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LITURGIE. LES LIVRES LITURGIQUES, LEUR DEGRÉ D’AUTORITÉ


de sa Liturgia romana vêtus, Rome, 1716, puis dans Migne, P. L., t. lv, et plus récemment par Feltoc, Sacramentum leonianum, Cambridge, 1896. On l’a attribué à saint Léon, à Gélase, à d’autres papes., etc. On a discuté aussi sur sa date. Mgr Duchesne croit pouvoir établir qu’il fut écrit à Rome, pendant le siège de Vitigès, 537-538, Origines du culte chrétien, 4e édit., p. 139 ; mais cette date nous paraît trop basse, au moins pour l’ensemble du sacramentaire.

Ce qui est certain, c’est qu’il est d’origine romaine, qu’il n’est pas inférieur en date au vie siècle, qu’il est par conséquent antérieur au gélasien et au grégorien, au moins sous leur forme actuelle, il n’y a pas beaucoup d’ordre dans sa rédaction. On se demande même s’il faut y voir un livre liturgique proprement dit et si l’on s’en servit jamais^dans le service divin. Il semble plutôt que ce fut un recueil dans lequel l’auteur a réuni un certain nombre de formules liturgiques pour en faire usage dans des circonstances données. Ces remarques sur l’origine de ce sacramentaire seraient plutôt de nature à diminuer son autorité en lui enlevant tout caractère officiel. La personnalité de l’auteur, qui fut très probablement un pape, se trahit parfois de la façon la plus vive et la plus pittoresque dans certaines préfaces où il se défend contre ses adversaires et les attaque sans ménagement. Mais ceci ne doit pas nous faire méconnaître l’intérêt dogmatique que présente ce recueil. Il est de premier ordre. On y trouve des préfaces, des collectes ou autres oraisons, qui s’expriment dans les termes les plus précis sur la Trinité, sur les attributs de Dieu, sur l’incarnation et la rédemption, sur la grâce, sur la vie surnaturelle, sur le culte de la sainte Vierge, 1 sur celui des saints (martyrs et confesseurs), sur la procession du Saint-Esprit et son habitation dans l’âme des justes, sur l’unité de l’Église, sa catholicité, son infaillibilité, sur la primauté du pape, sur la communion des saints, etc.

Nous ne citerons comme exemple que cette collecte bien connue pour la fête des martyrs Pasteur, Basile, Jovien, etc., qui est devenue dans notre missel la bénédiction de l’eau :

Deus qui humanse substantiæ dignitatem et mirabiliter condidisti et mirabilius reformasti da quæsumus nobis (Jesu Christi Filii tui) ejus divinitatis esse consortes qui humanitatis nostrse fleri dignaius es particeps, Feltoe, p. 159.

Et cette autre, moins connue, pour les Quatre-temps de décembre :

Prœsta quæsumus Domine Deus noster sacramentum hoc in Ecclesiis indiffidenter (Mur. et Bail, indifferenter) intellegi ut unus Christus in Dei atque hominis veritate nec a nostra divisus natura nec a tua discretus adoreiur essentiel, ib., p. 171, ligne 25.

Que d’autres on pourrait~citer d’une expression aussi exacte et d’une théologie aussi profonde !

Une autre considération, qui est de nature à donner par une sorte de jus postliminii un plus grand crédit à ce sacramentaire, c’est qu’une bonne partie de ses formules ont été reprises’par la liturgie’romaine et se trouvent aujourd’hui dans le missel ou le pontifical, par exemple plusieurs préfaces d’ordination, consécration des vierges, etc. Le relevé de ces comparaisons est donné dans Feltoe.

On peut consulter encore sur le léonien, outre les Ballerini, Muratori et Feltoe, G. Acami, Dell’antichilà, tuitoree pregi del særamentariu Veronese…, Rome, 1748 ; L. Delisle, Mémoire sur d’anciens sacramentaires, 1886, p. 65 ; A. Ebner, Quellen und Forschnngen zur Missale Romanum, Fribourg-en-B., 1896, p. 286 ; Lejay, Chronique de littérature clirétienne, dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1897, t. ii, p. 190-192 ; F. Probst, Die attestai rômischen Sacramentarien und Ordines, Muns ter, 1892, p. 46-143 ; Dufourcq, De manichéisme apud

tatinos, Paris, 1900 ; Martin Rule, Journal o/ Iheologirut Sludies, juillet et oct. 1908.

2. Le sacramentaire gélasien.

Ce sacramentaire attribué à Gélase, qui fut pape de 492 à 496, existe dans un certain nombre de manuscrits dont les principaux sont ceux du Vatican, Reg. 116, de la Bibliothèque nationale de Paris, Latins 8J6 (sacramentaire d’Angoulême) et 12 048 (sacramentaire de Gellone) ; il a été édité par Tommasi, Opéra, édit. Vezzosi, Rome, 1751 ; Muratori, Liturgia romana velus, Venise. 1748. t. i ; Gerbert, Monumenla veteris liturgies Alemanniese, Saint-Biaise, 1777 ; ’Wilson, The gelasian sacramentary, Oxford, 1894 ; Cagin, Le sacramentaire gélasien d’Angoulême, 1920, Angoulême. La publication de ce dernier manuscrit, l’existence du manuscrit de Gellone et d’autres manuscrits ou fragments signalés rendraient possible et désirable une édition critique du gélasien.

Selon Mgr Duchesne, dont l’opinion a prévalu quelque temps, l’original romain du gélasien devrait se placer entre 628 et 731, Origines du culte chrétien. 4e édit., p. 131 sq. Il ne faut pas hésiter à dire qu’énoncée en ces termes, cette opinion est erronée. Il est vrai que le sacramentaire gélasien n’est pas pur et qu’il a reçu des additions aux vie, viie et même viiie siècles, et que les mss. que nous avons cités ne remontent pas au delà du ixe -vnie siècle. Mais l’attribution de la partie principale du sacramentaire à Gélase, fin du ve siècle, reste vraisemblable ; c’est l’opinion des plus sérieux liturgistes, Bishop, Probst, dom WilmarL dom Morin, dom Cagin, Grisar, Callevært, sans parler des anciens liturgistes Tommasi, Muratori, Lebrun, Martène, etc.

Le sacramentaire gélasien peut être considéré comme un livre officiel de l’Église romaine ; il a été en usage en Italie, dans les Gaules, en Angleterre et ailleurs, voir Bishop, Liturgica historica, Oxford, 1918. p. 47 sq, et notre article Gélasien (Sacramentaire), dans Dict. d’archéol., t. vi, col. 757. A ce point de vue. son autorité est encore supérieure à celle du léonien. Du reste, nous dirons tout à l’heure que le sacramentaire grégorien et, par suite, le missel romain actuel sont des compilations liturgiques dont presque tous les matériaux sont tirés du gélasien. Cependant, il faut se rappeler que, quoi que l’on pense de son origine, le sacramentaire gélasien et tous les mss. que nous avons, ont reçu des additions gallicanes. Ceci est sensible, surtout dans l’office des morts, et c’est sans doute la raison pour laquelle, tandis que la doctrine de la rétribution immédiate des âmes est proclamée dans plusieurs passages, quelques expressions semblent favoriser l’opinion de la rétribution tardive qui est une erreur des liturgies gallicanes. Voir notamment dans l’édition de Tommasi, p. 216, 217, 218, 225. 228.

Mais, d’ordinaire, la doctrine théologique est très pure et très élevée. Citons cette secrète de la vigile de la Nativité : ut sicut homo genitus idem præjulsit et Deus, sic nobis hsec terrena subslantia conférât quod divinum est… Thomasii opéra, t. vi, p. 4.

On ne peut qu’admirer aussi sa doctrine sur la Trinité, sur l’incarnation, sur le Saint-Esprit, sur la circumincession (loc. cit., p. 94), sur la Providence, sur les sacrements (notamment le baptême, l’ordre et la pénitence), sur la justification, l’adoption divine, sur la grâce, la vocation des gentils, l’universalité du salut (on a pu employer plusieurs de ces textes contre le jansénisme), sur les privilèges de Marie, le culte des anges et leur rôle sur la terre, sur les fins dernières et le purgatoire, sur l’intercession des saints et la communion des saints, sur l’Église, sur la primauté du pape. Les doctrines sur l’eucharistie et la transsubstantiation sont si clairement enseignées dans cer-