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LUTHER. LA FOI JUSTIFIANTE


que la foudre éclate dans le jardin de l’ancien couvent. Christliches Kunstblatt, 1904, p. 54, 55. Il se répète avec horreur : « Moi, l’envoyé de Dieu, moi pleinement justifié, et moi pourtant plein de péchés ! » Et il conclut : « Ce n’est qu’à ma mort que mon intérieur sera modifié, à ma mort que, suivant l’expression de l’aigle de Pathmos, il y aura « un nouveau ciel et une « nouvelle terre ». Jusque-là, toute ma justice ne sera qu’empruntée ; dans mon intérieur, on ne saura trouver « que noirceur diabolique ». Y., t. xl b, p. 407, 33 (1532).

/II. la foi justifiante. — Dieu nous imputera la justice de Jésus-Christ. Mais comment nous l’approprierons-nous ? Par la foi ; « la foi saisira la justice qui nous est imputée ; » elle la fera ainsi devenir nôtre ; c’est elle qui permettra à Dieu de nous faire cette imputation.

Corruption de l’homme par le péché originel, manque plus ou moins complet de liberté, prédestination au ciel et même à l’enfer, tout cela se rencontre plus ou moins chez d’autres, et notamment chez les jansénistes. Mais, ajoutent ces derniers, ces désirs que nous ressentons de faire le bien, ces élans vers Dieu bien infini ne sont pas atrophiés pour jamais. Avec la grâce de Dieu, ces vestiges, ces témoins d’un état passé peuvent revivre et se fortifier.

Luther le nie ; les bonnes œuvres n’ont rien à faire avec la justification. Comment l’homme sera-t-il donc justifié ? C’est ici que Luther va apporter sa reconstruction, ce qui dans sa théorie de la justification lui appartient en propre.

Sur notre corruption, Dieu peut mettre un manteau, je veux dire les mérites de Jésus Christ. Ce sera une justification tout extérieure, un revêtement de marbre sur le bois pourri d’une cabane. Dans le travail de notre salut, Jésus-Christ, et Jésus-Christ seul, est actif, nous n’avons pas à l’être nous-mêmes ; vouloir coopérer par nos œuvres à ce qu’il a surabondamment accompli, ce serait lui faire injure. Et comment L’homme obtiendra-t-il de Dieu ce manteau, j<’veux dire cette attribution extérieure des mérites de Jésus-Christ ? Par la foi, ou, pour parler plus exactement, par la confiance en Dieu et en Jésus-Christ. L’homme continuera de produire des fruits de mort ; mais, par la confiance qui sera dans son cœur, il méritera que Dieu lui attribue les mérites de Jésus-Christ. Enfin, quand il sentira en lui cette confiance, il aura la certitude’le son salut.

Loi Justifiante, certitude de la justification et du salut, voilà les éléments capitaux qui vont couronner la théorie de Luther sur la Justification.

Les antécédents.

Ici. encore, dans les quinze

siècles chrétiens qui avaient précédé, il est possible de trouver des expressions qui, de plus ou moins loin, ronl penser à la foi de Luther.

Dans l’Évangile même et dans saint Paul, la foi est souvent Indiquée comme la cause de notre justification. Jésus voyant leur foi dit au paralytique : Mon bis. aie confiance, tes péchés te sont remis. » « O temme, votre foi est grande ; qu’il nous soit fait selon votre désir. Et dans l’Épttre oui Romains, saint Paul dit que l’homme est juslilié par la foi ». L’expression de foi fusli fiante peut donc avoir un sens parfaitement orthodoxe. Elles aussi, remarquait déjà

Mo hier, les écoles du Moyen Vge connaissaient une

foi qui suffisait > [ustifler ; cette roi, c’esl celle qui est vivifiée par la charité et qui est accompagnée des oeuvres. J.-A, Mœhler, Sgmbolik, ’. » édll. 1913, p, i 15 ; lr. Lâchai. I. i. 1852, p. 170 ; (1. LJunggren, 1920, p B, etc. Plusieurs théologiens catholiques, surtout a

la fui du Moyen Age, ont aussi confondu la fat et la

confiance en Dieu. R, Seeberg, Die Lettre Luther », 1917)

p. 2.14. n. 1.

A côté de cette foi vivante, la théologie connaît depuis longtemps la foi informe, c’est-à-dire la foi qui demeure alors même que l’âme n’est plus en grâce avec Dieu. Au Moyen Age, plusieurs théologiens ne partagèrent pas cette opinion ou plutôt ignorèrent cette terminologie. Dans l’Écriture et les Pères, la foi a une si grande efficacité que, dans la foi morte, sans la charité ni les œuvres, ces théologiens ne pouvaient se résoudre à voir une foi véritable. Cf. Hugues de SaintVictor, P. L., t. clxxv, col. 535 ; t. cxxxvii, col. 984.

C’est dans le même sens qu’au concile de Trente parlera Seripando, ainsi que plusieurs évêques et théologiens. Conc. Trid., t. v, p. 280, 335, 336, 346, 352, 480, 725, 729, 741, 743. Après avoir répété, la parole de saint Paul que « l’homme est justifié par la foi », le concile lui-même dit : Si l’on attribue la justification à la foi, « c’est parce que la foi est pour l’homme le commencement du salut, le fondement et la racine de toute justification ; c’est que sans elle il est impossible de plaire à Dieu et d’avoir part à son héritage ». Sess. vi, c. 8.

Sur la foi morte, Luther partage l’opinion, ou, si l’on veut, la terminologie d’Hugues de Saint-Victor, de Seripando et autres augustiniens ; il ne la reconnaît pas comme une foi véritable. Dès ses annotations sur les Sentences (1509-1511), il écrit : « La foi infuse vient et s’en va avec la charité. Les trois vertus théologales sont inséparables. » W., t. ix, p. 90, 25. La date de ce texte prouve que, de bonne heure, les infiltrations de l’école augustinienne arrivèrent jusqu’à lui. Souvent, dans la suite, il parlera de la même manière. J. Ficker, t. ii, p. 14 : W., t. ii, p. 425, 13 ; p. 566, 31 ; t. xl b, p. 35, 16.

La théorie de Luther.

Mais Luther va s’avancer

bien au delà de vues et de termes théologiques quelque peu bizarres. La foi justifiante va devenir la pièce capitale d’une théologie nouvelle.

Après quelques audaces partielles, c’est en 1518 qu’il en vint à exposer pleinement comment il entendait cette expression. Au mois d’avril de cette année-là, n l’a vu dans la Vie de Luther, le chapitre général de sa congrégation se tint à Heidelberg. Voir col. 1155. Ce fut lui que l’on chargea de diriger la dispute théologique. Sa renommée, son action pendant les trois années de son vicariat (qui précisément expiraient a ce chapitre), ces raisons suffisent-elles à expliquer ce choix ? Déjà, du moins dans l’intérieur de sa congre il ion, ses idées sur la chute originelle et la justification étaient bien connues. Bien loin de le faire écarter, ces idées auraient-elles donc contribué à le désigner ? la congrégation de Staupitz, aurait-on donc eu une certaine tendance vers un augustinisme extrême, peut-être du reste importé d’Italie ?

Luther établit quarante thèses, vingt-huit sur la théologie, douze sur la philosophie, Les thèses sur la

théologie contenaient toute sa théorie sur l’incapacité

de l’homme a faire le bien, avec la foi Justifiante comme couronnement : « Quelque belles et quelque bonnes que puissent paraître les œuvres humaines, il est néanmoins probable qu’elles sont toutes des péchés mortels. » Les bonnes œuvres de l’homme justifié sont des péchés, à fout le moins des péchés véniels pr< s la chute, le libre arbitre n est qu’un vain titre ; lorsqu’il fait son possible, il pèche mortellement. w.. t. i. >3, thèses 3, 6 12, 13. Le Juste n’esl pas celui qui

fait beaucoup d’œuvres, niais celui qui sans œuvres Croit beaucoup au Christ. La loi dil : lais cela. et l’œuvre ne l’accomplit jamais ; la grâce dit : (.mis en lui. et des lois tout est accompli, i’thèses 2’k 26. Mais on dira : < >u allons nous donc faire ? Rien, puisque nous ne pouvons que pécher’.'.le réponds ; Non. mais a cette vue louibe a genoux, demande