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MAL, DOCTRINK DES PERES


l’imperfection de ce monde et la présence du mal icibas.

On le voit, les gnostiques empruntent largement à Platon, mais c’est pour déformer l’enseignement de l'Écriture et tomber dans le dualisme, ou, pour quelques-uns, dans l'émanatisme panthéiste. En effet, une fois qu’on a rejeté la solution chrétienne fondée sur la création exiiihilo, on ne peut aboutir qu’a la solution panthéiste ou à la solution dualiste. Les gnostiques subissaient le même sort que les philosophes.

Bien des systèmes se greffent sur ce thème général. Nous nous contenterons de signaler à grands traits les parties qui se rapportent à notre sujet.

Valentin emprunte les éléments principaux de son système au platonisme et au judaïsme. Sa doctrine trahit une idée essentiellement panthéiste. Pour expliquer, sans avoir recours à la création ex nihilo, la production du monde, le passage de l’infini au fini, il imagine toute une série d'évolutions par lesquelles le Père, c’est-à-dire le Dieu Principe, l’Un, donne naissance, avec ou sans l’aide de Eiy/j, au plérôme de 28 éons. Le mal sort de la curiosité du dernier éon, l'éon femelle aoepia, qui produit un être informe, £xTp<x>[za, fruit de son péché d’orgueil et d’ignorance.

Saturnin est nettement dualiste. Deux royaumes existent : celui de la Lumière et celui des Ténèbres. Au sommet du royaume de la Lumière, et comme origine première des êtres qu’il contient, se trouve le Dieu suprême, caché en lui-même, incompréhensible dans son essence, et d’où procèdent les êtres qui composent le monde des esprits. Ce processus se réalise a perfectiori ad minus perfectum, et le dernier degré correspond aux sept anges ou esprits inférieurs chargés de former et d’organiser le monde visible. Mais ils se heurtent à la matière, essentiellement opposée à l’esprit, et particulièrement au principe et à l’auteur du monde des esprits et de la lumière. Ainsi la matière est l’origine, ou mieux, l’essence du mal dont Satan est la personnification. De là vient la prédominance du mal dans le monde visible où abonde la matière, et l’antagonisme perpétuel et permanent entre Dieu et Satan, entre la matière et l’esprit, les hommes bons ou pneumatiques et les hommes mauvais ou hyliques et charnels. Le dualisme de Saturnin est déjà théologique. Le manichéisme n’aura plus qu'à dramatiser l’antagonisme que nous trouvons ici entre les deux royaumes du bien et du mal.

Le système de Basilide, essentiellement dualiste comme celui de Saturnin (tous deux se rattacheraient à Simon le magicien par leur maître Ménandre), ne s’en distingue que par quelques points de plus ou moins d’importance. Ici le royaume de la Lumière et le royaume des Ténèbres et du mal sont deux royaumes également éternels, existant par eux-mêmes, et indépendants l’un de l’autre. Le désordre est dû à l’union de certains principes mauvais à des principes bons. De là est sorti le monde visible, œuvre immédiate des anges inférieurs. Leur impuissance, jointe aux efforts des esprits mauvais du monde ténébreux pour s’unir à eux, voilà la raison du mélange en ce monde du bien et du mal. Aussi le mal suit le bien, comme l’ombre la lumière, et le principe divin qui entre dans l'âme humaine est entouré et comme opprimé par les vices et les passions qui sont les esprits procédant du royaume des ténèbres.

Chez Marcion qui se débarrasse résolument de tout le fatras où se perdaient les gnostiques, le dualisme est encore, s’il est possible, plus prononcé. La conception dualiste lui sert de base philosophique pour arriver à l’antithèse théologique et un double antagonisme caractérise son système. Voir l’art. Marcion. Le Dieu de l'Évangile est opposé au Dieu des Juifs. Le premier

est le Dieu suprême, ineffable, absolument pur, qui exclut toute communication avec la nature : Dieu de bonté, de paix et d’amour. Le second est un Dieu imparfait et inférieur, organisateur de la matière et du monde ; il n’est pas Dieu véritable, mais démiurge. — De là vient la seconde opposition. La matière est éternelle et elle est l’origine du mal. L’impuissance relative du démiurge, jointe à l’imperfection essentielle de la matière est la double cause de l’imperfection du monde visible, particulièrement de l’imperfection de l’homme. En sortant des mains du démiurge, l’homme est soumis à l’empire du mal et des esprits mauvais sans pouvoir leur résister. Son impuissance à cet égard est telle qu’il ne peut s'élever à la connaissance du Dieu suprême et véritable, ni même soupçonner son existence. Si aujourd’hui il peut opérer le bien et s'élever à la connaissance de la vérité, en entrant dans l’ordre divin, il le doit à la révélation et à l’action de Jésus-Christ en qui s’est manifesté le Dieu bon.

2. Le dualisme théologique de Manès.

Sur Manès et les origines historiques du manichéisme, voir l’art. Manichéisme. Le fondement du système est le dualisme.

De toute éternité, enseigne Manès, il y a deux choses essentielles, deux principes ou plutôt deux royaumes essentiellement opposés : celui de la Lumière et celui des Ténèbres. La Lumière est le bien à la fois physique et moral ; les Ténèbres sont le mal. Dans le premier royaume règne le Roi du Paradis de Lumière, le Dieu suprême ; le royaume des Tén-bres n’a pas d’abord de chef, il est sans ciel, mais avec une terre et de ses éléments sort bientôt Satan, le diable primitif. Ces deux royaumes simplement juxtaposés par leurs parties supérieure et inférieure ne se mêlent pas.

La guerre entre eux vient de Satan qui, un jour, attaque et parvient à envahir le royaume de la Lumière. Dieu alors produit un éon, la Mère de vie et, avec elle, l’Homme primitif qu’il lance contre Satan. L’Homme primitif vaincu est fait prisonnier ; il est délivré par Dieu lui-même. Mais, dans les étreintes de Satan, il a perdu des parcelles lumineuses. De là un mélange des éléments lumineux et ténébreux qui commence à se propager par la génération. Ainsi entre la Lumière et les Ténèbres est apparue une matière mixte.

C’est avec cette matière mixte, c’est-à-dire avec les éléments complexes formés de la sorte, que Dieu fait le monde actuel, mélange de bien et de mal, dont il s’efforce peu à peu de dégager les éléments lumineux pour les ramener finalement dans le royaume de la Lumière. L’homme doit préparer cette délivrance. En effet, tandis que le monde est l'œuvre de Dieu opérant, il est vrai, sur des éléments imparfaits, l’homme, lui, est une créature de Satan et de ses anges qui ont concentré et comme emprLonné dans son corps tout ce qu’ils on pu dérober d'éléments lumineux. Auprès de lui, ils ont placé la femme, composée comme l’homme, mais avec beaucoup moins de parcelles lumineuses ; c’est la tentatrice, la séduction sensuelle incarnée, l’instrument de perdition qui perpétuera, par - la génération, l’emprisonnement des éléments lumineux. Comme le monde, l’homme est donc composé de bien et de mal et de sa conduite dépend la délivrance plus ou moins prompte, plus ou moins complète de ce qu’il y a en lui, et même dans le monde, de pur et de saint.

Aussi l’homme, c’est- : i-dire l’humanité, est-il continuellement en proie à la lutte des deux éléments, inégalement combinés dans les deux sexes. La lumière captive tend à se dégager ; les démons cherchent à la retenir par les passions, l’erreur, les fausses religions, tandis que les esprits lumineux ou les anges favorisent son émancipation par l’envoi des prophètes, Noé,