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LOIS. LA LOI NATURELLE


inviolablement gardé l’ordre moral est la loi éternelle en tant que s’adressant aux êtres doués de volonté libre. Elle existe en puissance sans promulgation jusqu’à la création du premier homme, elle est promulguée par la loi naturelle dont elle est comme la source, comme elle l’est de toutes les autres lois qui, pour être de vraies lois, doivent se ramener à la loi éternelle.

Elle est donc : 1. la cause exemplaire de toutes les autres, la première règle sur laquelle elles se modèlent : Cum omrtia quæ divinse providentise subduntur a lege eeterna regulentur et mensurentur, Ia-IIæ, q. xci, a. 2 ;

2. leur cause efficiente. C’est Dieu qui fait les lois par l’intermédiaire du législateur : Non est enim potestas nisi a Deo ; quæ autem sunt, a Deo ordinata sunt. Rom., xiir, 1. C’est évident pour la loi divine : Dieu lui-même et lui seul la conçoit, la veut, la promulgue ; pour les lois humaines, une volonté procédant de Dieu, mais distincte de lui les conçoit, les veut, les promulgue ;

3. leur cause dirigeante, pour indiquer au législateur quelles lois doivent être faites, dans quelles circonstances : Per me reges régnant et legum conditores justa décernant. Prov., viii, 15. In temporali lege, dit saint Augustin, nihil est justum ac legitimum quod non ex hac seterna sibi homines derivarint. De libero arbitrio, t. I, c. vi, n. 15. P. L., t. xxxii, col. 1229.

Elle est donc plus que l’idée divine, exemplaire des choses à faire ou à créer ; la loi éternelle est l’ordre, ordo, des choses à gouverner, ou lui imposant la nécessité comme dans les choses matérielles, ou une obligation morale comme dans les créatures intelligentes. Supposé que Dieu n’eût point résolu de créer, il eût été nécessaire d’une nécessité spéculative que les enfants honorassent leurs parents ; le jour où l’existence du monde est décrétée, cette nécessité devient d’ordre pratique, elle est la loi éternelle (idea, exemplar ) ; elle devient tout à fait pratique le jour où il y a des parents et des enfants (loi naturelle).

Existence.

Elle est en relation avec les dogmes

de la Création dont elle dépend et de la Providence (voir ces mots) qui en est une conséquence : In Deo lex seterna non est providenlia sed providentise quasi principium. S. Thomas, De verit., q. v, a. 1, ad 6um. La Providence prévoit en détail les choses contingentes, son acte se rattache à la loi éternelle, comme le cours de la délibération et l’acte de décision se rattachent à leurs principes indémontrables : Convenienler legi œternæ attribuitur actus providentiæ ; sicut et omnis efjectus demnnstrationis principiis indemonslrabilibus altribiiitur. S. Thomas, Ibid.

Les uns admettent avec saint Thomas qu’elle est une loi véritable, qu’elle est suffisamment promulguée pour mériter ce nom : Promulgalio fil et verbo et scriplo et ulroque modo lex seterna habet promulgationem ex parte Dei promulgantis quia et Verbum divinum est œlernum et scriptura libri vitse est seterna ; sed ex parle creaturie aut inspicientis non potest esse promulgatio seterna. Ia-IIæ, q. xr.i, a. 1, ad 2

D’autres, après Suarez…, Didiot, Tanqucrey, Castclein, etc., ne consentent à y voir qu’une loi lato sensu parce que : 1. les êtres privés de raison lui sont soumis et aucune créature privée de raison n’est susceptible de recevoir une loi proprement dite ; 2. parce qu’il y manque une communauté à qui l’adresser, par conséquent la promulgation, [/adage instituuntur mm promulgantur est vrai de la loi éternelle comme des autres lois. Tanquerey ne voit dans la promulgation faite par le Verbe divin et le livr - M de toute éternité, dont parle salnl

Thomas, qu’une manière < ! < parler métaphorique. Il faut fin moins reconnaître avec Lehmkuhl, Theologiu

nu, r<i ! r.. I i, n. 280, qui’, m elle est complète dan

i Heu (causaliter), elle ne l’est pas dans

son terme (terminative) puisque ce terme n’existe pas encore et avec le P. Castelein, p. 390, qu’ « une loi réelle et effective apparaît à la raison comme un acte de gouvernement et de juridiction. Or tout gouvernement ou toute juridiction suppose des subordonnés. Donc la loi éternelle n’est devenue en Dieu loi réelle et effective que par la libre décision qu’a prise Dieu de se créer des sujets ».

III. La loi naturelle.

Notion.

Les êtres

sans raison sont régis par la loi éternelle mise en acte dans la création ; la loi naturelle ne s’adresse qu’aux êtres doués de volonté libre, c’est pour cela qu’on peut la définir avec saint Thomas : Participatio legis œternse in rationali creatura. Ia-IIæ, q. xciv, a. 2, ou plus explicitement : « l’ordonnance divine de la créature raisonnable vers sa fin dernière, gravée dans la nature humaine et aperçue par la lumière de la raison. » Elle est donc divine, puisqu’elle est voulue et promulguée directement par Dieu, mais on llappelle naturelle, en opposition à la loi positive, parce qu’elle n’est pas écrite par des lettres visibles à des yeux humains. Son nom complet serait loi divine naturelle.

Elle est vraiment une loi naturelle : 1. parce qu’elle n’impose que des choses qui sont dans la nature humaine raisonnable, commandées parce qu’elles sont bonnes en elles-mêmes, défendues parce qu’elles sont mauvaises en elles-mêmes, blasphème, mensonsonge, etc… La loi positive, comme telle, impose des actes devenus nécessaires non point à cause de la nature des choses, mais à cause de la volonté de Dieu qui les impose ; ils sont bons parce qu’ils sont commandés ; — 2. parce qu’elle est connue par la lumière intérieure de notre raison indépendamment de toute science acquise, de toute loi positive.

Pour l’analyser davantage, disons : 1. qu’elle n’est pas seulement un acte de l’intelligence divine qui voit l’ordre moral à réaliser par une volonté libre. « Dieu n’est pas seulement un docteur de moralité exposant un système moral très beau, très élevé, très avantageux. Il n’est pas seulement un prédicateur de moralité recommandant une morale sublime… Il est véritablement un auteur de moralité, auteur par création, auteur par commandement. » Didiot, Morale surnaturelle fondamentale, p. 592. — 2. Elle n’est pas la seule volonté libre de Dieu comme prétendent les nominalistes. Étant donnée la nature de l’homme tel qu’il l’avait créée, Dieu n’était plus libre de permettre ce qui est contraire à cette nature. — 3. Elle n’est pas non plus un impératif catégorique de la raison autonome, car notre raison dépend toujours de celle de Dieu qui la régit. — 4. Elle n’est pas proprement un habitus de l’âme, car Vliabitus est un principe d’action, la loi naturelle est plutôt quelque chose placé dans notre âme par la raison, aliquid per rationem constitulum, [a-Il », q. xciv, a. 1, elle est l’œuvre de la raison, elle en est un effet.

La promulgation s’est faite au moment de la création ; jusque-là, il y avait projet de loi. si l’on peut dire, mais projet ne liant personne, puisque Dieu seul existait et que Dieu ne peut pas être obligé, lié au sens rigoureux du mot. Quand Dieu créa les hommes capables de connaître la moralité, il leur notifia qu’il est la fin suprême en face de laquelle tout être créé n’est que moyen et que la fonction essentielle du moyen est de tendre ; i la lin. Cette promulgation initiale, se continue par l’acte divin créateur des Ames. et par l’acte de la génération qui produit les corps. Le moment où chaque homme, arrivant à l’usage de sa raison, reconnaît qu’il a une liii, comme il a une

cause efficiente qui est Dieu dont n dépend toujours,

lui de l’intimai ion individuelle qui applique i chacun la promulgation générale.