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LOLLARDS. LES LOI. LARDS EN ANGLETERRE


pour la Réforme luthérienne, mais si l’on se place au point de vue absolu des idées, il faut reconnaître que cette doctrine de la justification par la foi est adventice et secondaire, si bien qu’elle est rejetée ou passée sous silence par la majorité des protestants modernes qui se croient néanmoins fidèles à l’esprit de la Réforme. Wiclef aurait donc pu ne pas enseigner cette doctrine et être néanmoins un précurseur de la Réforme.

Autant qu’il est possible d’arriver sur ce point à une certitude, l’étude du règne de Henri Vif et de celui de Henri VIII jusqu’à sa rupture avec Rome nous amène à conclure que le peuple anglais, pris dans son ensemble, n’avait pas encore appris à douter des doctrines reçues dans l’Église. C’est aux sectateurs allemands et à la poignée de leurs disciples anglais que l’on doit attribuer l’introduction des germes des discordes religieuses.

Très peu de temps après que la révolte religieuse se fut établie en Allemagne, quelques signes de sérieuses tentatives pour miner la foi traditionnelle de l’Église d’Angleterre ne tardèrent pas à se manifester dans ce pays.

Roger Edgeworth, Sermons, Londres, 1557, préface, dit : « Lorsque j’étais jeune étudiant en théologie, les hérésies de Luther s’élevèrent et elles furent répandues ici dans ce royaume, et en moins de temps qu’on ne peut l’imaginer, tout le troupeau chrétien en fut si malade — la jeunesse d’abord, puis les plus anciens, les enfants faisant la leçon à leur père — que Sa Majesté le Roi et tous les clercs du royaume avaient grand’peine à arrêter ce fléau. ïls n’y purent réussir si complètement que depuis, quand ces hérétiques eurent pour appui des hommes et des femmes de grand pouvoir, une flamme n’éclatât de plus belle, comme du feu dans la paille même. »

En 1532, Thomas Morus, alors chancelier, attribuait la rapide diffusion de ce qu’il regardait, ainsi que la plupart de ses compatriotes, comme une hérésie, à l’inondation de littérature répandue sur le pays par le moyen de la presse.

En 1526, l’évêque Tunstall condamne plusieurs livres : ce sont quelques ouvrages de Luther, trois ou quatre de Tyndale, deux de Zwingle et la Supplication of Beggers ainsi que le Dyalogue betmen the Father and the Son.

En 1530, le roi défendit de lire ou de conserver quatre-vingt-cinq ouvrages de Wiclef, Luther, Œcolopande, Zwingle, Pomeranus, Bucer et Wesselius. Dans sa proclamation, Henri VIII parle de la détermination prise autrefois par la nation anglaise de garder loyalement la foi catholique et de défendre le pays contre les « misérables sectes d’hérétiques et lollards, qui, en pervertissant la sainte Écriture, introduisent des opinions erronées, sèment la sédition parmi les chrétiens, comme il est arrivé récemment dans quelques parties de l’Allemagne, où, par les entreprises séditieuses de Martin Luther et autres hérétiques, furent tués un nombre infini de chrétiens. » Par commandement du roi, la Convocation de Cantorbéry dressa une liste des livres prohibés. Dans le premier catalogue contenant trente-cinq volumes, il n’est fait mention d’aucun livre de Wiclef ; ce sont tous des livres de Luther et de ses disciples.

Tous ces faits semblent prouver que le lollardisme avait cessé d’exister quand parut la Réforme.

Les protestants se prétendent au moins les continuateurs de Wiclef au sujet de la traduction de la Bible en langue vulgaire ; il ne sera donc pas sans intérêt de citer à ce propos le témoignage de Thomas Morus : « Il n’existe aucune loi qui prohibe toute version anglaise de la Bible, cela est certain. Il y a, il est Mai, une Constitution qui traite de cette matière, mais non pas dans ce sens. Car il faut que vous sachiez que

lorsque le grand hérésiarque Wiclef prit sur lui de faire une traduction de la Bible à sa façon, il y avait longtemps que la Bible entière avait éVé traduite en anglais par des hommes vertueux et instruits, et qu’ainsi elle était lue avec profit et respect, avec dévotion et sagesse, par le bon et pieux public. Dans sa traduction, Wiclef corrompit à dessein le texte sacré, en y introduisant perfidement des paroles propres ; i établir aux yeux du lecteur les hérésies qu’il s’en allait semant partout. Ce n’était pas seulement dans le texte même de sa traduction qu’il glissait ses erreurs : c’était aussi dans certaines préfaces et gloses qu’il y ajouta ; il y donnait à ses raisonnements un tour de probabilité et de vraisemblance bien fait pour séduire les laïques et les gens peu instruits ; en un mot. il s’y prit si bien qu’il corrompit en ce temps-là beaucoup de fidèles du royaume. On vit alors quel mal faisaient au public les traductions, préfaces et gloses de Wiclef et de ceux qui l’aidèrent à grossir sa secte ; pour ce motif donc, et aussi à cause des dangers qui se présentent dès qu’on essaie de faire passer le texte de l’Écriture d’une langue dans une autre, pour ces motifs, un concile tenu à Oxford défendit sous des peines graves à qui que ce fût de traduire désormais l’Écriture en anglais ou toute autre langue de sa propre autorité en un livre, petit livre ou tract, de lire ouvertement ou secrètement ces sortes de livres faits récemment au temps du dit John Wiclef, ou depuis, ou qui seraient faits dans la suite, jusqu’à ce que la dite traduction ait été approuvée par l’évêque diocésain, ou s’il était nécessaire par le concile provincial. Telle est la loi au sujet de laquelle un si grand nombre de gens ont tant parlé, tandis que si peu s’inquiètent de savoir s ils disaient ou non la vérité. Car j’espère que vous ne voyez dans une telle loi rien de déraisonnable, puisqu’elle ne défend pas de lire les bonnes traductions qui étaient déjà faites autrefois avant l’époque de Wiclef et que, si elle condamne celle de ce novateur, c’est parce qu’elle est mauvaise et non parce qu’elle est nouvelle. De même elle ne défend pas de faire de nouvelles traductions, mais elle prend soin que celles qui seraient mal faites ne puissent être lues avant d’avoir été tout au long examinées et corrigées : hors le cas assurément où il s’agirait de factums dans le genre de ceux de Wiclef et de Tyndale où l’esprit mauvais du traducteur s’est exercé de telle façon qu’on perdrait vraiment son temps à s’essayer de les corriger. Dyalogue, English Works, éd. 1557, p. 233, 234.

C’est donc à tort que George Macaulay Trevelyaii déclare : « Nous avons preuve positive que les évêques dénoncèrent la propagation de la Bible anglaise parmi les classes et les personnes disposées à l’hérésie, en brûlèrent les exemplaires et persécutèrent cruellement les lollards pour l’avoir lue. » England in the âge of Wycliffe, p. 131.

Concluons qu’il n’y a pas de filiation immédiate entre les lollards et les tenants de la Réforme, car les premiers avaient disparu quand apparurent les seconds. Mais il y a des analogies indéniables entre les doctrines des uns et celles des autres, notamment sur les points suivants : subordination du pouvoir spirituel au pouvoir civil, lutte contre les possessions ecclésiastiques, nécessité d’une traduction populaire de la Bible et lecture de celle-ci en dehors de tout contrôle de la hiérarchie. Ces points de ressemblance, nous les reconnaissons loyalement ; mais les protestants, qui veulent se donner des ancêtres, sont tentés de les exagérer, et voilà pourquoi les anglicans appellent Wiclef l’étoile du matin de la Réforme », oubliant que l’étoile avait cessé de luire bien avant que la Réforme eût commencé.

I. Sources.

Elles seront indiquées à l’art. Wici.ef ; ou signalera simplement ici : Les toNtes publiés dans Wilkins, Concilia MagnaBritannise, t. iii, Londres, 1737.