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LOUP


Mais ni les procédés d’Hincmar, ni ses idées théologiques n’étaient du goût de ceux qui avaient étudié, dans leurs sources, les doctrines dont Gottschalk, un peu imprudemment peut-être, s’était fait le champion. Les personnages les plus érudits de l’Église franque, Prudence de Troyes, Ratramne, moine de Corbie, plus tard Rémi, évêque de Lyon, et Florus, son maître, se lèvent pour protester contre les exclusives trop absolues formulées par Hincmar contre des doctrines certainement augustiniennes. L’œuvre de Servat Loup se situe parmi celles qui émanèrent de ce groupe. Loup, nous l’avons dit, avait connu Gottschalk à l’abbaye de Fulda ; rentré en France, il était resté en correspondance avec lui. La lettre 30, où il répond à une consultation de son ancien compagnon, est certainement, quoi qu’on ait prétendu, antérieure à la controverse prédestinatienne ; le P. Lapôtre a très bien montré que la demande de Gottschalk est au plus tard de l’année 842 et que la réponse de Loup doit se placer dans le courant de l’année suivante. Elle montre néanmoins en quelle estime l’abbé de Ferrièrcs tenait son ami. Les malheurs de celui-ci n’étaient pas pour l’en détacher. Loup avait assisté au concile tenu à Paris vers la fin de 849, lequel après avoir réglé l’affaire du duc de Bretagne, Noménoé, avait entendu Prudence de Troyes dans son réquisitoire contre Hincmar, et l’avait approuvé. Très peu de temps après, lors du passage de Charles le Chauve à Bourges, Loup eut l’occasion de s’entretenir avec le roi des graves questions agitées au concile de Paris. Les réponses qu’il lui donna ne satisfirent pas tout le monde ; à quelque temps de là, écrivant au monarque, l’abbé éprouva le besoin de justifier la position qu’il avait prise, Epist., cxxviii ; il fit de même à l’endroit d’Hincmar de Reims, Epist., cxxix et de Pardulus de Laon (cette dernière lettre ne s’est pas conservée). Mais, à la réflexion, il lui sembla qu’il y avait intérêt à reprendre l’ensemble de la question avec plus d’ampleur. C’est ainsi que prit naissance le traité De tribus quæstionibus, dont le Collectaneum contient, si l’on peut dire, les pièces justificatives. Nous considérons donc les lettres comme antérieures au Liber. Nous nous écartons ici de l’opinion de Baluze ; d’après lui, le traité a été composé en premier lieu (et dès lors avant le concile de Paris) ; les lettres ont été écrites postérieurement pour préciser certaines affirmations de l’ouvrage.

Au point de vue théologique, la chose est de peu d’importance, car il n’y a pas de différence appréciable entre les épîtres et le Liber. Dans celui-ci, comme dans celles-là, il s’agit de répondre aux trois questions soulevées par la récente controverse : que vaut, dans l’état présent de l’humanité, le libre arbitre laissé à ses seules forces ? Peut-on parler d’une double prédestination, l’une au ciel, pour les élus, l’autre à l’enfer pour les réprouvés ? Le bienfait de la rédemption s’étend-il à tous les hommes, aussi bien que la volonté salvifiquc, ou bien faut-il les restreindre à un certain nombre d’hommes ? Sur ces trois points, où se heurtent depuis le v° siècle les diverses écoles théologiques, Servat Loup se rallie sans B m nages aux thèses les plus rigides de l’augustinisme intégral, exprimant celles-ci d’ordinaire dans les termes mêmes du docteur d’Hipponc.

Le libre arbitre, dans le premier homme avant la chute, pouvait se décider également entre le bien et le mal : liberum voluntati » arbitrium ad bonum et ad tnalum, eequa facilitas boni malique. Liber, P. L., col. 627. Mais la faute d’Adam, qui est en même temps celle de toute l’humanité (omnes in eo peccaverunt), a fait adhérer Adam (et l’humanité) au mal qu’il avait librement choisi : justissime in illo luisît quod sponte rlrgit ; il s’ensuit qu’en tous la nature est

viciée, et que, laissé à lui-même, le libre arbitre ne peut plus aller qu’au mal : liberum arbitrium tantum ad malum. Ibid.

Ainsi, tous les hommes auraient dû périr, mais il a plu à la miséricorde divine d’en vouloir sauver un certain nombre (Servat Loup dit plures, col. 628, plerosque, col. 629 ; mais il faudrait se garder de prendre ces pronoms dans le sens classique : le plus grand nombre, la plupart ; le contexte indique que le sens est bien : plusieurs, un certain nombre, sans précision aucune). Ceux qui, par un jugement occulte, mais infiniment juste de la bonté divine, sont ainsi retirés de la masse de damnation, sont par le fait même prédestinés à la grâce et à la gloire. Pour ceux au contraire qui, non moins justement, sont laissés par Dieu dans la masse maudite, il ne faut pas hésiter, quels que soient les scrupules de certains docteurs, à dire qu’ils sont prédestinés à l’enfer. On ne doit pas dire qu’ils sont prédestinés au péché, la volonté divine ne pouvant, en aucune manière, se porter ni porter les autres vers le mal. Le péché que la justice divine trouve en ces consciences, il a été voulu par elles, soit par la volonté générale d’Adam (in quo omnes peccaverunt), soit par le libre arbitre, lequel ad malum tantum valet. La prescience divine, les trouvant dans cet état, ne peut faire autrement que de prédestiner ces malheureux au supplice éternel. Voir col. 638, 639.

Il est donc impossible de dire que Dieu veut sauver tous les hommes. Le texte fameux de I Tim., ii, 4, Deus… qui vult omnes homines salvos fieri, est susceptible, comme saint Augustin l’a montré, d’une interprétation très restreinte, col. 636. Et quant à savoir si le Christ est mort pour le salut de tous, il convient pour répondre à cette question, de se rappeler que Jésus lui-même a parlé de son sang répandu pro vobis, pro muliis, et non pro omnibus. Saint Jérôme, dans son commentaire sur le passage évangélique, dit en propres termes : Non pro omnibus sed pro multis, id est pro his qui credere voluerint. Voir Loup, Epist., cxxviii, col. 604 D. Sans doute saint Jean Chrysostome a écrit : non pro fidelibus tantum, sed pro mundo universo ; mais il n’a appuyé cette exégèse sur aucun témoignage scripturaire. Ibid., col. 605 A. Alléguer les explications de Fauste de Riez est peine perdue, les écrits de ce prélat ayant été condamnés par le pape Gélase. Ajoutons que, dans le Liber, Servat Loup se montre un peu moins absolu. Appuyé sur un texte de YEnchiridion de saint Augustin, c. lxi, cf. P. L., t. xl, col. 260, il commence bien par proposer une traduction très restrictive du passage paulinien, Deus proprio Filio non pepercit sed pro omnibus tradidit illum, Rom., viii, 32 ; mais il ajoute : « Les théologiens remarqueront néanmoins que l’on peut dire avec probabilité, que le Christ est mort pour tous ceux qui reçoivent les mystères de la foi, soit qu’ils doivent les garder, soit qu’ils doivent les abandonner… Mais cela même certains l’exècrent avec véhémence et le condamnent, prétendant que l’on fait injure au Rédempteur, si l’on ne déclare pas qu’il a en général racheté tous les hommes. Pour nous, la foi restant sauve, à savoir que le Seigneur a racheté par son sang tous ceux qu’il a voulu et qu’il n’y a de rachetés que ceux qu’il a rachetés, nous laissons la question sans réponse définitive. Et si quelqu’un parvient à démontrer que le sang du Rédempteur a servi même ; iu réprouvés, nous n’y contreviendrons en rien, nous nous rangerons même de bon cœur à cet avis… Mais de grâce que nous ne soyons ni tourné en dérision, ni r

par eeu qui pensent que tous, bons ou mauvais, onl été Indifféremment rachetés par le Christ. - El après

ioir dté le même texte miséricordieux de. Jean

Chrysostome que la lettre déclarait sans auto