Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/624

Cette page n’a pas encore été corrigée
1233
1234
LUTHER. LA CERTITUDE DU SALUT


Augustin parle souent de notre connaissance de l’habitation de Dieu en nous, In Epist. Joan. ad Parthos, tr. viii, 12, sur c. iv, ꝟ. 12, 13 ; de la certitude de notre espérance, InPs., xxxvii, 5 ; Contra Fauslum Manich., t. XI, c. vii, vin. Au Moyen Age, certaines formules similaires semblent aller jusqu’à favoriser l’idée que l’on peut avoir la c rtitudede son salut. Pierre Lombard définit l’espérance : « Une attente certaine de la béatitude future. » Sent., t. III, dist. XXVI, n. 1, P. L., t.. ex en, col. 811 ; cf. S. Bonaventure, éd. de Quarracchi, t. iii, p. 553. Le mot comporte une explication fort orthodoxe : du côté des moyens que Dieu nous octroie pour faire notre salut, notre espérance est certaine ; du côté de notre utilisation de ces moyens, elle ne l’est pas. Toutefois, cette certitude attribuée à l’espérance pouvait engendrer des malentendus. Voir G. Ljunggren, 1920 ; il donne de nombreux détails, peu sensationnels du reste. Aujourd’hui, enfin, on tend à accentuer la possibilité de la certitude de notre justification.

Au concile de Trente, on agita la question de la certitude de la grâce et du salut. Sur la possibilité de la certitude de la grâce, on discuta très longuement, avec presque autant d’insistance que sur la double justice. A tenir pour cette certitude, il y eut vingt et un théologiens contre quatorze ; ingt et un théologiens mineurs, c’est-à-dire sans dignités ecclésiastiques. Mais presque tous ne l’affirmaient que pour certains cas. Conc. Trid., t. v, p. 632, 633. Seul, l’abbé bénédictin, Luciano degli Ottoni, piètre théologien, semble-t-il, se montra favorable à la certitude du salut. Ibid., p. 659, 35 ; sur ce Luciano, voir Conc. Trid., 1. 1, p. 208, n. 8.

La théorie de Luther.

Pour Luther, là aussi, sa

doctrine fut d’abord intégralement celle de l’Église catholique. Dans son Commentaire sur l’Épître aux Romains, il disait encore : » Nous ne pouvons savoir si nous sommes justifiés. » J. Ficker, t. ii, p. 89, 2.

C’est par la certitude de la grâce, ou, pour parler plus exactement, par la certitude de la justification qu’il commença. Quelques théologiens catholiques avaient enseigné que l’homme pouvait être certain de posséder la grâce ; saint Augustin et saint Thomas avaient pensé que du moins nous pouvions avoir la certitude de posséder la foi. Cf. pour S. Augustin, Knarr. in Ps. x, 5, P.L., t. xxxvi, col. 134 ; pour S. Thomas, In 7L™ Cor., xiii, 5, lect. 2 ; Sum. theol., I » -II », q. cxii, a. 5, ad 2um. Or, pour Luther, foi et justification, c’était tout un. Il n’est donc pas surprenant qu’assez vite il ait estimé que nous pouvions être certains de notre justification. Quand l’enseigne-t-il pour la première fois ? Peut-être dès 1517-1518 : dans son Commentaire sur l’K pitre aux Hébreux, il a des passages que l’on peut interpréter en ce sens. 1). P., t. iii, p. 286, n. 3 ; p. 370, n. 2 ; p. 371, n. 1 ; p. 458, n. 2 ; J. Ficker, Luther. 1617, 1918, p. 35, 36, notes sur les pages 15, 16. Pourtant, ce n’est peut-être qu’on peu plus tard que l’on trouve vraiment chez lui cette doctrine. Loofs, p. 724, n. 6 ; Grisar, t. i, p. 211, 212, 308.

A Augsbourg, devant le cardinal Cajetan, il revendique pleinement la certitude de sa justification. W., t. ii, p. 13. ii. A son retour, dans son premier Commentaire sur V I’-'.pitre aux Gâtâtes, il enseigne de même cette certitude s ; ms relicence, et il en appelle au « témoignage de l’Esprit » : « Tu dois estimer avec une ferme confiance quc le Christ est mort pour tes propres péchés, que lu es l’un de ceux pour qui il a de livré. Voilà la foi qui te justifie ; elle lira que le Christ habitera, vivra et ri gnera en toi. Elle est le témoigna

l’Esprit.i notre esprit que nous sommes les fils de Dieu.. W., t. m. p. 158, 22.

iirv lors, cette doctrine est flxée chez lui ; il la gardera jusqu’à la fin. i.n 1535, par exemple, dans ion

second Commentaire sur l’Épître aux Galales, il dira : « Une fois pour toutes, vous devez répudier l’opinion très pestilentielle de tout le royaume papiste, d’après laquelle le chrétien doit être incertain de la grâce de Dieu à son endroit. » W., t. xl a, p. 586, 35, et toutes les pages précédentes. Et, en 1541, dans un pamphlet contre le duc Henri de Brunswick : « De quoy nous proffiterait-il d’avoir une Église de Dieu en ce monde si elle nous voulait bailler une manière de doctrine incertaine ?… Voilà quelle est la gente théologie des papistes, qui nous enseigne de doubter si nous sommes en la grâce de Dieu ou non. » W., t. li, p. 511 ; trad. anonyme, 1545 : Antithèse de la vraye et faulse Église…, p. 94.

Nous sommes certains de notre justification. Mais cette justification, Dieu la maintiendra-t-il jusqu’à notre mort ; pouvons-nous être certains de notre salut ? Volontiers, en France, c’est à Calvin que nous attribuons la paternité de la doctrine sur la certitude du salut. De fait, c’est plutôt lui qui l’a mise en relief. Toutefois, Luther a déjà sur ce point des déclarations catégoriques. En 1521, il formule ainsi l’une de ses thèses Sur les vœux : « La foi est une conscience constante de sa justice et de son salut. » W., t. viii, p. 323, n. 6. Dans un sermon de 1522, sermon qu’il fit lui-même imprimer, il nous donne dans une même phrase, au sujet du salut, un curieux mélange de « ferme présomption », de « quasi certitude », et de « certitude absolue » : nous sentons l’appel, Abba, Père bienaimé, « lorsque sans hésitation, ni doute, notre conscience présume fermement et est comme certaine non seulement que tous nos péchés nous sont pardonnés, mais que nous sommes devenus enfants de Dieu et certains de notre salut. » W., t. x, l rc put.. 1° sect., p. 370, 22.

En 1525, à la fin de son ouvrage sur le Serf arbitre, il affirme clairement la certitude du salut, et il en donne les raisons ; le passage est fort caractéristique de l’état de son âme : « Pour moi, dit-il, je l’avoue ; si je pouvais posséder le libre arbitre, ou quelque autre moyen de faire mon salut, je le refuserais. Au milieu de tant d’adversités et de périls, de tant de démons en lutte contre moi, je ne pourrais résister et le conserver ; un seul démon n’est-il pas plus fort que tous les hommes réunis 1 Avec le libre arbitre, personne ne serait sauvé. Puis, à supposer même que périls, adversités, démons, rien de tout cela n’existât, je serais du moins continuellement forcé de « travailler à l’aventure et de donner des coups en l’air »..l’aurais beau vivre éternellement et faire éternellement des œuvres, ma conscience ne saurait jamais avec certitude et sécurité jusqu’où je devrais aller pour être en règle avec Dieu. Après toute oeuvre, si bien accomplie fût-cllc, resterait le scrupule de savoir si elle plaît a Dieu, ou si. au contraire il ne demandait pas quelque chose de plus. C’est ce que prouve l’expérience de tous les justiciards, et ce que pour mon malheur j’ai assez connu moi-même, tant d’années durant. Maintenant au contraire que Dieu a enlevé mon salut à mon libre arbitre pour s’en occuper lui-même, maintenant que ce n’est pas par mon œuvre et par ma course, mais par sa grâce et miséricorde qu’il a promis de me garder, je suis certain et assuré qu’il est fidèle et qu’il ne me mentira pas, lui si puissant et si grand. Dés lors, ni démons, ni adversités, rien ne pourra le vaincre ou me ravir a lui. Personne, dit le Christ, ne les ravira de ma main ; mon l’ère, qui me les .. donnés, es1 pins grand que tous, i Sans doute, il ne

s’ensuivra pas que tous les hommes seront sauvés ;

mais quelques-uns du moins, beaucoup même le

seront ;.m contraire, avec les agissements du libre

arbitre, personne absolument ne l’aural< été, mais Ions

en bloc nous nous serions perdus ie libre arbitre

. nous s. net certains et essuies que nous plal