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LUTHER ET LE MARIAGE

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constatait que, sur ce point, la théologie protestante moderne ne s’inspirait pas de celle de Luther, quoique, dit-il, on laissât croire le contraire au peuple. Scheel, t. ii, 1905, p. 197, n. 228. Il ajoutait que le Comité de la Société de l’Histoire de la Né/orme avait décidé de faire sur ce point un travail très précis, pour répondre notamment aux accusations de Denifle. La même année, Benrath faisait la même promesse. Karl Benrath, Zut Abwehr riimischer Geschichlsbehandtung, fasc. 1, Luther im Kloster, Halle, 1905, Vorbemerkung, au verso de la couverture, et p. 5, 6. Mais ce projet ne semble pas avoir eu de suites. Il ne pouvait en avoir de sérieuses, car Luther a vraiment dit qu’en soi le mariage était foncièrement mauvais ; et bien loin d’être un hors-d’œuvre dans son système, cette assertion en est une conséquence logique.

2. Le mariage est obligatoire.

Mais en même temps que toujours mauvaise, la concupiscence est invincible : quand elle se présente à nous (et à moins d’un don tout à fait exceptionnel elle se présente à tous), il est absolument impossible d’y résister. Aussi, bien que radicalement vicié, le mariage est commandé par Dieu ; il est le moyen établi par lui pour remédier à « la nécessité ». W., t. xii, p. 114, 31 (1523). C’est la seconde idée que Luther aime à exposer sur le mariage.

Cette conception inférieure, toute physiologique, ressort clairement de maint passage de ses œuvres : « Le corps du chrétien doit produire des germes, se multiplier et se comporter comme celui des autres hommes, comme celui des oiseaux et de tous les animaux ; c’est à cette fin qu’il a été créé par Dieu, en sorte que, lorsque Dieu ne fait pas de miracle, la nécessité demande que l’homme s’unisse à la femme, et la femme à l’homme. » W., t. xii, p. 113, 30 (1523). — Luther aime à insister sur la nécessité du mariage : « Il ne s’agit pas ici de caprice ou de conseils ; c’est une nécessité commandée par la nature que tout ce qui est homme doit avoir une femme et tout ce qui est femme doit avoir un homme. Car la parole de Dieu : « Croissez et multipliez-vous, » n’est pas un précepte ; c’est plus qu’un précepte, c’est une opération divine qu’il n’est pas en notre pouvoir d’écarter ou d’admettre ; cette opération m’est aussi nécessaire que d’être un homme, et plus nécessaire que de manger, de boire, d’aller à la selle, de cracher, de dormir et de me réveiller. Cette opération est notre nature même, un instinct aussi profondément enraciné que les membres que nous avons à cet effet ! » W., t. x b, p. 276, 17 (1522). Déclarations semblables ou même plus énergiques dans "W., t. vi, p. 442 (1520) ; t. xii, p. 66 (1523) ; Erl., t. lui, p. 287 : Luther à Reissenbusch (1525). « Le plus beau cadeau pour une jeune femme, c’est de lui faire un enfant ; après, bonsoir à toutes les idées qui lui passaient par la tête. » T. R., t. iii, n. 3466 (1536) : à un jeune couple. Et « pour un jeune gars, il n’y à qu’un remède, c’est de lui donner une femme ; autrement il ne peut pas rester en paix. » T. R., t. iii, n. 3655 (1537).

3. Le mariage peut être dissous.

Le mariage avait pour but l’assouvissement d’instincts sexuels indomptables : dès lors, Luther devait forcément être amené à en sacrifier l’indissolubilité.

Si l’Église veut que le mariage soit indissoluble, c’est sans doute parce qu’il représente l’union de Jésus-Christ avec son Église ; c’est aussi parce que l’amour n’aime pas les réticences et les arrières-pensées ; mais c’est surtout pour la stabilité de la famille, pour le bien des enfants. Partant d’un principe différent, Luther en arriva à une conclusion différente aussi. Dans la Captivité de Babylone (1520), il admet déjà la possibilité du divorce, W., t. vi, p. 558-560 ; dans le Sermon sur le mariage, il descend à des précisions ; il énumère trois cas de divorce : l’impuissance,

l’adultère, le refus du devoir conjugal. W., t. x b, p. 287.

a) Le premier cas est plutôt un cas d’annulation de mariage, un cas où le mariage n’a pas à être rompu, puisqu’il n’a jamais existé. Mais, à ce sujet, Luther en anive à des suppositions étourdissantes. Il se demande notamment ce que devrait faire une femme qui, unie à un impuissant, ne pourrait rester dans la continence et toutefois ne voudrait pas faire de bruit en recourant à un jugement public. Il lui conseille de demander le divorce à son mari », afin de pouvoir se remarier. Que s’il s’y refusait, elle devrait alors avec son consentement, et puisqu’il n’était plus son mari, s’unir à un autre, à son beau-frère, par exemple, mais toutefois en mariage secret, et l’enfant qui naîtrait ainsi devrait être attribué au mari. Que si celui-ci ne voulait pas non plus donner la main à cette combinaison : « plutôt que d’admettre qu’elle doive brûler de désirs inassouvis ou être adultère, ajoute le Réformateur, je lui dirais de se remarier, et de s’en aller en un lieu inconnu et éloigné. Quel autre conseil peut-on donner à qui est exposée sans relâche à succomber à la passion ? » W., t. vi, p. ~~>b&, 33 : De captivitate Babylonica, reproduit dans le Sermon sur le mariage. W., t. x b, p. 279, 30. Mais ici, après avoir reproduit ces lignes, il propose une autre solution : c’est de pendre le mari qui a induit ainsi sa femme en erreur. Dans les lignes suivantes, Luther se déclare même plein d’indulgence pour une femme qui, mariée à un impuissant, resterait avec lui, mais irait avec un autre à son insu et donnerait ainsi à son mari des enfants… à nourrir. Comme le dit Luther, W., t. vi. p. 558 ; t. b. p. 278, l’Église voit dans l’impuissance un cas de nullité de mariage. Mais les arrangements secrets qu’il admet ici ne pourraient évidemment que mener à des désordres véritablement répugnants.

b) Le second cas de divorce est l’adultère.. La partie innocente pourra se remarier. Mais si la partie coupable « ne peut garder la chasteté », que fera-t-elle’.' Réponse : C’est pourquoi, dans la Loi, Dieu avait commandé de lapider les adultères, afin qu’ils n’eussent pas à se poser cette question. « Aujourd’hui encore, l’autorité temporelle devrait les mettre à mort. Si elle néglige ce devoir, l’adultère peut s’enfuir dans un pays étranger et s’y remarier, s’il ne peut rester dans la continence. » Alors, Luther se fait à lui-même cette objection : « Mais par là, tous les mauvais maris et toutes les mauvaises femmes auront champ libre pour se séparer et aller changer leur sort en terre étrangère », c’est-à-dire pour s’y remarier, l’autre conjoint vivant encore. A cette objection, il ne trouve que cette réponse : « Eh ! qu’y puis-je, moi ? C’est la faute de l’autorité. Pourquoi n’étrangle-t-elle pas les adultères ? Je n’aurais plus à donner de tels conseils. Mais quand de deux maux on n’en peut supprimer qu’un, c’est au plus grand qu’il faut s’attaquer, c’est-à-dire ici écarter la fornication en permettant aux adultère^ de modifier leur sort en d’autres pavs. W.. t. x b. p. 287-289.

c) Le troisième cas est la mauvaise volonté de l’un des conjoints à l’endroit du devoir conjugal. « On trouve de ces femmes entêtées qui s’obstinent à se refuser à leur mari. Devrait-il tomber dix fois dans l’incontinence, elles ne s’en préoccupent pas le moins du monde. Alors pour le mari, c’est le cas de dire : « Tu ne veux pas, eh bien, une autre le voudra ; la « maîtresse ne veut pas, que la servante approche. W., t. x b, p. 290, 7. On a dit que c’était là un pro verbe. W. YValther, Fur Luther wider Rom, 1906, p. 694. Mais on ne voit guère ce qui eût autorisé Luther à le citer en chaire. D’ailleurs ne serait-ce pas plutôt après Luther que le mot est passé en proverbe ? Grisar, t. ii, p. 209 ; D. P., t. i, p. 383. Tou