Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/549

Cette page n’a pas encore été corrigée

lus :  ;

LULLE. VIE

1084

leste l’explicit des mss. du Liber Proverbiorum. R. d’Alôs. Los catalogos Lulianos, Barcelone, 1918, p. 70.

A son arrivée, il obtint du roi, le 30 oct. 1299, la permission de prêcher dans les synagogues et les mosquées du royaume, electis per eum quinque vel sex probis hominibus et sibi adhibitis. A. Rubiô, Documents, t. i, p. 13. Ce fut sans doute pour remercier le roi Jaime II qu’il écrivit pour lui le Dictât de Ramon (Barcelone, déc. 1299) et pour la reine, Dona Blanca, le joyau ascétique qu’est le Libre de Oracions..Muni de ces pouvoirs, Lulle se livra totalement à ce ministère. Vida, p. 354. De juillet à décembre 1300, il est sûrement à.Majorque où sa plume multiplie les tracts apologétiques. II entreprend même la rédaction d’une somme philosophique en catalan dite Començ.amenls de Philosophia. Sur ce la nouvelle parvint de la victoire remportée sur les musulmans par le khan des Tartares, Casan, à la bataille de Nedjamâa et Moroudy (23 déc. 1299). Ces succès avaient soulevé en Occident un tel enthousiasme que, le 7 avril 1300, Boniface VIII annonçait à la chrétienté la délivrance prochaine du Saint-Sépulcre et que Jaime II lui-même, le 18 mai 1300, écrivait au chef des Tartares pour solliciter son alliance et lui députait à cette fin P. Solivera de Barcelone. Gottron, op. cit., p. 21, note 4. R. Lulle n’y tint plus et, dans les premiers mois de 1301, partit pour Chypre où les Catalans avaient de riches comptoirs. Arrivé en Orient, il trouva que les nouvelles étaient inexactes : la contre-offensive musulmane, en effet, avait déjà refoulé les Tartares. Sans perdre de temps à d’inutiles regrets, il se mit à disputer sur la foi avec les sarrasins, les jacobites, les nestoriens et les grecs. Il aurait voulu qu’Henri II, roi de Chypre, les convoquât d’autorité à des controverses publiques, offrant de se présenter ensuite devant les sultans d’Egypte et de Babylone pour leur prêcher la foi. Le roi se désintéressa de ces demandes, Vida, p. 354 ; Lulle n’en continua pas moins son action apologétique. En sept. 1301, il achève au couvent de Saint-Jean Chrysostome, près de Bufîavento, sa Rhetorica nova ; en décembre, il est à Famagouste ; de là, en janvier 1302, il se rend à Ajas, port de l’Arménie inférieure. Dans ce voyage il contracta une sérieuse maladie, Vida, p. 355, à laquelle il fait allusion dans son Liber de fine, éd. Gottron, p. 80. Pour comble d’infortune, ses deux serviteurs, sous prétexte de le droguer, tentèrent de l’empoisonner afin d’enlever son bagage, mais Lulle s’en aperçut à temps et se retira à Famagouste, chez les templiers, où il fut bien reçu, grâce aux ordres de Jacques de Molay. Une fois remis, il partit pour Gênes, rédigeant en haute mer son livre, Les mille proverbes.

Depuis cette date jusqu’en 1306, l’itinéraire du bienheureux est difficile à fixer. Il n’est pas sûr, en effet, qu’il se soit rendu à Majorque immédiatement, car le Liber de Trinitate et Incarnatione, qui aurait été écrit en cette ville en septembre 1302, d’après plusieurs auteurs, Golubovich, op. cit., p. 380, est daté plus probablement de 1312. Ce qui est certain, c’est qu’en mai 1303, Lulle est à Gênes, où il traduit en catalan sa Nova Logica. Contrairement à son compatriote, Arnaud de Villeneuve, il reste indifférent aux démêlés de Boniface VIII et de Philippe le Bel et poursuit nerveusement ses projets. Gottron, op. cit., p. 22. Après ce séjour à Gênes, Lulle se serait rendu à Paris et, d’après la Vida, p. 355, y aurait lu son Art et compilé divers ouvrages ; il y serait même demeuré jusqu’au moment de sa rencontre avec Clément V (sept. 1305). Le fait a paru douteux à Sollier, vu qu’à

cet If date il n’y a aucune trace d’action lullienne à Paris. Acta Sanct., p. 647. En réalité, il y a erreur manifeste. Les explicit de plusieurs ouvrages, en effet, attestent tous que Lulle séjourna alors dans le midi de la France. Dès le mois d’octobre 13015, il se trouve à Montpellier, comme le prouve V explicit du Liber de disputatione fidei et intellectus. Il y demeure habituellement, sauf en février 1304, où V explicit de deux écrits signale sa présence à Gênes. C’est la qu’en avril 1305 il achève son célèbre Liber de fine ou De expugnatione Terras Sunctse, le plus important des traités analogues écrits à cette époque par Jacques de Molay, Foulques de Villaret, Pierre Dubois et Mario Sanudo. Gottron, op. cit., p. 24-37. Le 24 juin 1305, le roi Jaime II lui concède une pension par un acte donné à Barcelone. A. Rubiô, Documents, t. i, p. 39. Comme des mss. du De erroribus Judworum sont datés de Barcelone 1305 et que d’autre part l’acte royal porte une clause spéciale, ordonnant de doubler les subsides, quamdiu vos sequli fueritis curiam nostram, il paraît certain que Lulle se rendit alors à Barcelone et accompagna ensuite le roi en France lors du couronnement de Clément V, bien que la Vida, p. 355 le dise alors à Paris. Le 17 oct. 1305, il assiste à Montpellier à l’entrevue du pape et de Jaime II, comme il le dit dans son ouvrage, Disputatio Raymundi et Hamar sarraceni, Op., éd. Mayence, t. iv, p. 47. Plus tard, en nov. 1305, Lulle est à Lyon où eut lieu le couronnement de Clément V ; il y commence son Ars generalis et ultima. De nouveau, il tente d’intéresser la cour pontificale à ses projets, mais « le saint-père et les cardinaux n’y prêtèrent guère attention ». Vida, p. 355.

Déçu une fois de plus, R. Lulle partit d’un trait pour Majorque, et de là passa en Afrique, à Bougie, où régnait alors Abou Zakaria. A peine débarqué, au printemps de 1306, il se mit à crier sur les places publiques que la loi de Mahomet était fausse : il voulait le martyre, « les vêtements vermeils de l’Ami ». Saisi et traîné devant le conseil de la ville, Lulle annonça avec héroïsme la foi chrétienne. Des discussions apologétiques s’engagèrent ; entre temps, on le jeta en prison, la chaîne au cou. Il y souffrit beaucoup au début, mais l’intervention des Génois et des Catalans de résidence à Bougie améliora son sort. Vida, p. 356. Il commença même à écrire en arabe sa Disputatio Raymundi et Hamar sarraceni, qui contient l’écho de ses controverses religieuses. Après six mois de prison, Abou Zakaria, alors à Constantine, donna ordre de l’expulser de l’Afrique. De force, Lulle dut s’embarquer sur un navire qui faisait voile pour Gênes. Comme finale de l’odyssée, le vaisseau fit naufrage près de Pise (nov. 1306). Lulle put se sauver, mais sa bibliothèque, le livre qu’il venait de rédiger en arabe, tout son avoir fut perdu sans retour.

Arrivé à Pise, Lulle reprit la plume et recomposa en latin son ouvrage perdu. Son séjour dans cette ville se prolongea, car ce fut au couvent des dominicains de l’endroit qu’il acheva au mois d’avril 1308 son Ars generalis et ultima. Keicher, op. cit., p. 44. Tout en multipliant ses tracts de propagande, il sut intéresser la commune de Pise à ses projets et le conseil écrivit en faveur de la croisade à Clément V. Porteur de ces lettres, le Majorquain partit pour Gênes, où il obtint des lettres analogues et des promesses de subside. Vida, p. 356. Plusieurs auteurs, Keicher, op. cit., p. 29, Gottron, op. cit., p. 39, croient qu’il s’agit bien de lui dans la lettre que Perceval Spinola envoya vers la même époque à Jaime II sur les affaires de la croisade. Finke. Acta aragonensia, Berlin, 1908, t. ii, p. 878. D’après