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LUTHER. LA JUSTIFICATION PAR LA FOI


confiance on voulût faire la part de l’homme, encore est-il que cette part existerait : nous avons là un acte humain. Or, Luther nous l’a dit et répété : de l’activité de l’homme tout est mauvais. Dans cette activité, il n’y a donc logiquement aucune amorce pour entrer dignement en relations avec la miséricorde de Dieu, avec l’influence de Dieu en nous ; dans la théorie de Luther, la nécessité d’un acte humain, et d’un acte humain pour le point capital de notre justification, c’est là une énorme contradiction.

.Mais les contradictions étaient ce qui lui pesait le moins ; il y voyait même une manière heureuse d’humilier la raison au profit de la foi.

Sur les œuvres, voir aussi, ci-après, V. La religion et la morale, col. 1240 sq.

IV. La justification par la foi.

Le nominalisme a conduit Luther au mépris de la raison humaine, l’augustinisme, au mépris de toute activité humaine. Pourtant, il a besoin de pardon, besoin aussi de confiance en Dieu. Ce besoin de pardon et de confiance, nous dit-on assez justement, est même parmi les notes caractéristiques de sa vie et de sa doctrine. Mais comment réparer tant de ruines ?

Tout à coup, de cet abîme de pessimisme, il s’échappe dans un optimisme hilarant ; il chante la foi justifiante, la confiance inébranlable en la miséricorde de Dieu. C’est ce côté optimiste que nous allons explorer. Nous sommes au sommet de la théologie de Luther.

I. la double jestice. —Ici encore Luther dut avoir des précurseurs.

La théorie de Seripando.

Au concile de Trente,

Seripando mit en avant une théorie singulière, celle de la double justice ; il la soutint avec une telle persévérance que, désormais, ce sera vraisemblablement à son nom qu’elle restera attachée. Déjà Pallavicini, Noël Alexandre et Theiner avaient esquissé son attitude sur ce point..Mais c’est le récent recueil des actes du Concile de Trente qui a vraiment fait ici la lumière. Le 8 octobre 1546, on y voit Seripando demandant aux théologiens du concile de ne pas rejeter inconsidérément la théorie de la double justice ; c’est ce jour-là que la question se présente ouvertement pour la première fois. Conc. Trident., t. v, p. 486-488 ; t. x, p. 674, 10. Les jours suivants, etsurtout du 15au26 octobre, elle est longuement discutée : douze jours durant, dans dix réunions ou congrégations, au mécontentement d’un grand nombre, Seripando avec trois augustins, un servi c et un « docteur séculier » retient sur cette question les théologiens du concile. Puis, dans un long mémoire qu’il lit à la réunion des 26-27 novembre 1546, il présente la défense de son opinion. Enfin des notes intimes nous découvrent encore mieux sa pensée. Ibid., lii, p. 432 (oct. 1546) ; t. v, p. 523-633 (15-26 oct. 1546) ; p. 634-64) (5 novembre 1546) ; p. 663, n. 2 (8-26 nov. 1546) ; p. 666-676 (26-27 nuv. 1516) ; p. 829,.’9(19 août 1546). Cf. Rômi sche Quartalschri/t, 1906, t. xx, p. 175-188 ; 1909, t. xxiii, p. 3-15.

Qu’est-ce que Seripando et les siens entendaient par celle double justice’.' De prime abord, il n’est pas très facile de le saisir. Outre que c’est le propre de cette école de se tenir dans un certain vague. Seripando voilait sans doute çà et la ses idées par crainte de paraître trop favoriser Luther ; dans son long me moire des 26-27 novembre 1546, pièce capitale sur cette opinion, ne comnience-t il pas par constater tristesse qu’elle lui a attiré beaucoup d’attaques ose beaucoup de tristesse ? Abordant ensuite son sujet, il v a deux manières, dit H. d’entendre que la

justice fie.lesus Christ nous est imputée ; la preo

que nous n’aurions aucune justice Intérieure ; mais eu réalité, ajoute-t-il, c’est la n’admettre qu’une seule

justice, celle de Jésus-Christ ; cette conception n’est pas catholique ; la seconde, que nous avons une justice intérieure, et qu’elle est une communication de la justice de Jésus-Christ. - — Jusqu’ici, rien que d’assez répandu dans la théologie catholique. Mais quel est le degré, quelle est l’intensité de cette communication de la justice du Christ ? Peu à peu, Seripando nous apprend que, pour répondre à ce que Dieu demande de nous, cette justice intérieure n’est pas suffisante ; dans la mesure fixée par Dieu, mesure qui nous est toujours inconnue, il y faut une certaine addition ou imputation extrinsèque des mérites de Jésus-Christ ; à côté d’une justice inhérente, la grande majorité des justes a besoin d’un supplément de justice, d’une justice imputée. Conc. Trident., t. v, p. 668-671.

Il y a une différence entre la justification et la sanctification. De pécheurs, la justification nous rend justes. La sanctification consiste à vivre en justes et à obéir à la loi de Dieu. Ibid., t. v, p. 333-336.

C’est ce que résument fort bien ces deux titres d’un document du concile : « Théologiens d’après qui la justice inhérente suffit sans aucune autre imputation de la justice du Christ ; — théologiens d’après qui, au contraire, la justice inhérente ne suffit pas, et qui demandent une imputation de la justice du Christ.. > T. v, p. 632.

On a ainsi le côté négatif de la théorie ; pour répondre aux vues de Dieu sur nous, notre justice intérieure n’est pas suffisante. Par là, la théorie se distingue de l’opinion généralement reçue dans la théologie catholique. Dans la suite de son mémoire, Seripando insista sur le côté positif de sa théorie : existence en nous d’une justice intérieure et effets que cette justice y produit ; par là, il marque les différences entre ses vues et celles de Luther : « Les luthériens, dit-il, mettent tout dans la foi : suivant leur manière de parler, elle saisit la justice | du Christ ] qui nous est imputée. Au contraire, à côté de la foi, l’opinion que je viens d’exposer met les œuvres et les mérites, et elle admet la justice inhérente ; elle s ? borne à demander qu’à l’âme craintive il soit permis d’espérer ; qu’à l’âme, dis-je, qui tremble en songeant à son imperfection, il soit permis de se tourner vers les mérites de Jésus-Christ et d’espérer en la miséricorde de Dieu. T. v, p. 674, 32. En d’autres ternies, alors que Luther n’admettait qu’une justice imputée, Seripando, à côté de cette justice extrinsèque, admettait une justice intérieure ; alors qu’en rejetant les œuvres, le mérite et la liberté, la théorie de Luther était destructive de l’effort, celle de Seripando les mettait à côté de la foi, et sauvegardait ainsi l’énergie humaine ; en face de la vague confiance quiétiste de Luther, elle plaçait l’activité de l’homme, sanctifiée par la grâce de Dieu.

2° Raison » de cette théorie. — 1. La théorie di double justice se présente comme l’épanouissement normal des idées de Seripando et de l’augustinisme extrême. La concupiscence est le péché originel ; dans la mesure où elle subsiste en nous ci c’esl un fait d’expérience qu’elle ne disparait complètement qu’avec la mort), le péché y subsiste lui aussi. Nous restons donc toujours plus ou moins pécheurs ; il nous est impossible d’être changés intérieurement et d’ac

complir la loi autant que nous g sommes obligés. Impossible d’atteindre a la Justice que Dieu est en droit d’exiger de nous. Ainsi, quoi que lions lassions. notre Justice intérieure sera toujours Insuffisante. Mais i tien suppléera ; d’une manière extérieure, il

nous Imputera les mérites de.lesus (.lirist. Nous

aurons un’1 double Justice : une Justice Intérieure el

une justice extérieure. Sans doute, connu i l’a

vu (col. 1219) beaucoup dC théologiens nous disent

que Dieu nous récompense au delà du mérite de