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    1. MALEBRANCHE##


MALEBRANCHE, SYSTÈME PHIL080PHIQ1 E

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convient qu’il sache. Les matières examinées sont d’abord de nature philosophique : vérités nécessaires, ordre immuable, causalité efficace, Bagesse divine, théorie des miracles, dessein de la création. On arrive ainsi à ce qui regarde la grâce. E1 l’on y trouve un résumé liés clair et excellent de la doctrine que, trois ans auparavant, Malebranche avait largement exposée dans le Traité, de lu nature et de lu grâce. Le Verbe incarné recommande à son disciple l’humilité et la mortification dans des termes que nous tenons a reproduire. « Dieu, lui dit-il, ne t’a donné un corps aussi bien qu'à moi que comme une victime que tu dois, aussi bien que moi, lui sacrifier pour mériter ta récompense. » Assurément, des formules du genre de eelle-ci sont admirablement placées dans la bouche du Clirist. Mais, il y en a aussi d’autres qui paraissent moins convenables à la dignité infinie d’un tel maître. On ne peut manquer d'être parfois choqué de voir Xotre-Seigneur abaissé au rôle de professeur de philosophie cartésienne. La comparaison inévitable avec {'Imitation est loin d'être toujours à l’avantage de Malebranche.

5° Il ne saurait être question de présenter une analyse, même sommaire, du Traité de morale. La densité de ce Traité est extrême. Il touche, non seulement à tous les sujets qui sont logiquement impliqués dans le titre, mais encore à des sujets qui dépassent la portée du titre. Dans une première partie, l’auteur traite de l’essence et de la genèse de la vertu. Dans une seconde partie, il définit tous les devoirs que l’homme a à remplir envers Dieu, envers son prochain et envers lui-même. Une courte formule résume toute cette morale : « respect de l’ordre ». L’effort tenté par Malebranche est intéressant et original, en ce qu’il vise à établir qu’il n’y a qu’une seule morale et que cette morale elle-même peut être ramenée à une parfaite unité. Nous sommes ici en présence d’une entreprise de caractère rationnel et scientifique qui est, par certains côtés, une anticipation du Fondement de la métaphysique des mœurs lequel verra le jour un siècle plus tard. Mais, pour Malebranche, la seule morale vraie et digne de l’homme est la morale chrétienne. Il condamne et exclut toutes les autres, y compris le stoïcisme et le jansénisme.

6° Les Entretiens sur la métaphysique sont au nombre de quatorze. Il est impossible d’en détailler le contenu. Ils renferment, sous une forme condensée et définitive, toute la philosophie et toute la théologie de Malebranche. Il n’y a rien à retirer de ce que nous avons dit sur l’Intérêt exceptionnel de la Recherche. Mais ceux qui veulent prendre le chemin le plus court et le plus sur pour connaître notre philosophe doivent aller tout droit aux Entretiens sur la métaphysique : c’est son chef-d'œuvre.

7° Le Traité de la communication des mouvements est une œuvre de pure science. Il relève uniquement de la compétence des mathématiciens.

8° Le Traité de l’amour de Dieu, avec les trois Lettres à dom Bernard Lamy, bénédictin, est une mise au point extrêmement remarquable de la question du désintéressement possible et convenable dans l’exercice de l’amour de Dieu. Malebranche accorde aux partisans du pur amour tout ce qu’ils peuvent légitimement réclamer. Mais il ne supporte pas qu’on méconnaisse les exigenees de l’aspiration fondamentale au bonheur qui fait l’essence même de la volonté humaine. Dans ce groupe d'écrits (Traité et Lettres annexées), il a montré beaucoup de bon sens, beaucoup d'équilibre philosophique, et beaucoup de sûreté théologique. N’oublions pas que Bossuet en fut charmé et en resta conquis pour toujours.

9° L’Entretien d’un philosophe chrétien avec un philosophe chinois est essentiellement une reprise de l’ar- |

gument ontologique, une protestation contre les conceptions anthropomorphiques et une nouvelle affirmation du principe de la simplieité des voies.

10 j En 1713, Boursier avait publié un livre qui portait comme titre : L’action de Dieu sur les créatures ou de la prémotion physique, (/est pour répondre à ce livre que Malebranche écrivit ses Réflexions sur la prémotion physique. Au fond, il reprend sa thèse sur l’accord de la liberté et de la grâce qui figure dans le troisième discours du Traité de la nature et de lu grâce. En effet, la prémotion physique de Boursier n'était pas autre chose qu’une interprétation janséniste de la théorie thomiste de la grâce prévenante et efficace par ellemême, fin combattant cette thèse, Malebranche émet des vues profondes sur le mécanisme de la volonté et sur le caractère foncièrement immanent (le mot est de lui) de l’acte libre. De plus, on retrouve, vers la fin de cet ouvrage, une dissertation très complète sur la raison dernière de l’incarnation. Il y a là des pages admirables qui doivent être comptées, pensons-nous, parmi les plus chrétiennes, les plus théologiques, et les plus orthodoxes du grand penseur à la veille de mourir. III. Système philosophique.

Si l’on en croit Malebranche, c’est avec la physique de Descartes et la métaphysique de saint Augustin qu’il a construit son système. En réalité, ce système a d’autres origines encore. Mais, laissant de côté les sources, prenons-le pour le moment tel qu’il est.

Théorie de la connaissance.

Considérons en

premier lieu la connaissance des objets distincts de nous. Ici, la faculté générale d’apercevoir qui appartient à l'âme s’exerce de trois manières différentes : par les sens, par l’imagination et par l’entendement. 1. A l'égard des sens, la défiance de Malebranche est extrême. Pourquoi ? Parce qu’on est enclin à attribuer à leurs informations une portée qu’elles ne sauraient avoir. Les renseignements qui nous viennent d’eux ne nous fournissent pas de connaissances proprement dites et spéculativement valables. Dans l’ordre du véritable savoir, ils sont non avenus. Et, dans la mesure où l’on se fie à eux à cet égard, ils deviennent de faux témoins. Cependant, remis à leur place, ils ont un rôle utile. Ce sont des moniteurs fidèles et des auxiliaires précieux pour tout ce qui concerne le bien du corps. C’est pour la conservation et la commodité de la vie qu’il faut les consulter. Pour cet ordre de choses, on doit faire appel à eux. Interrogés dans ce domaine limité de leur compétence indiscutable, ils instruisent par des preuves courtes et sûres. Bemarquons l'élément d’empirisme et de positivisme impliqué dans cette doctrine.

La position ainsi prise par Malebranche résulte de sa critique de la perception sensible. Pour lui, comme pourDescartes, seules les qualités premières sont objectives. Quant aux qualités secondes, ce sont de pures modalités de notre âme. Nous les rappprtons spontanément aux objets, mais elles ne leur appartiennent pas. Et les qualités premières se réduisent finalement à l'étendue, aux figures et aux mouvements. C’est bien la physique de Descartes. Ce dernier avait déjà dénoncé, de son point de vue, la subjectivité des sensations de chaleur, de couleur, de son, d’odeur, de saveur. Il ne laissait à la matière comme essence que l'étendue avec la géométrie des dessins qui s’y inscrivent et la mécanique des déplacements qui s’y opèrent. Cependant, chez Malebranche. cette doctrine commune et fondamentale accuse des traits particuliers. Elle est soulignée par une analyse d’une richesse plus grande, d’une finesse plus subtile. Elle manifeste plus de hardiesse agressive contre les tendances qui portent l’homme à admettre que les modifications sensibles qu’il éprouve représentent exactement les choses. Enfin, dans le procès qu’il fait à la perception