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    1. LEIBNIZ##


LEIBNIZ. POINT DE DÉPART DU SYSTÈME

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C’est à cela que se ramène pour lui la philosophie dont le but théorique est de considérer la sagesse divine dans l’ordre des choses et le but pratique de nourrir la piété et de nous élever à Dieu.

La réforme de la métaphysique.

Il est vrai que

l'élaboration de ce système réclamait une réforme de la métaphysique.

Il s’agissait d’adapter celle-ci aux nouvelles découvertes de telle façon que les intentions de Dieu dans la création du monde ne fussent pas déjouées, et il fallait lui donner, autant que possible, une valeur démonstrative en la ramenant à des éléments tout à fait rigoureux à la façon de la géométrie. Nous touchons ici à l’origine de la célèbre théorie des monades. Car comment l’univers peut-il remplir son but qui est de révéler Dieu, sans des centres de convergence qui réunissent en eux tous ces rayons des perfections divines et sans des miroirs qui les réfléchissent ? Et la belle découverte de Copernic n’avait-elle pas précisément montré l’importance capitale des « points de perspective ? » Dès lors toute substance simple doit être conçue comme un miroir vivant, une âme, centre de force, douée d’une double faculté représentative et appétitive et qui va « confusément à l’infini, au tout. » Monadologie, § 60. Elle est une unité (fi.6vaç) un point métaphysique, simple, indestructible. Mais sa simplicité « n’empêche point la multiplicité des modifications qui se doivent trouver ensemble » en elle. « C’est comme dans un centre ou point, tout simple qu’il est, se trouvent une infinité d’angles formés par les lignes qui y concourent. » Principes de la nature et de la grâce, § 2.

Il est facile de se rendre compte de l’importance de la monadologie pour la solution du problème de l’infini.

Ce que les nouvelles découvertes scientifiques offraient de plus impressionnant, c'était l’infini en grandeur et l’infini en petitesse qu’une étude plus exacte du monde venait de révéler. On connaît les méditations de Pascal sur les deux infinis. Cette notion de l’infini traverse toute l'œuvre de Leibniz. Il estime que l’univers affecte partout l’infini pour mieux marquer la perfection de son auteur. Aussi, selon lui, l’esprit, loin de se perdre entre les deux infinis, est-il bien plutôt fait pour connaître l’infini, bien que d’une façon imparfaite. « Ce que M. Pascal dit de la double infinité qui nous environne en augmentant et en diminuant n’est qu’une entrée dans mon système. Que

n’aurait-il pas dit avec cette force d'éloquence qu’il possédait s’il était venu plus avant, s’il avait su que toute la matière est organique partout et que sa portion, quelque petite qu’on la prenne, contient représentativement, en vertu de la diminution actuelle à l’infini qu’elle enferme, l’augmentation actuelle à l’infini qui est hors d’elle dans l’univers, c’est-à-dire que chaque portion contient d’une infinité de façons un miroir vivant exprimant tout l’univers infini qui existe avec elle, en sorte qu’un assez grand esprit, armé d’une vue assez perçante, pourrait voir ici tout ce qui est partout. » Inédits, Théologie, xx, reproduit dans Baruzi, p. 200 sq.

Il faut en dire autant de l’infini dans la succession. Toute monade est ainsi faite qu’elle exprime l’infini successif de l’univers de telle façon qu’on pourrait lire dans l'état présent d’une âme « tout le passé et même tout l’avenir infiniment infini, puisque chaque moment contient une infinité de choses dont chacune en enveloppe une infinité, et qu’il y a une infinité de moments dans chaque heure ou autre partie du temps, et une Infinité d’heures, d’années, de siècles, d'éoni dans toute l'éternité future. » Inédits, Théologie, xx. dans Baruzi, p. 300. D’où il suit qu’on « pourrait connaître la beauté de l’univers dans chaque âme, si l’on pouvait déplier tous ses replis qui ne se dévelnppen

sensiblement qu’avec le temps. » Principes de la nature et de la grâce, § 13.

On remarquera que les monades exercent leur fonction représentative en vertu de leur propre nature, sans recevoir aucune influence du dehors, excepté « celle de Dieu qui les fait subsister. » Lettre à Foucher, dans Foucher de Careil, Lettres inédites, p. 124. Sans que notre regard puisse embrasser l’infini nous pouvons le connaître. De même qu’en mathématiques le procédé d’intégration, que Leibniz avait découvert, permet de retrouver la formule d’une courbe, lorsqu’on en connaît une portion infiniment petite, ainsi nous pouvons connaître l’univers grâce à la monade qui l’intègre en elle.

Les monades perçoivent l’univers infini ; mais il n’y a que les perceptions distinctes qui soient de véritables connaissances. « Comme chaque perception distincte de l'âme comprend une in finité de perceptions confuses qui enveloppent tout l’univers, l'âme même ne connaît les choses dont elle a perception qu’autant qu’elle en a des perceptions distinctes et relevées : et elle a de la perfection, à mesure de ses perceptions distinctes. » Principes de la nature et de la grâce, § 13. Dieu seul a une connaissance distincte de tout, car il en est la source. On a fort bien dit, remarque Leibniz, « qu’il est comme centre partout, mais que sa circonférence n’est nulle part, tout lui étant présent immédiatement, sans aucun éloignement de ce centre. » Quant aux monades créées, en vertu des degrés infinis que comportent les perceptions distinctes, elles se présentent comme une immense continuité hiérarchique, dont la perfection va décroissant. Et c’est une nouvelle infinité qu’on rencontre ici : multitude infinie de substances simples ou de centres de perspective. « Comme une ville regardée de différents côtés paraît tout autre et est comme multipliée perspectivement.il arrive de même que, par la multitude infinie des substances simples, il y a comme autant de différents univers qui ne sont pourtant que les perspectives d’un seul selon les différents points de vue de chaque monade… » Monadologie, § 57.

Ainsi la métaphysique de Leibniz repose sur les notions de l’infini et de la monade. « Mes méditations fondamentales, a-t-il pu dire, roulent sur deux choses, savoir sur l’unité et sur l’infini. » Lettre à l'élcctrice Sophie, dans Klopp, t. viii, p. 15.

Le Règne de la nature et le Règne de la grâce.


Centres de force, pour maintenir par leur propre activité l’harmonie dans l’univers, les monades ont pour but dernier d’exprimer Dieu et l’univers grâce à leur faculté perceptive, de contribuer à la perfection du monde et de tendre vers Dieu grâce à leur faculté appétitive.

Ici une distinction fondamentale s’impose selon que les monades sont douées ou non d’esprit. « Toute la nature, fin, vertu et fonction des substances n'étant que d’exprimer Dieu et l’univers… il n’y a pas lieu de douter que les substances qui l’expriment avec connaissance de ce qu’elles font et qui sont capables de connaître des grandes vérités à l'égard de Dieu et de l’univers, ne l’expriment mieux sans comparaison que ces natures qui sont ou brutes ou Incapables de connaître des vérités ou tout à fait destituées de sentiment et de connaissance : et la différence entre les substances intelligentes et celles qui ne le sont point est aussi grande que celle qu’il y a entre le miroir et celui qui voit. « Discours de métaphysique, | XXXV. C’est que tout esprit est une certaine image de l’essence divine et de l nul es les idées qui y sont comprises. En conséquence. les esprits sont quasi de sa race ou comme enfants de l ; i maison, puisqu’eux seuls le peuvent servir librement et a^ir avec connaissance à l’imitation de la nature divine. > Ibid., § XXXVI, - Ils imitent dans leur dépai