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MALACHIE

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autour des trois points suivants : la promesse de l’oblation pure ; l’attitude de Malachie dans la question de l’indissolubilité du mariage ; l’annonce du précurseur de Jahvé. Nous traiterons brièvement ces trois points, et nous dirons un mot pour linir de l’importance qu’on veut attacher au petit livre de Malachie dans le problème de l’origine de la Loi et de la date des documents qui Ja composent.

1. La promesse de l’oblation pure. Les prêtres, oublieux de l’honneur qu’ils doivent à Dieu, lui offrent en sacrifice des victimes défectueuses. Aussi Jahvé ne les agrée-t-il pas, il ne prend plus en eux aucun plaisir et rejette leurs offrandes, i, 6-10. C’est ainsi qu’est amenée, au verset 11, la prophétie de l’oblation pure :

|Ab ortu enim solis usque ad occasum magnum est nomen meutn in gentibus et in omni loco sacrificatur et ollertur nomini meo oblatio munda ; quia magnum est nomen ineuin in gentibus, dicit Dominus exercituum.

Il n’y a pas lieu de nous arrêter aux discussions soulevées par l'état actuel du texte, et les diverses modifications proposées par les critiques n’atteignent pas substantiellement le sens de l’oracle. Nous nous en tenons à la version des LXX qui nous paraît exprimer exactement le texte hébreu : èv tcocvtI tÔ7cw 6'j|i.tau.a TcpotrâysTai kid r£> ôv6u.aTt (xou xoù 6uaîoc xocOccpâ : //( omni loco sacrifteium incensi offertur nomini meo et oblatio munda. C’est la traduction qu’adoptent Lagrange et Van Hoonacker.

Il nous semble que Malachie veut décrire dans ce verset le culte divin des temps messianiques. Le nom de Dieu est grand parmi les nations : il est honoré par toute la terre, du levant au couchant. Or, cette universelle connaissance de Dieu est revendiquée par les prophètes comme un apanage des temps messianiques. Mich., iv, 1-11 ; Soph., iii, 9 ; Agg., ii, 7 ; Zach., viii, 20 sq. ; ix, 10 sq., etc. L’oblation pure se fera en tout lieu, ce qui implique l’abolition de la loi mosaïque, en vertu de laquelle les sacrifices ne s’offraient légitimement qu’en un seul endroit. L’oblation pure est faite parmi les nations et par les nations ; elle se substitue partout aux sacrifices lévitiques défectueux et inaugure le culte nouveau et universel de Jahvé. Nous sommes donc transportés à l'époque messianique.

On objecte que le contexte ne nous permet pas de songer à des faits à venir. Tandis que le nom de Jahvé est magnifié parmi les nations, il est profané par les prêtres juifs, i, 11, 12 ; il s’agit bien d’une situation présente. D’ailleurs, les verbes sont au présent : mon nom est grand parmi les nations ; en tout lieu, on offre à mon nom… Nous croyons, au contraire, que le contexte nous invite à envisager un culte futur remplaçant le culte existant. Le prophète contemplant ce culte d’une manière absolue, abstraction faite de toute perspective chronologique, a pu décrire l’objet de sa vision en s’exprimant au présent.

Il faut reconnaître toutefois qu’un grand nombre de commentateurs ne veulent pas voir dans cette parole de Malachie l'énoncé d’une prophétie, mais la simple constatation d’un fait présent. « Est-ce une pure prédiction, se demande Reuss, s’agit-il des Juifs fidèles dispersés dans le monde entier ? Ou bien l’auteur reconnaîtrait-il dans les religionspaïennes mêmes un élément de vérité, une profession instinctive qu’il opposerait aux profanations de ceux qui devraient être les plus parfaits ? » Les rabbins en général appliquaient la parole de Malachie au culte de prières rendu à Jahvé par les Juifs dispersés dans toutes les parties du monde. C'était déjà l’interprétation des Juifs que saint Justin combattait dans son Dialogue, et il leur répondait avec raison : « Au temps où Malachie tenait ce langage, vous n'étiez

pas encore répandus dans toutes les régions de la terre où vous êtes maintenant ; cela ressort même de l'Écriture. » DiaL, 117, P. G., t. w, col. 749. Il faut faire la même réponse a ceux qui disent que le prophète veut parler de l’adoration dont Jahvé aurait été l’objet de la part des prosélytes parmi toutes les nations de la terre. Il n’y avait pas, au v siècle, au sein du paganisme, de prosélytes assez nombreux pour justifier le langage solennel de Malachie.

lieaucoup d’exégètes modernes (Wellhausen, Nowack, Marti, etc. voir aussi D. II. Mùller, Discouru de Malachie sur le rite des sacrifices, dans Revue biblique, 1890, p. 539) ont repris l’explication de Théodore de Mopsueste, d’après laquelle le prophète aurait en vue l’hommage implicite rendu au nom de Jahvé dans le culte dont les païens honoraient la divinité suprême : Ubique terrarum nomen meurn cuncti sectant ur eu jusque regionis incolir : nam singuli Deum c olere satagunt ejusque nomen venerari ceu principis et Domini, cujuscemodi ego rêvera sum, adeo ut etiamsi cr rore decepti nomen iis quos non decet imponunl, V-ihilominus nomen ad hue meum quodammodo honorent omnes et in nomine meo særificia perficiant, dum Omnium rerum maximum et excellentissimam judicant numen divinum. Cité par Knabenbauer, In propheas minores, t. ii, 2e édit., p. 524. Mais d’abord, il s’agit dans Malachie d’un culte nouveau remplac ant partout le culte ancien. Or, ce culte des païens n’est pas du tout exclusif du culte juif : ii peut très bien coexister avec lui. Ensuite, comment Malachie aurait-il pu appeler ce soi-disant culte des -ç aïens à la divinité suprême, une offrande pure au nom de Jahvé des armées ? Il n’est pas à ce point favorable aux païens, et il est loin de considérer leur religion comme une forme de la religion de Jahvé. « Comment comprendre, dit Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, p. 712, que Malachie, qui attache v siblement une si grande importance aux sacrifices rituels, qui se montre d’ailleurs si sévère pour les négligences des prêtres juifs, eût considéré comme une compensation suffisante pour la suppression du culte de Jahvé à Jérusalem, le culte que les païens adressaient à leur dieu suprême ? » « Malachie, comme le fait remarquer aussi le P. Lagrange, Les prophéties messianiques des derniers prophètes, dans Revue biblique, 1906, p. 79 sq., serait le premier et le plus tolérant des syncrétistes… L’idée de Malachie se résoudrait dans cette absurdité : les nations honorent mon nom, car elles m’honorent en réalité sous d’autres noms ; ou en cette autre : mieux vaut offrir une victime saine à Zeus, que d’offrir à Jahvé une victime moins parfaite… parce que c’est bien Jahvé que les nations prétendent honorer sous le nom de Zeus. < « Un assez grand nombre de catholiques allemands, dit le cardinal Meignan, Les derniers prophètes d’Israël, p. 353, appliquèrent, avec Hengstenberg et Keil, les paroles de Malachie à la simple adoration de Dieu ; le sacrifice dont il est question pourrait être celui dont parle saint Paul. Rom., xii, 1. Saint Thomas explique ainsi l’oracle de Malachie : L’terque rilus (Judœorum et Samaritanorum) cessavit, veniente spirituali Evangelii veritate, secundum quam in omni loco sacrificatur, ut dicilura Malachia. IP-II a ', q.LXXxiv, a.3, ad lum. Pour saint Thomas, le culte nouveau prédit par Malachie est celui-là même que le Christ annonçait à la Samaritaine. Joa., iv, 21-24 : Venit hora quando neque in monte hoc, neque in Jerosolgmis adorabitis Patrem… quando veri adoratores adorabunt Patrem in spiritu et veritate. »

Ces commentateurs, tout en entendant la sentence de Malachie dans le sens d’une prophétie messianique, n’y voient que l’annonce du culte spirituel, de la véritable adoration de Dieu. Le prophète n’aurait