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LAZARISTES (CONGRÉGATION DES)


Félix Vialart, évêque de Châlons-sur-Marne ; le comte et la comtesse de Liancourt.

Respecter les personnes dont on combat les idées, n’est-ce pas le vrai, Je seul moyen de ramener les intelligences égarées ? Saint Vincent recommandait cette méthode à ses prêtres ; il leur demandait même de n’attaquer les idées que s’il y avait à cela une véritable nécessité. « Jamais, écrivait-il à l’un des siens, jamais nous ne disputons de ces matières, jamais nous n’en prêchons, ni jamais nous n’en parlons dans les compagnies, si l’on ne nous en parle ; mais, si l’on le fait, l’on tâche d’en parler avec le plus de retenue que l’on peut, M. Gilles excepté, qui se laisse un peu emporter par son zèle ; à quoi je tâcherai de remédier, Dieu aidant. » Collection saint Vincent de Paul, t. iii, p. 328. En blâmant ainsi ceux qu’animait un zèle excessif, en demandant à ses prêtres de ne pas s’attarder à discuter les questions du jour devant des ordinands ou des élèves, saint Vincent faisait preuve de prudence et de sagesse, car la modération est une condition du succès.

Son influence était d’autant plus grande pour empêcher la diffusion de l’erreur que, par les grands séminaires confiés en divers diocèses à sa congrégation, elle s’étendait sur la formation théologique d’un grand nombre de clercs et de prêtres.

Quand le concile de Trente prit fin en 1563, le clergé de l’Église de France, composé de trop nombreux prêtres sans vocation, sans vertu et sans instruction théologique, avait un grand besoin de réforme. L’institution des séminaires était, aux yeux de tous, le meilleur des remèdes. Les fondateurs de l’Oratoire, de Saint-Nicolas, de Saint-Sulpice et de Saint-Lazare s’appliquèrent à cette œuvre avec un zèle que Dieu récompensa. Saint Vincent de Paul fonda à Paris le grand séminaire des Bons-Enfants, où prêtres et simples clercs venaient se former de tous les diocèses de France, et il envoya ses missionnaires diriger ceux d’Annecy, de Cahors, Alet, Saintes, Troyes, Saint-Méen, Tréguier, Agen, Périgueux, Montauban, Agde, Meaux, Montpellier et Narbonne. Il leur demandait par-dessus tout d’écarter du sanctuaire ceux que Dieu n’y appelait pas, de donner aux autres des habitudes de vertu et de les préparer à la vie du ministère, c’est-à-diie d’apprendre aux séminaristes comment ils devraient dire la messe, administrer les sacrements, réciter l’office divin, prêcher, chanter, catéchiser, résoudre les cas de conscience.

En ce temps, le séminaire durait peu : ici quelques mois, là un an, deux tout au plus. Il fallait aller au plus pressé. Il ne pouvait donc être question d’études approfondies sur la philosophie, la théologie dogmatique, l’Écriture sainte et les autres branches des sciences ecclésiastiques. A ceux qui désiraient connaître ces matières les universités offraient des maîtres excellents. Le séminaire, tel que le concevait saint Vincent devait être surtout une école de vertu et d’enseignement pratique. Si les évêques d’alors avaient eu plus de temps à donner à la formation de leurs clercs, ils auraient certainement fait une place plus large à l’étude des sciences théoriques ; et le fondateur de la Mission n’aurait pas demandé mieux.

Le saint avait longtemps réfléchi sur la meilleure manière d’enseigner, et il s’était arrêté à une méthode qu’il demandait à ses professeurs de suivre. Pas de cours dictés. Les dictées prennent un temps considérable et servent peu. Plus tard le séminariste aimera mieux consulter les livres imprimés que ses cahiers manuscrits. Explication par le maître de quelques pages d’un bon manuel ; récitation par l’élève des pages expliquées la veille ou le matin ; solution par le premier des difficultés proposées par le second. Tels étaient pour lui les trois actes principaux qui devaient

rendre la classe intéressante et profitable. Collection saint Vincent de Paul, t. il, p. 212.

Formés par lui, les prêtres de la Mission appliquèrent ses principes et ses méthodes dans Jes nombreux grands séminaires dont ils eurent la direction en France et à l’étranger. En 1792, quand éclata la grande Révolution, sur 160 grands séminaires français, ils en dirigeaient 51. Ils en avaient encore une trentaine en Pologne, en Autriche, en Espagne et en Portugal.

Au xix c siècle, après leur rétablissement, ils reprirent peu à peu leurs œuvres, qui se développèrent jusqu’en 1903, année douloureuse pour eux comme pour l’Église de France. Ils dirigeaient alors dans ce pays vingt grands séminaires et trois en Algérie.

Aujourd’hui encore, sans parler de la France et de ses colonies de l’Afrique du Nord, ils en dirigent une cinquantaine en Espagne, en Italie, en Pologne, en Irlande, en Chine, aux États-Unis, au Mexique, aux Antilles, au Honduras, au Costa-Rica, au Pérou, en Bolivie, au Brésil, en Colombie, dans l’Equateur, au Paraguay et aux Iles Philippines.

Dans l’enseignement de la théologie, les prêtres de la mission ont pour principe de suivre les doctrines traditionnelles. « D’autant que les opinions nouvelles et particulières nuisent souventes fois à leurs auteurs et à leurs sectateurs, est-il dit dans leurs Règles communes (c. xi, art. 7), tous et chacun se donneront de garde de cette sorte de nouveauté et particularité ; au contraire, ils se rendront toujours, autant que faire se pourra, uniformes en leur doctrine, en leurs discours et en leurs écrits, en sorte que, selon l’Apôtre, nous puissions en quelque façon avoir tous un même savoir, même sentiment et même discours. »

Le directoire des professeurs de théologie leur donne comme guide saint Thomas d’Aquin et leur défend de s’en écarter, sinon quand son opinion est combattue par des arguments solides et communément reçus, comme dans la question de l’Immaculée Conception de la sainte Vierge. Art. 6.

Sous la sauvegarde de ces règles, les prêtres de la Mission ont toujours donné dans les séminaires un enseignement orthodoxe. Ils ont combattu, aux temps où ces erreurs se propageaient, le quiétisme, le gallicanisme, le jansénisme, le fidéisme, le rationalisme et le modernisme. Avant la décision officielle de l’Église, ils défendaient les dogmes de l’Immaculée Conception et de l’infaillibilité pontificale.

Il est vrai qu’au xviii c siècle quelques membres de la Compagnie se laissèrent gagner par l’esprit janséniste ; mais les supérieurs généraux veillaient ; ils n’hésitèrent pas à exclure les opiniâtres, si haut qu’ils fussent placés. Au plus fort de la crise, en 1724, l’Assemblée générale vota, à l’unanimité de ses membres, une formule de soumission aux bulles des souverains pontifes et spécialement à celles qui condamnaient Jansénius et les Réflexions morales du P. Quesnel.

Si dans la longue liste des théologiens on trouve peu de noms portés par des prêtres de la Mission, c’est qu’il n’est pas dans leurs habitudes de composer des livres. Pierre Collet est le plus connu ; le Dictionnaire de théologie a énuméré les ouvrages dont il est l’auteur. Voir t. iii, col. 364.

Parmi les lazaristes qui ont publié des écrits théologiques, signalons encore, dans l’ordre chronologique de leur mort : Victor-Amédée Soardi (1713-1752) : De suprema romani pontifteis auctoritale hodierna Ecclesiæ gallicanæ doclrina, 2 vol. in-4°, Avignon, 1747 ; Auctoritas pontificia notissimo Cupriani facto a quibusdam neotericis acriter impugnata, sed a sapientissimis Galliæ theologis solide vindicata, dissertatio historicodogmatica, in-4°, Avignon, 1749. — Louis-Joseph François (1751-1792) : Examen de l’Instruction de