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MALACIIII- :

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touchant rappel de la paternité divine pour ramener la fraternité et l’union parmi ses compatriotes :

o N’avons-nous pas tous un même pire v I n même Dieu ne nous a-t-il pas tous créés 1 Pourquoi sommes-nous infidèles les uns envers les autres, transgressant l’alliance de nos pères ? a, 10. Décidément, nous ne sommes pas si loin de l’Évangile.

2° L’époque de son ministère. - - Malachie est le dernier prophète du canon hébreu, mais la place qu’il occupe dans la Bible ne préjuge pas sa situation véritable dans l’ordre de succession des prophètes.

Si le livre de Malachie clôture le recueil des Douze, il est néanmoins très probable qu’il n’est pas le dernier des livres prophétiques ; ceux de Jonas et de Joël lui sont vraisemblablement postérieurs. Le titre ne contient aucune donnée touchant l’époque de Malachie, mais le livre lui-même révèle une situation religieuse, politique et sociale qui nous invite à placer l’activité de Malachie à l’époque de Néhémie. Et d’abord la mention du gouverneur de Juda, péhâh, nous transporte après le retour de l’exil, Mal., I, 8 ; celle du temple, i, 10 ; iii, 1, 10, après l’époque d’Aggée et de Zacharie. D’ailleurs, de graves abus se sont déjà introduits et, parmi les témoignages de l’amour de Jahvé, on ne mentionne déjà plus la destruction de Babylone et la délivrance de la captivité : preuve que nous ne sommes plus pendant les premières années de la restauration. Les reproches relatifs aux mariages avec les païennes, ii, 10-12, à la tiédeur des prêtres, i, 6-14 ; ii, 8, 9 ; ni, 2-4, aux négligences du peuple par rapport aux dîmes, ni, 8-10, montrent que nous sommes à l’époque décrite dans le livre d’Esdras-Néhémie. Jusqu’ici, les critiques sont d’accord ; ils ne le sont plus quand il s’agit de préciser davantage la date du ministère de Malachie.

Trois faits dominent la période qu’embrasse la narration des livres d’Esdras et de Néhémie : la reconstruction du temple, le retour d’Esdras, les deux missions de Néhémie. Dans quel ordre convient-il de placer les missions d’Esdras et de Néhémie, la chronologie de cette époque est à ce sujet très incertaine. Nous croyons devoir maintenir encore l’hypothèse émise pour la première fois par M. Van Hoonacker, en 1890, et admise depuis par de nombreux exégètes. Cf. art. Judaïsme, t. viii, col. 1596 sq. Les dernières objections du P. Kugler, Von Moses bis Paulus, Forschungen zur Geschichte Israëls…, 1922, p. 215-233, n’ont eu d’autre résultat que d’amener de nouvelles confirmations de la part de M. Van Hoonacker, La succession chronologique Néhémie-Esdras, Revue biblique, 1923, n. 4, p. 481-494 ; 1924, n. 1, p. 33-64. Cette hypothèse consiste à placer les deux missions de Néhémie avant celle d’Esdras et conséquemment à lire les documents des livres d’Esdras et de Néhémie dans l’ordre suivant : d’abord, le commencement du livre d’Esdras, i-vi, sauf la parenthèse iv, 6-23 ; puis la parenthèse iv, 6-23, ensuite le livre de Néhémie, enfin Esdras vii-x. Les faits s’enchaînent ainsi logiquement. Les deux missions de Néhémie eurent lieu sous Artaxerxès I er, la première en 445, la seconde en 428. La mission d’Esdras doit se placer la 7e année d’Artaxerxès II, en 398. Ce n’est pas ici le lieu de justifier ces précisions chronologiques moyennant lesquelles il nous sera possible de retracer à grands traits la situation de la communauté juive au temps de Néhémie et de voir quelle date il convient d’assigner à l’activité de Malachie.

A l’arrivée de Néhémie, en 445, les murs de Jérusalem étaient en ruine, et même après leur relèvement la ville restait dépeuplée : on y bâtissait peu de maisons et peu de monde y habitait. Au point de vue politique, la petite communauté juive était dominée

par des éléments étrangers qui avaient acquis cet ascendant a la faveur dis mariages mixtes. Cet abus persistait encore lois de la seconde mission de Néhémie, en 128, et quelques années plus tard, en 398 Esdras dut employer pour l’extirper les moyens radicaux : Il lit renvoyer toutes les femmes étrangères et leurs enfants. Le culte était en pleine décadence, le grand prêtre est sévèrement repris pour sa négligence. De graves irrégularités s’étaient glissées dans le paiement des dîmes. Néhémie lut obligé d’instituer une commission qui serait chargée de l’administration des dépôts. Enfin, avant l’arrivée de Néhémie, les juifs étaient victimes d’exactions de la part des gouverneurs, et, au sein même de la communauté, les magistrats et les grands pratiquaient l’usure aux dépens des plus pauvres et exploitaient la détresse populaire. Quand, en 398, Esdras ramena en Palestine une nouvelle colonie d’émigrants, il termina la lutte contre les mariages mixtes, enleva aux lévites la jouissance des dîmes et fit briller d’un nouvel éclat la célébration des cérémonies religieuses. Le réformateur nous dit lui-même que les instructions relatives à l’exercice régulier du culte furent mises à exécution. Esdr., vii, 15-27 ; viii, 36. Après ces mesures énergiques, on ne concevrait plus la situation supposée dans le livre de Malachie, ni les abus qu’il combat. Malachie n’exerça donc pas son ministère après le retour d’Esdras.

D’autre part, on le placerait difficilement entre la seconde mission de Néhémie et le retour d’Esdras. Si Esdras ramène une nouv lie colonie d’émigrés, c’est qu’entre temps les conditions économiques se sont améliorées, et l’état de misère que décrit Malachie ne se comprendrait pas. A son retour, Esdras n’eut plus à insister sur les devoirs des laïques par rapport aux dîmes et la commission, instituée par Néhémie pour l’administration des trésors du temple et en particulier des dîmes, fonctionne encore. Esdr., vin, 33. Cela ne cadre pas avec les plaintes de Malachie.

Il n’est guère probable non plus que pendant le séjour de Néhémie à Jérusalem, Malachie ait parlé des exigences du gouverneur dans des termes comme ceux de i, 8 : « Va donc l’offrir à ton gouverneur (une bête aveugle, boiteuse ou malade) : t’agréera-t-il, te sera-t-il favorable ? » On sait en effet, que Néhémie renonçait pour sa part au paiement des redevances.

Il ne reste donc plus qu’à situer l’activité de Malachie dans l’intervalle des deux missions de Néhémie, ou avant la première mission. Plusieurs considérations recommandent cette dernière solution. Malachie fait allusion aux exigences du gouverneur, i, 8 ; Néhémie les rappelle également lors de sa première mission. Neh., v, 15. Au temps de Malachie, la misère est extrême, les petits sont durement exploités par les grands, ii, 17 ; iii, 5, 8, 14, 15 ; telle était aussi la situation à l’arrivée de Néhémie. Neh., v. Les conditions dans lesquelles se contractaient les mariages mixtes sont les mêmes au temps de Malachie et à l’époque de la première mission de Néhémie. On ne saisit dans les discours du prophète aucune allusion à des réformes antérieures, aucune allusion à un retour vers des désordres déjà condamnés et temporairement écartés, aucune allusion à la restauration des murs de la ville. Peut-être Malachie écrit-il après l’édit d’Artaxerxès I", interdisant Jes travaux vers 448. On a voulu voir une allusion au découragement causé par cet édit dans Mal., i, 2 : « Je vous ai aimés, dit Jahvé ; et vous dites : en quoi nous as-tu aimés ? » Pour toutes ces raisons, il convient de placer l’activité de Malachie vers les années 450-445.

IL Le livre de Malachie. — Le livre de Malachie