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LUTHER ET LE MARIAGE


tefois, ajoute Luther, avant d’en arriver là, le mari devra deux ou trois fois admonester sa femme, puis l’amener devant la communauté pour y être réprimandée. « Que si elle persiste dans son refus, chassela ; fais-toi donner une Esther et envoie Vasthi promener. » Si la femme mariée oublie son devoir, l’autorité temporelle doit l’y contraindre ou la mettre à mort. Si cette autorité ne fait pas son devoir, le mari doit se dire « que des voleurs lui ont enlevé et tué sa femme, et que, dès lors, il peut s’attacher à une autre ». W., t. x b, p. 290, 291.

d) En 1523, Luther ajouta deux autres cas de divorce : la diversité de religion et le mauvais caractère de l’un des conjoints. Il part du passage où saint Paul examine la condition du conjoint devenu chrétien, l’autre demeurant païen ; e’est le cas que les canonistes appellent le cas de l’Apôtre. Si la partie païenne, dit saint Paul, consent à demeurer avec la partie convertie et à lui laisser pratiquer sa religion, le mariage subsiste ; dans le cas contraire, la partie chrétienne peut se séparer et se remarier. I Cor., vii, 15. Dans les deux nouveaux cas de divorce qu’introduit Luther, il s’agit de gens baptisés, et dans le second de faits qui ne touchent pas directement à la religion ; mais il va travailler à les faire rentrer dans « le cas de l’Apôtre ».

Si donc un conjoint ne veut pas supporter que l’autre « vive chrétiennement », celui-ci peut se séparer et se remarier. W., t. xii, p. 123, 10 ; sur I. Cor., vu. On sent assez de quoi il s’agissait : d’une femme par exemple, que son mari voulait empêcher de devenir luthérienne.

e) Dans son Sermon sur le mariage, il avait déjà examiné l’autre cas : le mauvais caractère de l’un des conjoints. Alors, avait-il dit, il ne pouvait se produire qu’une simple séparation sans le droit de se remarier. W., t. x b, p. 291 ; sur I Cor., vii, 10, 11. Mais cette restriction n’était pas dans la logique de ses idées ; aussi l’année suivante il y renonçait. Lorsque, après une séparation, une partie voulait se réconcilier et que l’autre ne le voulait pas, la première avait le droit de se remarier. La raison en était toujours la même : l’impossibilité de vivre dans la continence. W., t. xii, p. 119, 20(1523). Puis il relie ce cas au précédent : alors le conjoint « qui est parti par colère ou par tout autre déplaisir » se conduit vraiment en païen ; l’autre partie peut donc se remarier. W., t. xii, p. 124, 37. En 1530, il reproduira la même doctrine ; si une femme s’obstine à vouloir partir, son mari finira

par lui dire : « Va-t’en, p va-t’en au diable. »

W., t. xxx c, p. 222, 2.

/) Vers 1536 enfin, Luther introduisit un dernier cas de divorce, ou plutôt, cette fois, un simple cas d’annulation de mariage. Un homme qui. avec dispense papale, s était marié avec la veuve de son frère devait considérer la dispense comme un abus de pouvoir, laisser sa femme et contracter un nouveau mariage. W. Rockwell, Die Doppelehe Philipps von Hessen, 1904, p. 202 sq. ; Enders, t. xiv, p. 18-1 (16 tévricr 15-12). Il s’agissait de faire plaisir a Henri VIII, et de le gagner au luthéranisme.

g) Ébloui par ses vues tout individualistes sur la nécessité du mariage, Luther a même des passages où il laisse clairement entendre que le mariage n’est qu’un contrat de louage, résiliable au gré des parties. Dès 1521, il le dit dans son Jugement sur les vœux monastique ». W., t. viii, p. 610-010, surtout 016 : Vel mo-Tlente conjuge vel conscnliente. Le vœu, dit-il, doit être fait et gardé en toute liberté. Il doit être fait « par ceux qui v sont poussés merveilleusement par l’esprit du Christ >. Et le vœu de chasteté ne peut être que conditionnel. Il se fait une objection : Mais l’état du mariage lui aussi ne sera t il donc que con Dici. DB i m "l. > a i iiol.

ditionnel ? Pourra-t-on l’abandonner pour le célibat ? Il répond : « La liberté évangélique ne règne que dans les relations entre Dieu et toi, non dans celles que tu as avec ton prochain… Autrement, il serait permis de faire et de rompre à sa fantaisie toute sorte de contrats, de traités et de pactes. Dans le mariage, tu t’es donné à un autre qui a droit et pouvoir sur toi. Sans son consentement, Dieu ne veut pas lui enlever ce droit, sous prétexte de te voir le mieux servir. Mais si ce droit cesse par la mort ou le consentement du conjoint, voici que comme auparavant tu as recouvré pleine liberté entre toi et Dieu, pour te marier ou rester dans la continence. »

En 1523, il dit dans le même sens, et d’une manière plus explicite encore : La liberté chrétienne veut « que devant Dieu toutes les choses extérieures soient à notre libre disposition, et qu’un chrétien puisse en user comme il lui plaît, s’en servir ou les laisser de côté. En effet, saint Paul ajoute : « devant Dieu », c’est-à-dire, en tant que cela regarde Dieu et toi. Car en te mariant ou en ne te mariant pas, en devenant ceci ou cela, serviteur ou indépendant, en mangeant ceci ou cela, tu ne rends pas service à Dieu ; de même, en sens opposé, si tu laisses de côté ou que tu ajournes l’une de ces choses, tu ne lui causes ni déplaisir ni offense. En résumé, tu n’as d’autres devoirs envers Dieu que de croire en lui et de le confesser ; pour tout le reste, il te laisse libre de faire ce qu’il te plaît, sans aucun danger pour ta conscience. Si même tu en venais à abandonner ta femme, si tu quittais ton maître et si tu n’observais pas tes conventions, Dieu, pour ce qui le concerne, n’en aurait aucun souci ; car, que tu fasses tout cela ou non, que peut-il en résulter pour lui ? Mais parce que tu es lié à ton prochain, dont tu es devenu la propriété, Dieu ne veut pas qu’à cause de sa liberté à lui, personne soit frustré de ce qui lui appartient ; il veut donc maintenir à ton prochain sa propriété. Sans doute, pour ce qui le concerne il n’attache pas d’importance à cette propriété ; il y porte toutefois de l’intérêt à cause de ton prochain. C’est ce que veut dire l’Apôtre par ces mots : « devantDieu. » C’est comme s’il disait : « Devant l’homme, o devant ton prochain, » je ne te rends pas libre ; car tant que lui-même il ne t’aura pas libéré, je ne veux pas lui enlever son bien. Devant moi, au contraire, tu es libre de tout lien ; que tu négliges ou que tu observes ce qui est extérieur, tu ne fais aucun mal. »

De tout cela, il résulte clairement que si une femme rend la liberté à son mari, ou un mari à sa femme, ils sont libres aussi aux yeux de Dieu : dès lors, la séparation est devenue légitime. Et c’est bien ce qu’ajoute Luther : « Devant Dieu, il ne porterait pas à conséquence que l’homme abandonnât sa femme, car le corps n’est pas lié à Dieu, qui au contraire lui laisse sa liberté pour toutes les œuvres extérieures ; ce n’est qu’intérieurement que le chrétien appartient à Dieu par la foi, mais devant les hommes le lien doit se maintenir. » W., t. xii. p. 131. 132.

I. La polygamie.

Pratiquement, les unions clandestines autorisées dans le Sermon sur le mariage aboutissaient à de véritables polygamies, ou même a de véritables polyandries. Toutefois, ce que dans ce sermon Luther avait surtout envisagé et affirmé, c’était la possibilité du divorce ; il n’avait pas parlé explicitement de la polygamie. An landgrave de iiesse.au contraire, il permit officiellement d’avoir deux femmes

a la fois. Sur la demande expresse, |u landgrave, autorisation avait été écrite et signée ; c’est pourquoi elle eut un si grand retentissement..Mais tout nous dit

qu’elle fut loin d’être un tait Isolé, une faiblesse d’un jour arrachée au Réformateur. Ci-dessus, Vit de

Luther, col. 1177.

5, / 1- mariage, union fouie profane. — Enfin Luther

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