Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/436

Cette page n’a pas encore été corrigée

857 LOCKE. SYSTÈME DE PHILOS. RELIGIEUSE : DOMAINE DU SURNATURE L S58

mauvaises. Pour l’établir, on ne saurait, bien moins encore que dans le domaine de la spéculation, s’en rapporter à des principes gravés naturellement dans notre âme dès le début et qui serviraient de règles à notre conduite. Et cela pour la simple raison que nous ne disposons pas de pareils principes innés. Bien plus, des principes pratiques nous n’avons pas même la connaissance intuitive que nous avons des principes spéculatifs ; nous sommes obligés de nous contenter ici d’une certitude démonstrative. Voir Essai, t. I, c. ii, § 1 ; § 4. Tout ce qu’on peut dire, c’est que « la nature a mis dans tous les hommes, l’envie d’être heureux et une sorte d’aversion pour la misère ». Ibid., § 3 ; voir aussi Of Ethics in gênerai, n. 1. Mais ces tendances, qui ont de fait une influence continuelle sur toutes nos actions, sont « des inclinations de notre âme vers le bien », et non pas des principes de connaissance. Ibid., § 3. Nos connaissances pratiques, elles aussi, se terminent « à ces idées simples que nous recevons par sensation ou par réflexion et qui en font le dernier fondement ». Essai, t. II, c. xxviii, § 1 i.

Ce qui imprime à nos actions un caractère moral, c’est le rapport qu’elles ont avec une règle, appuyée sur la volonté d’un législateur ou la coutume du pays. En observant ce rapport et en jugeant si l’action lui est conforme ou non, nous obtenons la notion du bien et du mal moral. « Le bien et le mal, considéré moralement, n’est autre chose que la conformité ou l’opposition qui se trouve entre nos actions volontaires et une certaine loi i, Ibi t. § 5, à laquelle nous rapportons nos actions volontaires » comme à une pierre de touche par où nous puissions les examiner, juger de leur bonté et leur donner, en conséquence de cet examen, un certain nom qui est comme la marque du prix que nous leur assignons », ibid., § 14 : conformité et opposition qui nous attirent du bien et du mal par la volonté et la puissance du législateur ; et ce bien et ce mal qui n’est autre chose que le plaisir ou la douleur qui par la détermination du législateur accompagnent l’observation ou la violation de la loi, c’est ce que nous appelons récompense et punition. » Ibid., § 5.

Locke distingue trois sortes de ces règles ou lois morales, auxquelles les hommes rapportent généralement leurs actions et par où ils jugent si elles sont bonnes ou mauvaises ; et ces trois sortes de lois sont soutenues par trois différentes espèces de récompense ou de peine qui leur donnent de l’autorité. Ibid., § 6. Ce sont la loi divine, la loi civile et la loi d’opinion ou de réputation. Lorsque les hommes rapportent leurs actions à la première de ces lois, ils jugent par là si ce sont des péchés ou des devoirs ; en les rapportant à la seconde, ils jugent si elles sont criminelles ou innocentes, et à la troisième, si ce sont des vertus ou des vices. Ibid., § 7.

La loi divine est celle « que Dieu a prescrite aux

hommes pour régler leurs actions, soit qu’elle leur ait

été notifiée par la lumière de la nature ou par voie de

révélation ». Dieu a évidemment le droit de donner

une telle règle aux hommes puisque nous sommes ses

créatures. I « ailleurs sa bonté et sa sagesse le portent

I diriger i vers ce qu’il y a de meilleur ; et il

-il pour nous y engager par des récompenses

. punitions d’un poids et d’une durée infinie dans

mire vie. C’esl la seule pierre de touche par où

l’on peut juger do la rectitude morale, et c’est en eoin Mons à cette loi que les hommes jugent

du plus grand bien ou du plus grand mal moral qu

renfermi lire si, en qualité de devoirs ou de

il leur procurer du bonheur ou du

irl du Tout-Puissant. > Ibid. § s. « En ond lieu, la loi civile, qui est établie par la ! e pour diriger les actions de ceux qui en font

partie, est une autre règle à laquelle les hommes rap portent leurs actions pour juger si elles sont criminelles ou non. Personne ne méprise cette loi ; car les peines et les récompenses qui lui donnent du poids sont toujours prêtes et proportionnées à la puissance d’où cette loi émane, c’est-à-dire, à la force même de la société qui est engagée à défendre la vie, la liberté et les biens de ceux qui vivent conformément à ces lois et qui a le pouvoir d’ôter à ceux qui les violent la vie, la liberté ou les biens ; ce qui est le châtiment des offenses commises contre cette loi. » Ibid., § 9.

La loi d’opinion ou de réputation consiste dans l’approbation ou le mépris, l’estime ou le blâme « qui se forme par un secret et tacite consentement parmi les différentes sociétés et assemblées d’hommes, par où différentes actions sont estimées ou méprisées parmi eux selon le jugement, les maximes et les coutumes de chaque lieu. Car, quoique les hommes réunis en sociétés politiques aient résigné entre les mains du public la disposition de toutes leurs forces, en sorte qu’ils ne peuvent pas les employer contre aucun de leurs concitoyens au delà de ce qui est permis par la loi du pays, ils retiennent pourtant toujours la puissance de penser bien ou mal, d’approuver ou de désapprouver les actions de ceux avec qui ils vivent et entretiennent quelque liaison, et c’est par cette approbation, et ce désaveu qu’ils établissent parmi eux ce qu’ils veulent appeler vertu et vice. » Ibid., § 10.

Pour l’ordinaire, les hommes se tiennent bien « à la règle invariable du juste et de l’injuste qui a été établie par la loi de Dieu ; car rien dans ce monde n’assure et n’avance le bien général du genre humain d’une manière aussi directe et aussi visible que l’obéissance aux lois que Dieu a imposées à l’homme et rien, au contraire, n’y cause tant de maux et tant de désordres que la négligence de ces mêmes lois. C’est pourquoi, à moins que les hommes n’eussent renoncé tout à fait à la raison, au sens commun et à leurs propres intérêts auxquels ils s’attachent si constamment, ils ne pouvaient pas, en général, se méprendre jusqu’à ce point que de faire tomber leur estime et leur mépris sur ce qui ne le mérite pas réellement. » Essai, I. ii, c. xxviii,

SU.

C’est ainsi que Locke demande à la raison d’établir par ses seuls moyens les éléments de la religion et de la morale naturelles.

IV. Système de philosophie religieuse : domaine du surnaturel. — 1° Théorie de la révélation.

— La préoccupation de soustraire la connaissance naturelle à toute illumination divine n’empêche pas Locke de reconnaître la révélation au sens proprement dit de connaissance surnaturelle qui vient directement de Dieu. Mais il s’applique à soumettre cette connaissance au contrôle de la raison.

Car il faut tout d’abord avoir une assurance bien fondée du fait de la révélation. Pour la « révélation originale », c’est-à-dire « la première impression qui est faite immédiatement par le doigt de Dieu sur l’esprit d’un homme », il n’y a pas de difficulté : elle est accompagnée, comme on le voit dans l’Écriture pour les prophètes, d’attestations telles que son origine divine est mise hors de doute. Elle ne saurait cependant surpasser la certitude de notre connaissance naturelle telle que celle de notre propre raison. D’où il suit qu’on ne saurait jamais avoir aucun motif d’écarter la i i sous prétexte de communication surnaturelle.

plus forte, raison en est-il ainsi dans le cas d’une révélation médiate, ce que Locke appelle tradttional révélation. Ici, la raison doit tout d’abord intervenir pour s’assurer de l’origine divine de la révélation. Les

mirai > peuvent servir de ici i re de créance

aux envoyés de I)leu. Mais le vrai miracle, à son to ir, a besoin d’une marque d’authenticité, il la possède dans