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MA NICHÉISME, EXPANSION
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Hormuz en 273, l’avènement de Bahram I er, un prinee jeune et ami des plaisirs, semblent avoir été les motifs déterminants de son retour en Perse. Sans doute, AnNadim prétend que Mani rentra dans son pays du vivant de Sapor et il raconte longuement le récit d’une entrevue accordée par la grand roi au prédicateur. Sapor, explique le chroniqueur, avait formé le projet de l’arrêter et de le tuer. Mais quand il se trouva devant lui, il fut intimidé, il le complimenta, et lui manifesta son intention de se convertir. Mani se borna à demander qu’en Perse et dans les autres pays soumis à l’autorité de Sapor, ses disciples eussent pleine liberté ; et le roi accéda à ses demandes. Elùgel, Mani, p. 85. Un fragment de Tourfan raconte la même entrevue. F. W. K. Mûller, Handschr., p. 80-82. Mais le récit de cette entrevue semble légendaire.

Il vaut mieux faire crédit à Yaqoubi qui place sous le règne de Bahram le retour de Mani. Kessler, Mani, p. 330, 331. Toutefois, Mani put bientôt s’apercevoir qu’il s'était trompé en espérant être tranquille en Perse. Car les mages restaient ses irréconciliables ennemis. Au bout de deux ans, Mani fut arrêté et confronté avec eux. Convaincu d’hérésie, il fut condamné par le roi Bahram à la mort par écorchement. Sa peau fut empaillée et exposée à la porte de la ville, royale. La mort de Mani a peut-être eu lieu en mars 276 : le mois est indiqué par saint Augustin qui raconte que les manichéens célèbrent en mars la mort de leur fondateur, Contra Faust., xviii, 5 ; l’année peut se déduire de la donnée suivant laquelle Mani demeura deux ans avant d'être pris.

De bonne heure à ce qu’il paraît, des légendes coururent sur cette mort. Au ixe siècle, An-Nadim signale les récits divergents que répandaient les manichéens. « Mani, dit-il, fut tué sous le gouvernement de Bahram, fils de Sapor. Après quoi, son corps fut crucifié, coupé en deux, et suspendu aux deux portes de la ville de Dschoundisabour.. D’autres racontent que Sapor le mit en prison, mais qu'à la mort de ce roi, Bahram le délivra ; d’autres, au contraire, qu’il mourut en prison. En tout cas, on ne peut douter qu’il n’ait été crucifié. » Flugel, Mani, p. 99.

Il est probable que, si nous possédions encore les anciens récits biographiques écrits par les manichéens, nous ne pourrions pas en tirer beaucoup plus de renseignements certains sur la vie du fondateur. Car cette vie n’avait pas tardée à être défigurée par la légende. Birûni signale l’existence de deux représentations opposées de l’histoire de Mani ; et son témoignage vaut la peine d'être cité : " Les disciples de Mani, écrit-il, se divisent en deux camps au sujet de sa personne. Un parti affirme qu’il ne disposait pas du pouvoir de faire des miracles, et raconte qu’il a enseigné que le don des miracles s’est retiré de ce monde avec le Christ et ses disciples. L’autre soutient qu’il possédait ce don des signes et des prodiges, et que le roi Sapor commença de croire en lui pour avoir été élevé avec lui dans les régions supérieures et s'être tenu avec lui dans les airs entre le ciel et la terre, en d’autres termes pour avoir constaté un de ses miracles. Le même parti ajoute qu’il avait coutume d'échapper à son entourage pour monter au ciel, qu’il y restait quelques jours, et qu’il revenait ensuite vers les siens. » Birûni, Chronologie, trad. Sachau, p. 191.

Inutile de se demander laquelle de ces deux représentations était primitive ; nous n’en saurions pas davantage sur la vie de Mani. De fait, cette vie peut se résumer en quelques lignes : Mani dut naître vers 215216 à Mardin ; il fut élevé dans la secte des moughtasilas, qu’il abandonna vers l'âge de 24 ans, à la suite de révélations. Il commença alors à prêcher sa doctrine, dut quitter la Perse, et, pendant pi s de 40 ans, mena une vie errante de missionnaire, écrivant et

prêchant ; i travers les régions les plus diverses de 1' sie. Rentré en Perse sous le r. gne de Badram I er. une conspiration de mages le perdit. Il fut écorché, décapité et empaillé vers 276-277 à Dschoundisbour, la nouvelle capitale des rois de Perse. V III. Expansion du manichéisme. — U Dans l’Empire romain. — La rapide diffusion du manichéisme pose un problème que nous ne pouvons pas entièrement résoudre. Nous avons vu déjà que, selon le récit des Acta Archelai, Mani, non content de prêcher luimême sa doctrine, avait envoyé quelques-uns de ses disciples en Egypte et en Syrie. Nous ne saurions contrôler cette affirmation qui prend place dans un récit tissu d’invraisemblances. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’une douzaine d’années après la mort du fondateur, le manichéisme avait déjà fait assez de progrès pour inquiéter l’empereur Dioclétien et les hauts fonctionnaires de l’empire romain.

Vers l’an 290, le proconsul d’Afrique, Julien, dénonçait la nouvelle secte à Dioclétien. Celui-ci, préoccupé de maintenir la religion nationale contre l’invasion des cultes étrangers, répondit par un rescrit sévère qui est le premier document officiel relatif au manichéisme : « Au sujet des manichéens dont Votre Sagacité a parlé à Notre Sérénité, disait l’empereur, nous avons appris que la nation persane, notre rivale, les a envoyés ou fait germe rtout récemment en ce pays, comme des monstres nouveaux et inattendus, et qu’ils commettent chez nous de nombreux méfaits. Ils troublent les populations paisi : les Ils causent de grands dommages aux cités. Et l’on fait craindre que, suivant leur coutume, ils ne travaillent dans la suite, avec leurs mœurs exécrables et les lois sauvages de la Perse, à infecter en quelque sorte de leur poison pernicieux le peuple romain, modeste et tranquille. Comme vous établissez tous les genres de maléfices flagrants exposés par Votre Prudence dans le rapport que vous nous avez présenté sur leur religion, leurs fictions laborieuses et vaines, nous portons contre eux les peines et sanctions qui leur sont dues. Nous ordonnons que leurs organisateurs et leurs chefs soient soumis aux dernières rigueurs et condamnés au feu avec leurs abominables Écritures. Nous prescrivons que leurs adeptes opiniâtres jusqu’au bout soient décapités. Et nous décrétons que les biens de ces gens seront revendiqués par le fisc. Si des honorables et d’autres dignitaires, même placés plus haut, sont passés à cette secte, vous ferez également saisir leur patrimoine par le fisc, et vous les enverrez eux-mêmes aux mines. » Cod. Gregor., . t. XIV, tit. iv, n. 4-7.

La sévérité des mesures portées par Dioclétien laisse entrevoir que les manichéens étaient nombreux et influents dans l’empire dès la fin du ine siècle. C’est à la même époque qu’un philosophe néoplatonicien, Alexandre de Lycopolis, rédige contre eux un opuscule De placitis manichœorum, qui tire toute son importance de la diffusion de la secte en Egypte.

Il n’est pas possible de rappeler ici tous les détails de l’histoire du manichéisme et nous devons nous contenter d’en marquer rapidement les traits essentiels. La secte commença naturellement par se répandre dans son pays d’origine, la Mésopotamie. Les Actes d’Archclaùs, dans la première partie du rve siècle, représentent Mani allant discuter avec l'évêque de Kashkar. Saint Aphraate, le sage persan, et saint Éphrem de Nisibe luttent avec ardeur contre la propagande manichéenne ; et l’on se rend compte, par leur insistance, que la nouvelle doctrine recrutait un nombre considérable d’adeptes. Dans la première moitié du ve si. cle, Rabboulas d'Édesse poursuit la. lutte contre les manichéens.

Des régions voisines de l’Euphrate, le manie ! éisme envahit la Syrie et la Palestine. Selon saint Épiphane, .