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LOUIS DE GRENADE


de brillantes et fortes études théologiques il n’a pas enseigné. Il ne faut donc pas chercher dans ses écrits, comme dans ceux de Melchior Cano, de Banez, de Jean de Saint-Thomas, des développements originaux, des aperçus nouveaux, des conceptions personnelles. Ceci posé, il faut laisser de côté les ouvrages tels que les biographies et les traductions, et faire deux parts dans l’œuvre de Louis de Grenade : les sermons et les ouvrages ascétiques.

Les sermons constituent la part la plus considérable de son œuvre ; non celle qui a le plus de valeur. La doctrine des sermons est la doctrine commune, exposée dans l’ordre du cycle temporal et sanctoral de la liturgie. Adressés généralement aux paysans, aux petites gens, ces sermons, que nous trouverions un peu longs aujourd’hui, sont remarquables par la simplicité, la clarté, la chaleur et le pittoresque de l’exposition. Autant qu’on en peut juger après quatre siècles et à travers une traduction, ils devaient être merveilleusement adaptés à l’auditoire. Si l’on ajoute que Louis de Grenade étant un humaniste, la pureté de sa langue devait ajouter un charme de plus à son éloquence, on comprend la réputation grandissante que sa prédication lui fit en Espagne et en Portugal. Saint Charles Borromée estimait fort ces sermons et aimait à les citer.

Les écrits ascétiques de Louis de Grenade se réduisent à quatre : Le livre de l’oraison, La Guide des pécheurs, le Mémorial de la vie chrétienne, le Supplément au Mémorial, et ce sont eux qui ont assuré le renom de l’auteur en Europe aux xvie, xviie et xviiie siècles et l’assurent de. nos jours encore.

La Guide des pécheurs est un traité des vertus chrétiennes. Doctrine substantielle sur les motifs de pratiquer la vertu, sur les biens spirituels et temporels promis à la vertu, sur les excuses des pécheurs. Ayant démontré à l’homme qu’il doit et peut être vertueux, le P. Louis de Grenade traite des vices les plus communs et de leurs remèdes, des vertus proprement dites et de leur exercice. Encore que saint Thomas y soit peu cité explicitement, on se rend compte à la lecture que Louis de Grenade met en œuvre l’enseignement du Docteur angélique. Comme lui. notamment, il semble ignorer la distinction entre péché véniel et imperfection, et ne connaître que le péché véniel et le péché mortel. La Guide des pécheurs était dans toutes les mains en France, au xviie siècle. Des œuvrer de Grenade c’était celle que recommandait le plus volontiers saint François de Sales.

Le Mémorial de la vie chrétienne et le Supplément se présentent comme « l’exposé sommaire et complet de tout ce que requiert la ie céleste du chrétien » (Mémorial-prologue), une sorte de bréviaire ascétique. / t livre de l’oraison et de lu méditation dans la pensée de Louis de Grenade devait amener les fidèles à la pratique de l’oraison et, par là, faire cesser le désaccord trop fréquent entre les croyances et les munis. Pour amener les tidèles à la pratique de l’oraison, il faut leur apprendre comment faire oraison, et les mettre en garde contre le manque « le dévotion. Après avoir donné quatorze sujets de méditation, Louis (le Grenade propose une méthode pour les commençants, pour les autres c’est l’affaire du Saint-Esprit. Voici en quoi ((insiste celle méthode : l" préparation dr l’oraison, par la préparation du cœur et la prévision du sujet. Au début de l’oraison, avoir soin de se

mettre en présence (le Dieu. Cette pratique, déjà recommandée par Garcia de Cisneros, deviendra clas ique avec saint François de sales : 2’lecture du sujet, juste suffisante pour provoquer les réflexions et sur tout la prière ; 3° méditation qui peut être tntellec tuclle ou Imaginativi. t action < ! grâces, 5e offrande ; emande. La seconde partie du Livre île l’oraison

est une étude approfondie de la dévotion dont Grenade emprunte la notion à saint Thomas. Saint François de Sales utilisera largement cette étude. Manifestement, pour écrire cet ouvrage Louis de Grenade s’est inspiré de VEcerjitalorio de Garcia de Cisneros, probablement des Exercices spirituels de saint Ignace et du Tratado de la oracion d’Antoine Parras. Il doit beaucoup aussi, semble-t-il, aux Traités de la vie spirituelle de l’italien Serafino da Fermo. On a remarqué que Le livre de l’oraison ne traite, en fait, que de la méditation, bien que l’auteur signale l’oraison de recueillement et de quiétude comme terme enviable de longues années de méditations. Mais il ne pouvait en être autrement : la diffusion en Espagne de la fausse mystique par les Alumbrados ou Illuminés rendait l’Inquisition très méfiante et même pointilleuse ; pour elle, la prétention d’enseigner l’oraison à tous était dangereuse, et les livres de mystique en langue vulgaire fleuraient l’hérésie.

Si Louis de Grenade eût vécu en d’autres temps, il eût été un remarquable écrivain mystique, Malgré cela, son influence a été considérable. Il a d’abord été un des meilleurs ouvriers de la croisade spirituelle contre le protestantisme et les Alumbrados. Ayant subi l’influence de l’humanisme, humaniste lui-même, familier des classiques païens, qu’il citait volontiers jusque dans ses sermons, plus familiarisé encore avec l’antiquité chrétienne, recourant sans cesse au témoignage des Pères et de la Bible, qu’il connaissait de façon étonnante, théologien solide, Louis de Grenade était armé pour lutter contre l’humanisme, le protestantisme et l’illuminisme. Ses livres, écrits en pur style d’humaniste, ne durent pas être sans influence sur l’évolution de la langue espagnole. Au point de vue ascétique et mystique, son influence fut considérable : la diffusion de ses écrits, dans leur langue originale ou dans les traductions, suffirait à le prouver. Il ne fut pas un précurseur, ni un chef d’école, mais dans le mouvement qui commença avec les chanoines de Windesheim. se. continua avec Garcia de Cisneros, et saint Ignace pour aboutir à saint François de Sales, Louis de Grenade fut l’une des personnalités les plus marquantes. Avec plus d’ampleur et d’une manière plus personnelle que ses prédécesseurs il enseigna la science de l’oraison. Après Ignace de Loyola, il fui l’un des premiers auteurs spirituels à formuler une méthode d’oraison destinée aux gens du monde : il voulait amener tous les fidèles à la pratique de l’oraison. Sa méthode simplifia celle de saint Ignace et la mit plus à la portée des fidèles. Elle restait encore compliquée cependant, expliquée un peu longuement el de façon un peu touffue. Elle élait néanmoins un progrès qui devait achever son évolution avec saint François de Sales et V Introduction à la vie dévote. Xi précurseur, on l’a vii, ni chef d’école, car il ne visait pas à être un théoricien de la spiritualité, mais seulement à instruire, à être prédicateur de la vie chrétienne. Louis de Grenade par son éminente personnalité et la valeur de ses œuvres, a été un maître. Saint François de Sales lui doit beaucoup, ne serait-ce que son étude de la dévotion. Sans cesse on l’a copié ou l’on s’en est Inspiré. De ses œuvres des ailleurs ont extrait nombre de petits traités. D’autres

n’ont pas cru pouvoir mieux faire que de le résumer et même de le copier ad hllt mm. tel saint Pierre d’AI cantara dans son Traité de V oraison, ainsi que le saint franciscain le dit Lui-même dans la dédicace a

Rodrigo de Chavea que l’on peut lire dans l’édition « lue a Jean Blavio de Cologne, el ainsi que le prouve la comparaison de son livre et de celui de Louis <l Grenade Désormais, en effet, on ne peut nier que le Livre de l’oraison n’atl la priorité sur le Traité de l’oraison.