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tique de chacune de ces données. D’ailleurs, pour être équitable, une telle critique devrait se placer.1 un point de vue supérieur a celui d’un examen purement littéral, et considérer surtout l’esprit qui Incliné le philosophe a embrasser les opinions qu il.1 Faites siennes. On irr.ut alors qu’il mérite de la bienveillance et de la sympathie a raison des préoccupations auxquelles il.1 obéi.

qu’il faut noter, c’est que deux thèses prlncl pales commandent tout son système proprement philosophique. L’une est la doctrine de la vision en Dieu* L’autre est 1.1 doctrine des causes occasionnelles. Or, ni l’une ni l’autre ne semblent pouvoir être admis » toiles qu’il les a présentées. Biles relèvent, d’ailleurs, toutes deux du même principe que 1 tien seul est cause.

Il est cause tout a la fois dans l’ordre de la connais sance et dans l’ordre de l’action.

En tant qu’elle procède de la doctrine générale île rexemplarisme divin, la théorie de la vision en Dieu peut se reclamer de très hautes autorités. Elle a un peint d’appui dans Platon, dans saint Augustin, et même, sans conteste possible, dans saint Thomas d’Aqufa. Mais la forme qu’elle affecte chez Malehranche est difficilement recevable telle quelle.

Quant a la théorie des causes occasionnelles, elle constitue à certains égards le vice radical de toute la philosophie que nous étudions. Elle exténue le pouvoir des créatures ; elle annule la valeur des causes secondes ; elle anéantit positivement la nature. Elle a singulièrement contribué a rendre suspecte la théologie de notre

auteur, qu’elle conditionne rigoureusement, notamment dans n conception de la grâce. Et ce sont les causes occasionnelles, selon toute vraisemblance, qnJ

lui ont valu les désaveux officiels qui ont atteint certaines de Ses 'cu res.

Parmi les erreurs que Malehranche a commises, il y en a une qui doit particulièrement attirer notre attention. Il a été conduit a exalter la connaissance mathématique du monde des corps comme le type par excellence, comme le parfait modèle de toute connaissance vraie. On a dit et on a prouvé que, moralement parlant, Malehranche tourne le dn-.ii DeSCSUtes. Et il est parfaitement exact que, à un certain [joint de ue. il est aussi anticartésien que possible..Mais il n’en demeure pas moins vrai que, sur un point d’importance capitale, il a emboîté le pas a celui qui est le premier de tous sis maîtres reconnus ou inavoués. Il a pris a son compte la conception cartésienne du dualisme radical de l’esprit et de la matière, de la pensée et de l'étendue. Lui aussi, il a cru apercevoir dans l'étendue l’unique essence de la matière et il l’a. dès lors, érigée en une sorte d’absolu. C’est en cela surtout qu’il a donné a la métaphysique de Descartes une adhésion qui est allée jusqu'à la superstition inclusivement. Car. après avoir eu soin d’exiler la philosophie de l’histoire, il a cru naïvement que le -ianisme. l’imposant a l’histoire a un titre unique, y marquait l’avènement de la philosophie <lé fini ! ire.

Et cependant, philosophiquement parlant, il est loin de ne dépendre que de Descartes combiné avec saint Augustin, comme il l’a tant répété, évidemment, il n’a pas conscience d’autres emprunts qu’il fait, d’autres influences qu’il subit. Il n’en reste pas moins tributaire de sources variées et multiples. Mais le sens historique lui fait défaut, comme il a fait défaut à Descartes lui-même, (.'est ainsi qu’A n’aperçoit pas le rôle que la scolastique a joué- dans sa propre formation. Ht pourtant, il relevé d’elle a bien dis égards. Knnemi juré d’Aristote. adversaire déclaré des mai très médiévaux, il reste conditionné en bien des points par l’héritauc inaperçu de l'École Dans sa remarquable étude sur la liberté rhez hetcartrs ri la

théologie, I'.. Gilson a montré comment ce protesta taire résolu est secrètement Influencé par des formes de pensée qu’il répudie Il j aurait lieu d’appUquei 1 >

même méthode d’analyse historique a la philosophie de M. débranche, et on aboutirait à des résultais alla logues. Car, on a beau mépriser l’histoire et on a beau se persuader que, comme philosophe, on peut laiie litière des traditions de la pensée philosophique : on n’en subit pas moins la loi de l’histoire qui veut que. avant d'être un principe, on soit un aboutissement et on devienne un passage. Il n’v a pas plus de philo sophes sans ancêtres que déniants sans patents. L’Originalité absolue n’existe pas. La philosophie dont

nous venons de rendre compte forme en réalité un

système non seulement complexe, mais même composite Par des liens plus ou moins indirects et subtils, elle se rattache a des origines lointaines et diverses, l’est un fait qu’il importe de constater.

IV. Position ET VUES TRBOLOOIQUBS.

Quelle a été l’altitude de Mali-branche dans les questions qui appartiennent en propre au domaine de la Iheo logie '.' Pour résoudre équitablement le problème ainsi pose, on doit distinguer nettement entre l’ordre subjectif des intentions et l’ordre objectif des conceptions. Considérons donc d’abord ce que notre auteur a voulu être, ce qu’il a eu le dessein d’accomplir ; nous examinerons ensuite ce que renferment ou supposent effectivement les théories qu’il a adoptées et professées.

1° Altitude générale. Ce qu’il a voulu être pour son compte, il l’a dit et répété à maintes reprises. Il a fait sa profession de foi avec une sincérité qu’on ne saurait suspecter et avec une clarté qui ne laisse rien à désirer. Citons quelques textes qui suffiront à taire connaître sa disposition d'âme. Voici d’abord trois déclarations empruntées aux /entretiens sur lu métaphysique, X, XIII. XIV : — « Demeurons dans l'Église, toujours soumis à son autorité ; si nous heurtons légèrement contre les écueils, nous ne ferons pas naufrage. » — - « Pour conserver notre loi dans les matières décidées, nous avons l’autorité de l'Église : cela suffit. 1 -.le demeure.soumis à l’autorité,

plein de respect pour la raison, convaincu seulement de la faiblesse de mon esprit et dans une perpétuelle défiance de moi-même….Je sens toujours, de mieux en mieux, la petitesse de mon esprit, la profondeur de nos mystères, et le besoin extrême que nous avons tous d’une autorité qui nous conduise. D’autre part, nous lisons dans l’Avertissement des Méditation* chrétiennes : 1 Je soumets toutes mes réflexions à l’autorité de l'Église qui conserve le sacré dépôt de la tradition. — Enfin, voici deux extraits du Traité île la nature et île lu grâce (Avertissement cl

premier éclaircissement) :.Je ne suis point asscv téméraire pour révoquer eu doute ce qui passe pour certain dans l'Église et ce que la religion nous oblige à croire. > — « Je soumets toutes mes pensées à la censure de l'Église qui a droit de me les faire quitter par une autorité à laquelle je serai toujours prêt a déférer. Il n’est pas possible d’accuser une intention plus ferme et plus louable d’orthodoxie. On voit par là- ce qu’il a voulu être pour son compte, El voici ce qu’il a eu dessein de faire pour les autres. Son respect de renseignement de l'Église s’est accompagné d’un véritable zèle pour justifier la vérité chrétienne. Il a dit dans l’avertissement du Traite <le la nature et île la grâce : Je n’ai point d’autre dessein que de prouver en toutes les manières possibles les vérités que la loi nous enseigne. Croyanl sincère et docile pour sa part, il a voulu être pour ses contemporains un apologiste et un apôtre. Voilà pourquoi il s’est efforcé de proposer en faveur 1U1 dogme catholique des arguments qui fussent en harmonie avecla science et la philosophie de son temps. On n’exa-