinaire, ils leur doivent un certain nombre d'éléments lumineux qu’il s’agit de délivrer. Cette délivrance est rendue particulièrement difficile parce que les vertus sidérales continuent à veiller sur les descendants de leurs avortons et poursuivent d’une haine farouche tous ceux qui essaient de leur donner la chasse. Cf. Augustin, De mor. manich., 60, P. L., t. xxxii, col. 1370.

L’origine de l’homme est expliquée d’une manière assez complexe. Elle se rattache à une conjuration des puissances mauvaises qui reproduit, dans une certaine mesure, la première tentative du royaume ténébreux contre la Lumière. « Un jour, rapportait Mani, le chef de la gent démoniaque, Saclas, réunit les principaux démons et leur proposa de former un homme nouveau, qui rivaliserait sur la terre avec l’Homme primitif, et concentrerait en sa personne tous les éléments lumineux restés en ce monde. Dans ce dessein pervers, il dit à ceux qui l’entouraient : « Que pensez-vous de cette grande lumière qui se « lève ? Voyez comme elle ébranle le ciel, comme elle » renverse la plupart des puissances 1 Dans ces con « ditions, il vaut mieux que vous me donniez la part « de lumière que vous avez en votre pouvoir. Avec « elle, je produirai une image de ce grand être qui « nous est apparu plein de gloire. Ainsi la royauté