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MANDEE NS, DOCTRINE


le pays de Mésène. Son père se nommait Dabda, sa mère Em-Kouchta, ses frères Chimlaï, Nidbaï, BarHiyé, Abizkha, Kouchtaï et Chitaïl. Lorsqu’ils arrivèrent au (leuve Karoun, ils trouvèrent un homme nommé Papa, fils de Tinis, lui demandèrent l’aumône selon leur habitude, et lui persuadèrent de recevoir auprès de lui le paresseux Ado, parce qu’il ne pouvait pas mendier par suite de sa maladie. Papa le remit à des gardiens de palmiers. Mais ceux-ci s'étant plaints de lui, en disant : « Il ne nous est d’aucune utilité », Papa lui construisit un abri sur le bord de la route, afin qu’il demandât de la nourriture aux passants. A la fin, ses compagnons se réunirent et vinrent auprès de lui, et ils sonnaient de la clochette en cet endroit, selon l’usage des mendiants. On les appelle dans la Mésène Mandéens, Machknéens, sectateurs de celui qui accomplit de bonnes actions… mais le nom qui leur conviendrait serait celui d’Adonéens. Leur enseignement est emprunté aux marcionites, aux manichéens et aux kantéens. » Théodore BarKhôni, Scholies, t. XI, dans H. Pognon, op. cit., p. 224, 225.

Cette histoire est absolument invraisemblable. Non seulement il est déjà bien extraordinaire que les mandéens aient perdu le souvenir de leurs origines et que le nom de leur fondateur ne figure dans aucun de leurs livres sacrés, mais encore les noms donnés à quatre des frères d’Ado ressemblent beaucoup à à ceux de quatre personnages célestes de la religion mandéenne, et il est fort possible que Théodore ait pris des divinités ou des génies pour des personnages historiques.

Toutefois, la réalité historique du personnage d’Ado pourrait être sauvegardée. « Théodore Bar-Khôni vivait au viiie siècle ; il était né dans le pays de Kachkar ; il avait lu des ouvrages aujourd’hui perdus ; ce qu’il dit des manichéens, des kantéens et de plusieurs autres sectes orientales que nous connaissons à peine paraît bien être exact, et je ne vois pas pourquoi il aurait supposé l’existence d’un personnage imaginaire nommé Ado. » A. Pognon, op. cit., p. 245, 246.

Cet Ado, s’il a réellement existé n’a pas dû vivre avant la fin de la domination persane ou le début de la domination arabe. Théodore, en effet, nous apprend que les mandéens ont emprunté leurs croyances aux manichéens, aux kantéens et aux marcionites. Et les kantéens auraient eu pour fondateur, ou tout au moins pour réformateur, un certain Battaï qui vivait sous les rois de Perse Yezdgerd II et Firouz, c’est-à-dire au ve siècle. Ado aurait pu être d’un certain nombre d’années postérieur à ce Baltaï. Il est toutefois à noter que la Chronique de Michel le Syrien place sous le règne de l’empereur Zenon, entre 480 et 485, l’apparition en Perse de la misérable secte des kantéens et des dosithéens. Chonic, ix, 6 ; il semble donc identifier les deux religions.

Somme toute, la date de l’apparition des mandéens, comme secte autonome, reste impossible à préciser. Le plus vraisemblable est qu’ils étaient d’abord une faction hérétique de la secte des kantéens. Si celle-ci n’est pas antérieure au ve siècle, les mandéens ne se seront séparés qu’après la conquête de l’Irak par les Arabes. Cf. H. Pognon, op. cit., p. 254, 255.

III. Doctrine.

La doctrine des mandéens a subi, au cours des siècles, de nombreuses transformations. L'étude des divers livres qui composent le Ginza suffit à montrer que nous n’avons pas affaire avec un développement homogène, mais avec de véritables changements, qui s’expliquent, au moins en partie, par les influences étrangères exercées sur le mandaïsme. Le meilleur spécialiste contemporain d « la religion mandéenne, W. Brandt, a rendu le

grand service de démêler, autant que possible, les différentes phases de cette longue évolution. Avec lui, et avec K. Kessler, art. Mandûer dans la Prolest. Realencycl., 3e édit., t. xii, 1903, p. 102, on peut distinguer les grandes périodes suivantes :

1. Forme primitive, païenne, d’origine babylonienne et araméenne, avec des influences indiennes ;

2. Forme à demi chrétienne, où la doctrine primitive est mélangée au Nouveau Testament, et où la nomenclature des êtres mythologiques s’enrichit de nombreux noms bibliques ;

3. Forme contaminée par les influences persanes et le parsisme ;

4. Doctrine du Roi de lumière : c’est l’orthodoxie canonisée dans les grands traités du Ginza ;

5. Monothéisme, avec Allaha comme Dieu suprême ; c’est la forme actuelle du mandaïsme. Le nom d’Allaha a sans doute été fourni par l’Islam.

Nous décrirons surtout ici la forme primitive, et la doctrine du Roi de Lumière. Encore devrons-nous nous en tenir aux traits les plus importants de l’enseignement des mandéens.

La forme la plus ancienne de la doctrine ne comprend guère autre chose qu’une théogonie et une cosmogonie. Les problèmes relatifs à l’origine des dieux et du monde reçoivent d’ailleurs une solution compliquée dont le détail est loin d'être aussi clair qu’on le souhaiterait.

Forme la plus ancienne de la doctrine.

Au

commencement de tout, suivant le Ginza, Pira était en Pira et Ajar en Ajar, Ginza Dextra, édit. Petermann, p. 68, 1. 21, c’est-à-dire qu’il n’y avait rien autre que Pira et Ajar. Pira Rabba, le grand Pira, est le tout, l’univers qui crée tout en soi-même et n’est limité que par soi-même. Le nom de Pira est d’ailleurs difficile à interpréter. On l’a tour à tour expliqué par l’hébreu ixb, éclat, rayonnement ; par

le persan pir, l’ancien ; par le syriaque percha, oiseau. K. Kessler, art. cit., p. 163, adopte l'étymologie < « 

fruit, et croit que Pira Rabba pourrait être le grand fruit, quelque chose comme l'œuf d’or de la cosmogonie brahmanique. Quant à Ajar, ou plus complètement Ajar Ziva Rabba, il n’est autre que l’air, ou l'éther brillant. Dans un passage du Ginza Dext., p. 69, 10-70, 5, on voit encore apparaître à côté de Pira et d’Ajar une troisième substance, Jora Rabba, la grande splendeur, qui donne naissance au grand Jourdain de l’eau vive. Le grand Jourdain, comme le nom l’indique déjà, appartient à une date postérieure de l'évolution ; il représente l’eau céleste.

La manifestation personnelle de Pira et d’Ajar porte le nom de Mana Rabba de ekara, le Grand Esprit de la seigneurie, ou plus simplement de Mana Rabba. A ce dernier on associe souvent, p. ex. Ginza Dext., p. 134, 1. 15, une puisance féminine appelée Demutha. la copie ou l’image de Mana.

Jusqu’ici, nous sommes restés dans le domaine des transcendantaux. Nous commençons à en sortir lorsque nous voyons Mana produire, ou évoquer, ou appeler, ce qui revient au même, la première vie, Hajjê Kadmajê. Cette première vie est d’ailleurs si étroitement unie à Mana qu’elle en reçoit tous les attributs, et qu’elle est invoquée la première dans les formules de piété. La théogonie, que nous venons de rappeler, est exposée dans le VIe traité du Ginza dext., p. 68-175 ; il peut-être utile de rappeler qu’elle n’est pas la seule que l’on rencontre dans les livres saints du mandaïsme. Elle semble, toutefois, la plus ancienne, et avait à ce titre des droits spéciaux.

La cosmogonie, développée dans le même traité, est beaucoup plus complexe. De Mana Rabba procèdent d’abord d’innombrables Manas, nommés