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LULLE. DOCTRINES PHILOSOPHIQUES


lulianes, Palma, 1905, et le P. André de Palma, O. M. C, Sistema juridic i idées juridiques del R. Llull, dans Esludis Franciscans, Barcelone, 1923, t. xxx, p. 5465, 125-138, ses idées sociales et politiques.

Philosophie.

1. Augustinisme. — Dans l’ensemble

de sa philosophie, R. Lulle souscrit aux thèses fondamentales de l’augustinisme médiéval et se meut dans le sillage de saint Anselme, des victorins et de saint Bonaventure. Probst, op. cit., p. 258. On peut dire avec E. Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, Paris, 1924, p. 496, que « l’œuvre entière de R. Lulle est complètement inintelligible si l’on fait abstraction du symbolisme de saint Bonaventure et de sa doctrine des illuminations intellectuelles et morales ». Sans doute, il a accepté plusieurs idées aristotéliciennes en métaphysique, en psychologie et en physique, Probst, op. cit., p. 216-220 ; néanmoins, la direction générale de sa pensée est bien dans le sens indiqué.

C’est ce que nous assurent déjà les miniatures symboliques du ms. de Karlsruhe, J. Rubiô, El breviculum, p. 85-87. Trois chars d’assaut montent à l’attaque de la tour d’erreur où la Vérité est captive : d’abord celui d’Aristote, puis celui d’Averroès, où figurent même au premier plan l’Église et le pape ; celui de R. Lulle vient en dernier lieu ; trois hérauts à cheval, symbolisant i les puissances de l’âme qui proclament l’unité de Dieu dans la Trinité », le précèdent. Lulle, entouré de ces guerriers, figurations des attributs ou dignités de Dieu, le conduit ; sur sa lance se lisent ces mots : Inlelligentem spiritualia oportet sensus et imaginationcm transcendere et multotiens scipsum. Ce document situe nettement R. Lulle, en dehors de la direction aristotélicienne et averroïste, au cœur même de l’augustinisme. C’est de ce courant, en effet, qu’il reçoit le symbolisme psychologique qui conditionne l’ascension de l’esprit vers Dieu, ainsi que l’art de dépasser l’intelligence et la métaphysique, par le recours à l’illumination de la foi et aux clartés de l’extase. E. Gilson, Éludes de philosophie médiévale, Strasbourg, 1921, p. 77-95.

Quant à la théorie des dignités divines, fondement de toute l’œuvre lullienne, il est inexact de soutenir que R. Lulle l’a empruntée à l’école de Mohy ed Din, comme l’ont cru Asin y Palacios et Ribeira, ou aux Mutakallinums. ainsi que le suggère J. Tusquets, Posicio de R. Lull en et problama del’eternitat del mon, dans Criterion, Barcelone, 1925, t. i, p. 105-107. Il est vrai, dans la Disputalio Raymundi et Hamar Xarrticeni. p. I, n. 2, t. iv, ]). 2, le philosophe sarrasin dit lui-même — et contrairement à Probst, op. cit., p. 255, il m’est impossible d’y voir un procédé littéraire — Nos allribuimus Dca undecim qualitates quæ sunt hœc : videlicet, bonilas. magniludo, potestas, etc. Cf. Keicher, op. cit., p. 76. Mais, selon un texte de H. Lulle jusqu’ici inconnu, cette philosophie était si rudlmentalre, même en ce qui concernait l’existence des dignités divines, que le devoir de l’apologiste était avant tout d’en instruire les Arabes. I.ih. de acquisitione Terræ sanctæ, Pari », ’"'. / ; l'><). ꝟ. 546 v :

Sarraceni sunt allqul in philosophie lienc litterati et sunt domines liene rationabiles, srd do essentia Dei et dignitatibus suis parum sciunt, ideirro catholicus in disputatione diaponel Ipso » ad lntell igendum Deuni etactui suarumdiKniliituui intrinsecos. Et istum modura dlsputationls tenebam ego eu m ipsjsdum cram incarcère Bugte. Cf. Dcrlaiatio Raymundi, éd. Keicher, p. 20.">.

De plus, l’activité Immanente des dignitéa était

totalement Inconnue aux Sarrasins, L’Art, éd. Probsi.

p. 75. ei leur nombre fixé, iemble-1-il. a onze, alors que

H. Lulle en énumère parfois seize. L’Art, p. 59. Lulle

donc inspiré ailleurs. Saint Anselme, dont il

connaissait la doctrine, lui a donné l’ensemble desa théorie, Monologium, c. xv, P. /… t. CLvm, COL L65.

Cf. Probst, op. cit., p. 274. De saint Augustin, il tient l’idée de mettre l’humilité au rang de ces dignités et d’élaborer une partie de sa synthèse à la lumière de ce concept, Lib. Cont., t. II, c. lxxxvii-xcii, t. ix, p. 189202, ce qu’une philosophie étrangère au christianisme n’aurait pu lui suggérer. Si l’on ajoute à cela que Richard de Saint-Victor, également cité par Lulle dans son premier écrit apologétique, a mis la Bonté au premier rang des attributs divins, De Trinitate, t. II, c. xvi-xx, P. L., t. exevi, col. 909-912, et qu’il a inféré avec vigueur la Trinité de « la plénitude de la gloire divine », ibid., t. III, c. iv, v, xiii, col. 918, 925, cf. Th. de Régnon, Études sur la sainte Trinité, t. ii, p. 315 sq., — deux idées qui pénètrent entièrement le système lulliste, — il est manifeste, même si l’on admet un point de rencontre défini entre la pensée lullienne et la théologie musulmane, que R. Lulle a puisé sa théorie fondamentale dans la direction augustinienne de la scolastique, notamment chez saint Anselme et Richard de Saint-Victor, dont la théodicée dialectique devait l’attirer si vivement.

L’analyse du système lulliste confirme les indications du ms. de Karlsruhe. La méthode de Lulle, en effet, sa conception des rapports de la théologie et de la philosophie sont augustiniennes. Selon lui, « la philosophie considère les causes premières et réelles et par elles descend aux êtres réels particuliers et les étudie à l’aide des causes premières » ; la théologie, au contraire, « traite de Dieu, c’est-à-dire de son essence, de ses propriétés et dignités, et des opérations qu’il a en Lui-même et dans les créatures ». Arbor scientise, arb. hum., p. 118. De ce chef la théologie l’emporte considérablement sur la métaphysique, Dcclaratio Raymundi, p. 193. Elle est d’autant plus élevée que la raison aux prises avec les problèmes ardus de la métaphysique a vite le sentiment de ses limites et doit lui faire appel. Les philosophes anciens ont précisément erré parce qu’ils ignoraient les grands principes théologiques, — la vie divine, l’incarnation, la création et la résurrection générale, — _ qui, fixant la destinée de l’homme, l’aident à interpréter tout ce qui lui est ordonné, Declaratio, p. 96 ; pour ce motif, Aristote et Platon ne se sont pas formé une juste notion de Dieu, Doctrina puéril, 77, Obres, t. i, p. 135, Descornort, 37, éd. R. d’Alôs, Poésies, p. 94. Cf. Declaratio, p. 99, 193, 194. La vérité du Christ, et non pas la philosophie pure, est donc la voie véritable, le salut, Lib, cont., t. I, e. xxv, t. ix, p. 51-53, Arbor scientiee, p. 193 : Est credentia lumen intelligendi etc. L’intelligence l’accepte par la foi et la lumière de Dieu et du coup non seulement dépasse l’ordre de la connaissance sensible, mais aussi s’élève au-dessus d’elle-même, ce qui constitue » le second passage transcendental. Declaratio, p. 100. Le vrai moyen de philosopher avec profondeur, c’est donc l’ingressuB in phOosophiam cnm habitu fidei. Declaratio, p. 122, cf. c. xvi, p. 118-120. Il ne faut jamais perdre de vue cette position Initiale de Lulle, si l’on ne veut pas se méprendre sur sa pensée. 1’.me qu’ils n’y ont rien compris, plusieurs auteurs ont accusé le bienheureux de rationalisme pur, ce dont pourtant la méthode augustinienne et lulliste est la négation radicale. De même, l’effort de S. Bové pour ramener le lulllsme à un système moyen entre le platonisme et l’aristotélisme et. parfois même, l’identifier avec la philosophie de saint Thomas..S’. Totltttt de Aquino y et deteento del entendimiento, dans H..1. /, .. 1911, p. 339-3 12, est en partie sans Ion de ni eut puisque ne voir dans i le second passage t ransrendriil al que l’ait de former des concepts d’une applicabilité pins générale que les universauv c’est méconnaître le

carai 1ère résolument augustinlen et bonaventuriste di la méthode de R, Lulle. Cf. E. Gilson) /" phlloêophlt de suint Bonaventure, p. x’.t-ns.