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8Il LITURGIE. LES LIVRES LITURGIQUES, LEUR DEGRÉ D’AUTORITÉ 812

donnent une idée des croyances de l’Église gallicane sur un certain nombre de points.

2. Liturgies celtiques.

On range sous cette dénomination un certain nombre de documents qui représentent une liturgie suivie parles Celtes chrétiens soit en Irlande, soit en Grande-Bretagne, soit dans les autres pays où les entraîna leur humeur voyageuse. Le pluriel est employé ici parce que toutes les Églises celtiques ne possédèrent pas, au Moyen Age, une liturgie identique.

Les principaux représentants de ces liturgies sont : le Missel de Bobbio (voir col. 810) qui contient, quoi que l’on pense de ses origines, des éléments irlandais en assez grand nombre ; le Missel de Stowe ; V Antiphonaire de Bangoi ; des hymnaires et différents livres de dévotion privée. Il existe, en outre, un certain nombre de fragments de moindre importance que l’on trouvera signalés dans l’article Celtiques (Liturgies) du Dict. d’archéol., t. ii, col. 2969 sq., et qui ont été édités soit par F.-E. Warren, The liturgy and ritual of the Celtic Church, Oxford, 1881, soit par H. Bannister, par Mac Carthy, Warner et d’autres (même article).

Quoique le Book of Cerne ne soit qu’un livre de dévotion privée, nous pouvons l’ajouter à ces documents parce qu’il renferme quelques prières de la liturgie officielle et, en tout cas, il nous donne une juste idée de la piété celtique.

Il est assez difficile, avec des éléments aussi incomplets, de reconstituer la « liturgie celtique » et plus encore de nous rendre compte de la théologie qu’elle représente. Les fragments que nous avons étudiés sont assez peu originaux ; on y retrouve la trace de la liturgie romaine, des liturgies gallicane et mozarabe et même des liturgies orientales. Ce qui est spécifiquement celtique se réduit à quelques formules de bénédiction ou d’exorcisme, à des litanies, à des apologies ou confessions, à quelques hymnes.

La thèse, soutenue par des théologiens anglicans, qui prétendait reconnaître dans cette liturgie ses origines orientales, la rattacher à Éphèse et à saint Jean, en faisait une liturgie éphésienne par opposition à une liturgie pétrine, est désormais discréditée. Il est bien impossible de savoir quelle fut la liturgie d’Éphèse ou de saint Jean, et les formules et les rites des liturgies celtiques, tels que nous les connaissons, ne sauraient être antérieurs auïve siècle ; en tout cas, ils sont plutôt latins qu’orientaux dans l’ensemble. L’opinion qui présente les Celtes chrétiens comme des séparatistes, opposés à Rome, à tout le moins indépendants au point de vue doctrinal de toute influence romaine, est plutôt contredite par les caractères des liturgies celtiques si pénétrées au contraire d’éléments romains.

Pour la liturgie des Anglo-Saxons, qui est la liturgie romaine, voir notre article Bretagne (Grande-), Liturgie, dans Dict. d’archéol., t. ii, col. 1229-1245.

3. La liturgie mozarabe.

Elle fut en usage chez les Wisigoths chrétiens et les chrétiens espagnols depuis le vie siècle environ jusqu’au temps d’Alexandre II et de Grégoire VII, qui la supprimèrent pour lui substituer la liturgie romaine. Ximénès remit cette liturgie en usage et fit éditer un missel et un bréviaire mozarabe (réédités dans Migne, P. L., t. lxxxv, avec les savantes notes de Lesley). Mais ces livres inspirent quelques doutes à cause des retouches qu’ils ont pu subir, aussi faut-il leur préférer certains textes anciens qui ont été plus récemment publiés, tels : le Liber comicus, le Liber Ordinum, le Liber mozarabicus ; le Libellus orationum peut être cité aussi à cette place.

Le Cornes ou Liber comicus contient les leçons’de la Messe avec des rubriques intéressantes. Il a été publié par dom Germain Morin, dans Anecdota Maredsolana, 1. 1.

Le Liber ordinum, publié par dom Férotin sur un ms. de Silos de 1052 dans nos Monumenla liturgica, 1904, t. v, peut être considéré à la fois comme un pontifical, un rituel et un missel.

Le Liber mozarabicus, publié aussi par dom Férotin dans nos Monumenla liturgica, 1912, t. vi, est en réalité le sacramentaire mozarabe, le Liber sacramentorum de Tolède. Ces deux documents sont de la plus haute importance et nous fournissent pour l’étude de cette liturgie les matériaux les plus riches et les plus abondants.

Le Libellus orationum, publié par Bianchini dans son édition des œuvres de Tommasi dont le premier volume, en deux tomes, a seul paru, Rome, 1741, in-fol., contient une série d’oraisons pour l’office des fêtes et des fériés de l’année qui sont d’une doctrine très riche et complètent la synthèse théologique qui se présente à nous dans le Liber ordinum et le Liber mozarabicus. La plupart de ces oraisons sont adressées au Fils. Nous n’en donnerons qu’un seul exemple, oratio in die apparitionis Domini (Epiphanie) : A et <o, initium et finis, Deus et homo, infinitus et preefmitus ; in quo et principium Deitatis, et ullimum sentitur humanitas : excedens omnia, viuificans cuncla, et continens universa ; miserere nobis, qui dignatus es nasci pro nobis, dum in te permanes et nobis appares : dum in te subsistis et nobis subvenis ; dum nunquam a Pâtre potentialiter dees, et ad salvandos miseros clementialiter ades : dum cœlestia reples, et terrena non deseris, perfice in nobis, quæsumus, benefitium piissimi redemptoris, dum conservas gloriam inestimabilis Conditoris : ut pietate, qua redemtor adsistis, indultor quoque criminum senliaris. Loc. cit., p. 47.

La discussion au sujet de l’orthodoxie de la liturgie mozarabe est encore à l’ordre du jour. Au viiie siècle, les adoptianistes, et à leur tête Élipand de Tolède, prétendirent appuyer leur erreur sur des textes de cette liturgie. Dans sa lettre à Albinus (Alcuin), de 793, Élipand cite plusieurs passages où il retrouve les termes adoptio, adoptivus. P. L., t. xcvi, col. 870-880 ; cf. aussi Monumenta Germanise historica, Epistolæ. t. iv, p. 301-308. Alcuin et les évêques francs s’efforcèrent de démontrer que ces textes étaient mal compris. Mais il faut noter soigneusement le témoignage que ces évêques, et en particulier Alcuin. rendent par deux fois, à ce propos, à la liturgie romaine. Les Pères du concile de Francfort, en 794. disent aux Espagnols : Et si Ildejonsus vester in orationibus suis Christum adoptivum nominavit, noster vero Gregorius, Pontifez romanæ Sedis, et clarissimu* toto orbe doctor, in suis orationibus semper eum unigenitum nominare non dubilavit. Labbe, t. vii, p. 1034. Et Alcuin : Nos enim romana plus auctoritate quam hispana, veritate adsertionis et fidei nostræ fulciri desideramus… Romana igitur Ecclesia quæ a catholicis et recle credentibus sequenda esse probatur, se per verum Filium Dei et in missarum solemniis, et in cœleris quoque omnibus scriptis suis, vel in cpislolis fateri solet, etc. Contra Felicem Urgelitanum, t. VII, P. L., t. ci, col. 226, 227. Voir sur cette question les art, Adoptianisme, 1. 1, col. 403 sq. : Élipand de Tolède, t. iv, col. 2333 et l’étude de M. P. Vuillermet, Élipand de Tolède, étude de théologie historique, 1911. L’éditeur du Liber ordinum et du Liber mozarabicus, qui nous a rendu un si grand service en nous permettant de juger cette liturgie sur des textes authentiques, se prononce énergiquement en faveur de son orthodoxie. « Les théologiens y (dans les textes édités) chercheront, dit-il, l’expression authentique et officielle des croyances de l’antique Église d’Espagne. En dépit du témoignage intéressé de quelques hérétiques et de plus d’un catholique trompé par leurs affirmations ou en quête d’arguments pour expliquer la