Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/645

Cette page n’a pas encore été corrigée
12
1276
L> — Il THER ET LE UAKIAU.


La vie religieuse suppose le mérite des œuvres ; elle csi doue opposée à l’idéal de la vie chrétienne : par leurs vœux et leurs œuvres, les religieux renient Jésus-Christ. Voilà contre elle le grief capital de Luther.

Dès le début de son traité Sur /es vœux monastiques, il met une section avec ce titre : « Les vœux ne s’appuient pas sur la parole de Dieu ; ils y sont opposés. -Y. . t. viii, p..">78. Alors il rappelle que saint Paul ne voulait pas qu’on l’imitai en tant que Paul, mais qu’on imitât le Christ en lui. Au contraire, les règles et les statuts des ordres avaient pour but de mettre les religieux en dehors et au-dessus du Christ ; les fondateurs de ces ordres supplantaient Jésus-Christ.

De son point de vue, Luther avait raison. L’état religieux s’appuie bien sur Jésus-Christ, et Luther évidemment ne l’ignorait pas ; mais ce n’est pas au sens de la théorie de la justification par la loi. Au contraire, de la doctrine catholique sur le mérite des œuvres, la vie religieuse est l’efilorescence. Pour Luther, elle était donc la vie antichrétienne par excellence. Et s’obliger à ce genre de vie par des vœux, c’était se vouer au mal pour sa vie durant.

Puis, la vie religieuse parle en faveur d’une religion collective, en faveur de « la communion des saints ». Et les ordres religieux sont en général le grand rempart de la papauté. Pour Luther, c’était là une autre grande raison de les haïr.

Les attaques de Luther, contre les ordres religieux eurent un immense retentissement. Chez le peuple et chez les religieux elles trouvèrent d’autant plus d’écho qu’à cette époque beaucoup de couvents étaient trop riches, beaucoup de religieux paresseux et profondément tombés.

En outre, comme on l’a dit fort justement, il n’y a pas d’erreur sans une part de vérité. Si nous comparons les ordres de fondation récente à ceux des premiers siècles et même du Moyen Age, nous trouvons entre les uns et les autres de notables différences. Ces différences ne portent pas seulement sur la manière de s’organiser et de s’administrer, mais sur la manière de comprendre la vie religieuse elle-même. Or, c’est dans le sens des désirs de Luther que les modifications se sont accomplies.

Les moines, dit Luther, et les chrétiens en général, ont renié Dieu pour ne s’appuyer que sur leurs œuvres ; ils ont mis de côté la confiance en Dieu. Avec une poésie de tribun, il nous représente les pauvres chrétiens courbés sous la terreur, et obligés à se relever par leurs pénitences, aussitôt qu’ils ont « quitté leurs petits souliers d’enfants ». W-, t. xxxvii, p. 661, 3 (janv. 1534). Il reproche aussi aux moines de s’appuyer sur leurs fondateurs au détriment de Jésus-Christ. Or, le sentiment qui s’est de plus en plus épanoui dans le catholicisme moderne est celui de l’amour de Dieu et de Jésus-Christ, de la confiance en Dieu et en Jésus-Christ ; la communion est devenue plus fréquente qu’au Moyen Age : au xviie siècle s’est établi le culte du Sacré-Cœur ; ce culte et celui de l’eucharistie ont remplacé en partie le culte de la croix, très en honneur au Moyen Age. Les congrégations modernes ont été préoccupées d’affirmer leur union directe avec Jésus-Christ, et de ne s’enserrer dans aucun particularisme : nous avons non les Ignatiens ou les Philippiens, mais la Compagnie de Jésus, l’Oratoire de Jésus.

Le religieux, disait Luther, pratique mécaniquement un ensemble d’œuvres extérieures. Or le religieux moderne est en ce sens beaucoup moins chargé que celui d’autrefois. Il a moins de prières vocales et d’observances : à Cluny, au xie siècle, nous dit saint Pierre Damien. c’est à peine si, par les plus longs jours de l’été, l’office du chœur avec les autres observances monastiques laissaient aux religieux une demi-heure de libre pour converser dans le cloître. P. L., t. cxliv,

col. 380 ; D. 1’.. t. i, p. 361. De même, le religieux moderne a moins de jeûnes que celui du Moyen Age. Les jésuites n’ont pas d’autres jeûnes que ceux de l’Eglise et, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, ils ont été imités par les congrégations fondées apièt la leur. Par contre, le religieux moderne a tous les jours la méditation ou oraison mentale ; jusqu’au xvie siècle, au contraire, la méditation comme pratique régulière était inconnue dans les couvents. A. Poulain. S. J.. Traités des grâces d’oraison, c. ii, § 5.

Le religieux, disait Luther, méprise le laïque : il se croit le seul véritable chrétien. Les couvents fermés du Moyen Age pouvaient frapper les imaginations e faire naître des pensées de ce genre. Avec le religieux moderne, accessible à tous, on songerait à peine a la formuler. Il a un ministère et des œuvres : sa vie active est intense. Aussi l’axiome : Le moine est pour soi, le prêtre est pour les autres, n’a-t-il plus guère de signification. Plus que tout autre, saint Erançois de Sales, élève des jésuites, apôtre chez les protestants, nourri de sens français, a prêché et introduit dans le monde moderne l’extension de la spiritualité et de la perfection chrétiennes.

Dans ces modifications, faut-il voir l’influence de Luther ? Peut-être en partie. Toutefois, il semble plus conforme à l’histoire d’y voir une manifestation d’une loi générale : constamment. l’Église tend vers une spiritualisation plus haute. Sans le stimulant de la Réforme, c’eût été peut-être plus lentement que cette élévation de l’état religieux se serait produite ; elle n’eût pas manqué toutefois de se réaliser.

Mais ces modifications n’ont pas changé la su bstance de l’état religieux. L’Église catholique a toujours dit : Tous, religieux ou laïques, nous sommes partis de l’Être infini et nous devons tendre vers lui. Xous devons le faire par toute notre activité consciente : l’acte par lequel, consciemment et volontairement, nous nous unissons à Dieu, autrement dit l’acte d’amour de Dieu, cet acte couronne toute notre activité : il est l’acte humain par excellence : pour tous les hommes, l’acte d’amour de Dieu est donc l’idéal suprême de la vie. Ici, le religieux a le même but que le laïque. Sans doute, il prononce des vœux ; mais ces vœux ne lui donnent pas un nouvel idéal de vie chrétienne : ils vont simplement à écarter des obstacles qui, dans la poursuite de l’idéal proposé à tous, se mettent facilement sur notre route. Les œuvres qu’il accomplit ne sont pas un but : elles sont un moyen pour arriver au but suprême qui est d’aimer Dieu ; et pour qu’elles soient bonnes, elles doivent être faites en union avec Jésus-Christ. L’entrée en religion, la profession, l’obéissance, les privations, les jeûnes, toutes ces pratiques peuvent sans doute devenir mécaniques, mais, en soi. elles sont sagement ordonnées vers ce but suprême. Pour plus de détails, voir D. P., surtout t. i et n ; J. Paquier, L’état religieux et le mariage d’après Luther, dans Revue du clergé français, t. lxxvi. 15 mai 191 1. p. 385-417.

n. le MAR1A.QE. — Les idées de Luther sur le mariage ressortent de maint endroit de ses œuvres ; c’est un des points sur lesquels il aime le plus à revenir. Mais, pour peindre son attitude à l’égard du mariage, il y a un document capital, son Sermon sur le mariage. Il l’a publié à Wittenberg en 1522, vraisemblablement à la fin du mois de septembre. Dans le préambule, il le nomme lui-même un sermon ». Mais la longueur de l’écrit permet à peine de croire qu’il l’ait prononcé tel qu’il l’a publié. Il l’a intitulé simplement : Votn ehelichen Leben.De la vie conjugale.. t. x />. p. 266-304.

Doctrine de l’Église sur le mariage.

Ici. comme

sur tant d’autres points, Luther part de la doctrine catholique pour la contredire. Pour bien comprendre