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    1. LUCIEN D’ANTIOCHE (SAINT)##


LUCIEN D’ANTIOCHE (SAINT). DOCTRINE DE LUCIEN

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troisième des dialogues pseudo-athanasiens sur la sainte Trinité, une partie de la discussion entre l’orthodoxe et le macédonien roule encore sur la signification des phases caractéristiques du même symbole. P. G., t. xxviii, col. 1201 sq.

L’authenticité lucianique de la seconde formule d’Antioche, dont le texte a été conservé par saint Athanase, De synod., 23, P. G., t. xxvi, col. 721 B, Hahn, Bibliothek der Symbole, 3e édit., Breslau, 1897, § 154, p. 185, n’est pas au-dessus de tout conteste. Philostorge nccuse en effet Astérius d’avoir modifié l’enseignement de Lucien en disant que le Fils est l’image exacte de l’ousie, de la volonté, de la puissance, de la gloire du Père, H. E., ii, 15, édit. Bidez, p. 25, P. G., t. lxv, col. 477 B ; et ces expressions figurent en bonne place dans le symbole. Le troisième dialogue du pseudo-Athanase parle également d’interpolations dans la formule en question, P. G., t. xxviii, col. 1204 B. Cependant, il est au moins probable que ce symbole exprime bien la doctrine de Lucien, et que son attribution au docteur antiochien, n’est pas simplement le résultat d’une erreur.

3° Outre les écrits mentionnés par saint Jérôme, il faut citer l’explication d’un passage de.lob, ii, 9 sq. ; cette explication, attribuée à Lucien, a été conservée par un commentaire d’origine arienne, dont le texte grec figure dans le cod. Parisin. græc. 454, et dont on trouve la traduction latine P. G., t. xvii, col. 371 sq. Cf. J. Zeiller, Les origines chrétiennes dans les provinces danubiennes, Paris, 1918, p. 504 ; R. Draguet, Un commentaire grec arien sur Job, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, t. xx, 1924, p. 38-65. L’explication attribuée à Lucien semble provenir d’une tradition orale, plutôt que d’un ouvrage écrit.

4° Il est enfin nécessaire de rappeler que Lucien est l’auteur d’une recension des livres saints de l’Ancien Testament. Cette recension n’était pas une traduction nouvelle comme semblent l’insinuer le Pseudo-Athanase et le synaxaire de Constantinople, mais une simple revision de l’ancienne version des Septante. Les caractéristiques nous en sont bien connues : accumulation des variantes, explication des passages difficiles par l’introduction de courtes gloses ; substitution des noms propres aux pronoms ; remplacement des formes peu usitées par des formes familières ; suppression des barbarismes réels ou prétendus du texte primitif ; orthographe plus correcte, efforts vers une plus grande pureté de style. Rien de tout cela, et c’est ce qui nous intéresse ici, ne révèle de préoccupations doctrinales. La recension de Lucien est absolument neutre au point de vue théologique. Cette neutralité même devait assurer son succès, car, dès le temps de Saint Jérôme, le texte iucianique était répandu de Constantinople à Antioche, Præfat. in Parai., P. L., t. xxviii, col. 1324. C’est principalement dans les écrits des Pères antiochiens, saint Jean Chrysostome, Théodore de Mopsueste, Théodoret que nous trouvons des citations empruntées à cette recension ; mais, dès le ve siècle, on l’utilisait aussi en Palestine où avaient pu l’introduire les higoumènes et les moines venus de Cappadoce.

Nous savons aussi que Lucien exerça son activité sur le texte du Nouveau Testament. Mais nous connaissons mal la nature de son travail. Saint Jérôme, qui est notre meilleur témoin, se contente d’écrire : Preetermitto eos codices quos a Luciano et Hesychio nuncupatos paucorum hominum asserit perversa contenlio quibus utique nec in toto veteri instrumento post septuaginta interprètes emendare quidlicuit, nec in novo profuit emendasse cum multarum gentium linguis scriptura antea translata doceat falsa esse quæ addita sunt. Præfat. ad Damas, in Evang., P. L., t. xxix, col. 527. Il semblerait, à lire ce texte, que saint Jérôme

accuse Lucien d’avoir introduit dans le Nouveau Testament des interpolations tendancieuses qui en ont compromis la pureté. Sans doute le jugement de saint Jérôme ne fut-il pas sans influence sur la condamnation portée par le Decretum gelasianum, contre les Eixtngelia quæ falsavit Lucianus, apocrypha. Les critiques contemporains ont essayé de caractériser d’une manière plus précise la tâche accomplie par Lucien à l’égard du Nouveau Testament. Ils ne sont pas arrivés jusqu’ici à des conclusions très satisfaisantes. Cf. E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans l’Église chrétienne, t. ii, Paris, 1913, p. 459 sq. : 497 sq., 504 sq.

III. Doctrine de Lucien. La doctrine de Lucien nous est très mal connue. Le plus habituellement, les historiens des dogmes s’appuient sur le témoignage d’Alexandre d’Alexandrie pour faire de Lucien un disciple de Paul de Samosate. Ils déclarent alors que son enseignement prenait pour point de départ le monarchianisme le plus absolu, et que, selon lui, le Christ n’était autre chose qu’un homme divinisé. Cf. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichle, t. ii, 4e édit., 1909, p. 188-190 ; J. Hefele, Histoire des Conciles, trad. Leclercq, t. i a, p. 347 sq. ; J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, Paris, 1909, p. 21 sq.

Cette représentation est peu vraisemblable. Elle se heurte principalement au fait que Lucien nous est connu pour avoir été le maître d’Anus et des principaux ariens de la première heure. Philostorge, H. E., ii, 3 et 14, édit. Bidez, p. 14 et 25 ; P. G., t. lxv, col. 468 A et 476-477. La théologie d’Arius est tout à l’opposé de celle de Paul de Samosate, et se rattache à l’enseignement d’Origène dont le Samosatéen prenait le contre-pied.

En s’appuyant de préférence sur le symbole de 341 qui est pour nous le document le mieux garanti, on peut dire, semble-t-il, que Lucien insistait surtout sur la distinction des trois personnes divines. A ses yeux, le Père est véritablement Père, le Fils est véritablement Fils, le Saint-Esprit est véritablement Saint-Esprit. Hahn, § 154, p. 185. Tel est aussi l’enseignement des lucianistes, Astérius cité par Marcel d’Ancyre, dans Eusèbe, Contra Marcel., I, iv, 25. édit. Klostermann, p. 18 ; P. G., t. xxiv, col. 753 A ; et Eusèbe de Césarée lui-même, dans la lettre écrite à ses diocésains après le concile de Nicée, dans Théodoret, H. E., I, xii, 5, édit. Pannentier, p. 49 ; P. G., t. lxxxii, col. 941 A. Chacune des personnes de la sainte Trinité a ainsi son individualité nettement caractérisée.

Le symbole ne contient aucune allusion à l’ôji.ooùaio ;. Ce terme, employé naguère par Paul de Samosate et repoussé par le concile d’Antioche, ne devait pas être condamné moins énergiquement par Lucien. On sait du moins qu’Arius et ses partisans rejetaient ce terme comme une expression manichéenne. Arius, Epist., Y) tûo-uç 7)|iùv, dans Athanase, De synod., 16, P. G., t. xxv, col. 708. Dans la Trinité, continue Lucien, il y a trois (choses), par l’hypostase, une seule par la volonté et l’intelligence : eïvai -nj |zèv’J^oaTâaet Tpîa tÎ) 8è aupKpovta ëv, Hahn, Ibid. Cette formule rappelle l’enseignement d’Origène, Contra Cels., viii, 12, édit. Kœtschau, t. ii, p. 229-230 ; P. G., t. xi, col. 1533 ; et l’on trouve chez Astérius des expressions analogues, dans Eusèbe, Contra Marcellum, I, iv, 55, édit. Klostermann, p. 29 ; P. G., t. xxiv, col. 772 A.

Quel rôle Lucien assigne-t-il donc au Fils ? Le symbole emploie, pour le caractériser, la formule &Tpe-TÔv ts xoù àvaXXolcoTOv - ?, ç GeÔTTjTOç oùaîaç te xal fSouÀ-îj ; xal Suvàfjiew ; xai 8ô*, r t ç toù rcarpàç à7tapàXXaxTOv etxova. Hahn, ibid. Mais Philostorge nous assure que cette expression serait de l’invention d’Astérius qui aurait ici trahi la pensée authentique de son maître. H. E., il, 15, édit. Bidez., p. 25 ; P. G., t. lxv, col. 477 B.