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    1. MAHOMÉTISME##


MAHOMÉTISME, ÉTAT ACTUEL

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mois qui en porte le nom dhoû-1 hidjdjat, mais les actes préparatoires, c’est-à-dire la prise de l’ihram et quelques autres peuvent être laits isolément pendant les deux mois qui précèdent. Arrivé à la Mecque, le pèlerin va faire ses ablutions à la mosquée et baiser la pierre noire, puis fait le tour de la Ka’ba de droite à gauche, trois fois en courant, quatre fois en marchant lentement. Il se rend ensuite à la hauteur appelée Safa d’où il court jusqu'à une autre hauteur appelée Mauvà, cela sept fois de suite, en accompagnant ces diverses cérémonies de prières appropriées.

Le huitième jour du mois, il va avec tous les pèlerins à Mina, à quelque distance de la Mecque ; le lendemain, au mont 'Arafa et à un autre lieu appelé Mouzdalifa. Le dixième jour, il assiste à la grande fête du sacrifice, qui est également célébrée ce jour-là dans tout le monde musulman (Qourbàn Baïram des Turcs). Il jette des pierres à Mina sur trois piliers qui symbolisent le démon, sept pierres par pilier, puis, il égorge une victime, mouton, chèvre, vache ou chameau. Ici finit le pèlerinage ; il quitte l’ihrâm, mais reste encore trois jours à la Mecque, où il va faire une tournée rituelle à la Ka’ba et boire l’eau du puits zemzem. Il a alors le titre de hâdjdj ou hâdjdjî,

Entre temps, il y a eu diverses prières et des sermons. La Ka’ba est revêtue d’une grande étoffe ; celle de l’année précédente est enlevée et découpée en morceaux qui sont donnés ou vendus aux fidèles. Cette étoffe est fabriquée au Caire, où les Européens l’appellent inexactement « le tapis ». Son nom arabe est kiswa, « manteau ». Une coutume qui date, dit-on, du xme siècle, mais qui doit remonter plus haut, est celle du ma’nmal, sorte de tabernacle de forme pyramidale, placé sur un chameau, qu’on envoie officiellement avec les caravanes de pèlerins qui s’organisent en Egypte, en Syrie ou ailleurs. Après un court séjour à la Mecque et à Médine, il est ramené à son pays d’origine. Son départ donne lieu à de grandes fêtes ; son retour est salué par de moindres cérémonies.

5. Le djihâd ou guerre sainte.

C’est une prescription du Coran qui ne vise en réalité que les luttes de Mahomet contre ses compatriotes. Elle a été étendue plus tard aux guerres de conquête entreprises par les Arabes. Aujourd’hui, elle est purement théorique, et on a vainement tenté de la remettre en vigueur dans les luttes entre musulmans et chrétiens. Si la guerre sainte était déclarée offensivement, il suffirait qu’un nombre suffisant de combattants y prissent part ; les autres musulmans n’y seraient pas tenus. En revanche, si elle avait un caractère défensif, nul ne pourrait être exempté du service. En fait, on n’y a, et probablement on n’y aura jamais recours et, dans l'état actuel des choses, on peut la considérer comme irréalisable.

En dehors de ces obligations fondamentales, le musulman doit encore régler presque tous les actes de sa vie sur les prescriptions religieuses. Pour l’enfant mâle, c’est d’abord la circoncision, dont il n’y a pas de trace dans le Coran, mais que la tradition a établie. Plus tard, qu’il s’agisse de vente, de contrat, de procès quelconque, c’est la loi religieuse, le charî', qui décidera. Le magistrat ou kâdi jugera d’après le Coran, le hadith et la doctrine de l’imâm, Mâlik, Chàfi'î, Aboû Hanîfa ou Ibn Hanbal. Le statut familial est régi de même. Mariages, héritages, testaments, funérailles, rien n’a échappé au législateur musulman. Nous dirons quelques mots du mariage, à cause de son importance sociale et aussi de l'évolution de plus en plus marquée qu’il subit aujourd’hui.

Mahomet, probablement sous des influences chrétiennes, s’est efforcé d’adoucir la condition de la femme qui n'était de son temps qu’une pauvre esclave, livrée au caprice du maître, comme dans la plupart des

sociétés barbares. Mais il a dû lutter contre les mœurs de ses compatriotes qui, sur bien des points, ont réagi et détruit quelques-unes des garanties qu’il avait établies. Ce qui l’avait le plus frappé était l’absolue dépendance de la femme ; il exigea, et cela a toujours été observé, que le mari lui constituât un douaire dont elle aurait la pleine propriété. En même t( i ce douaire est une garantie, insuffisante il est vrai, contre le divorce, parce que le mari n’en verse avant le mariage qu’une partie, mais est tenu de payer le complément en cas de répudiation. Cette institution est louable et assure souvent à la femme des avantages matériels qui manquent dans nos sociétés chrétiennes. Mais ils sont largement compensés par l’abaissement moral que lui infligent la polygamie et le concubinat, ainsi que la liberté illimitée du divorce qui est acee au mari. La polygamie légitime permet quatre fe^nmes ; il est vrai qu’elles ont droit à un traitement rigoureusement égal, et comme tous les frais d’entretien sont à la charge exclusive de l'époux, il y a là un frein salutaire. En fait, seuls, les possesseurs de grandes fortunes, de plus en plus rares, peuvent avoir en même temps plusieurs femmes. Ce qui est plus grave est le concubinat, la possibilité sans restriction d’user de toutes les esclaves. Grâce, il est vrai, à l’action chrétienne, l’esclavage disparaît aujourd’hui de la société musulmane. Grâce aussi à cette influence, la femme revendique de plus en plus une légitime indépendance, impose la monogamie, et son émancipation progressive peut entraîner de sérieuses modifications dans la société musulmane et partant sur la religion ellemême.

Reste le divorce. Le Coran, disons-nous, tout en le reconnaissant au mari ad libitum y apportait des restrictions. Six mois sont nécessaires pour que le mariage soit dissous et, dans cet intervalle, il faut formuler par trois fois l’intention irrévocable de la répudiation. La troisième fois, seule, est décisive, et les époux ne peuvent plus se remarier entre eux à moins que la femme n’ait contracté un second mariage qui aura été dissous. Mais la tradition a innové et à supprimé cette faible barrière des six mois. Du jour au lendemain, en prononçant la triple formule ou même une autre formule d'énergie équivalente, l'époux peut renvoyer l'épouse. Il est vrai que, si elle est mère, surtout si elle a des fils, il aura généralement quelque pudeur et redoutera la réprobation de l’opinion publique, le ressentiment des siens, mais son droit reste entier et, si la passion l’aveugle, il l’exercera impitoyablement.

La femme, de son côté peut obtenir, par l’intervention du kâdi, la dissolution du mariage ; elle peut aussi faire avec son mari tous arragements amiables, mais elle n’en reste pas moins très inférieure moralement. On allègue que jusqu’ici elle ne s’est pas plainte de cette infériorité et que, dans beaucoup de cas, elle a su prendre une influence prépondérante. Mais le mouvement d'émancipation s’accentue et, en se comparant avec la femme chrétienne, en s’instruisant davantage, elle sentira de plus en plus son infériorité pour ne pas dire son abaissement. La suppression de l’esclavage la délivrera des deux plaies du harem : la concubine et l’eunuque. Bientôt elle aura un foyer.

Une autre transformation s’accomplit de nos jours qui aura peut-être, si elle se maintient, une grande influence sur le mahométisme de demain. Dans le monde sounnite, le pouvoir temporel se sépare du spirituel. Le sultan ottoman qui, depuis 1517, se prétendait héritier du khalifat 'abbâsside, laisse maintenant entre les mains de ses sujets la puissance politique (mars 1924). Cette séparation n’est pas sans exemple dans l’histoire du mahométisme. Après la prise de Baghdâd par les Mongols en 1258, la dynastie