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LIMBES. EXISTENCE DES LIMBES


3° Les théologiens se chargeraient par la suite de tirer les conséquences que renfermaient les principes posés.

Saint Anselme, en plaçant l’essence du péché originel dans la privation de la justice primitive, posait dus rd un principe fécond d’où l’on devait logiquement déduire un jour la conception purement privative des conséquences de la faute originelle.

Le grand théologien ne semble point pourtant avoir tiré lui-même la conclusion de ses principes. Sur le problème du sort des enfants morts sans baptême, il reste augustinien et ne connaît point les limbes. In hoc tamen similis et personalis et originalis peccali damnatio quia nullus admittitur ad regnum Dei, nisi per mortem Christi… quamvis non omnes pariler in inferno torqueri mereantur. Nam posl diem judicii nullus erit angélus aut homo nisi aut in regno Dei, aut in inferno. De concept, virg., c. xxiii, P. L., t. clviii, col. 457.

La logique de la conception anselmienne du péché originel et sans doute la lecture des ouvrages du grand archevêque, amenèrent Abélard à déduire les conséquences qui dérivent naturellement des principes posés : t La peine des enfants, morts sans baptême, dit-il, nous est présentée par saint Augustin dans VEnchiridion comme très douce. J’estime que cette peine ne consiste pas en autre chose, qu’en ce qu’ils souffrent les ténèbres ; c’est-à-dire en ce qu’ils sont privés de la vision de la majesté divine, sans aucun espoir de récupérer cette vision. C’est, si je ne me trompe, ce tourment de la conscience que le bienheureux Augustin a désigné sous le nom de feu perpétuel. » Expositio in Ep. ad Romanes, ii, 5, P. L., t. clxxviii, col. 870. Abélard fausse la pensée de saint Augustin en interprétant au sens métaphorique ce que le docteur d’Hippone avait entendu au sens littéral, mais il reste qu’il conduit à ses conséquences légitimes la notion anselmienne du péché originel plus conforme aux exigences de la justice divine, en continuité d’ailleurs avec la tradition des pères grecs.

Par l’école d’Abélard, la doctrine dérivée de saint Anselme se répandit peu à peu. Pierre Lombard s’en fait l’écho dans les sentences, t. II, dist. XXXUI, n. 5. « Les petits enfants ne souffriront d’autre peine, en fait de feu matériel ou de ver de la conscience, que d’être privés pour toujours de la vision de Dieu. »

Dans une phrase d’une lettre écrite à l’archevêque d’Arles, Epist., ix, 5, qui a été insérée au Corpus Juris, Décrétâtes dreg. IX, t. III, tit. xui, c. 3, Innocent III déclare que le péché actuel est puni par les tourments de l’enfer et que la peine de la faute originelle c’est la privation de la vision de Dieu. Pœna originalis peccati est carentia visionis Dei. La distinction des peines du péché originel et du péché actuel, entrevue déjà par Grégoire le < rand, postulée par la conception de saint Anselme, proposée par Abélard, si nettement afïirmé e par Pautorité d’Innocent III impliquait la distinctio n des états et, p. riant, des lieux des âmes coupables seul péché originel, ou de péchés actuels. — Guillaume d’Auvergne, dans la première moitié du xin » siècle tira cette conséquence : Collocati sunt.. in loco qui nrc sit pœnæ actualis, nec glorise. De Univcrso, la II. t i, p. 684.

Le même dans le texte cité plus haut, déclare que les pet ils enfants ne sont pas dignes des limbes des patriar. Albert le Grand, lui aussi, enseignera l’existence du limbus puerorum, voir col., < I

rit Thomas, en conformité avec la conception Inel, i en partant du principe de Justice nettement perçu que la peine du péché doit tement proportionnée i ta nature, a affirmé pour les enfanta morts sans baptême l’existence d’un état et d’un lieu pé< lai dans lequel 1 1 1 enfant Ivront sans doute privés de la vie éternelle, séparés de Dieu

quant à l’union qui procure la gloire, mais unis à lui par la participation aux biens naturels. In 7/ » m Sent., dist. XXXIII, q. xi, a. 2, et dist. XLV, q. i, a. 2 ; De malo, v, 2. L’opinion de saint Thomas devint celle des générations suivantes et Lessius. en l’exposant, pouvait se donner à bon droit comme l’interprète de ses contemporains et le continuateur des scolastiques, De perfectionibus moribusque divinis, t. XIII, c. xxii, n » 145, p. 433, édit. Roh, 1861.

On objecte à cette doctrine la profession de foi qui fut proposée par le pape Clément IV en 1267 à la signature de Michel Paléologue, acceptée ensuite par celui-ci au IIe concile œcuménique de Lyon et textuellement reproduite au concile de Florence en 1439 :

Illorum animas qui in Les âmes de ceux qui

mortali peccato vel cum solo meurent en état de péché

originali decedunt, mox in mortel ou avec le seul péché

infernum descendere peenis originel descendent sans re tamen disparibus puniendas. tard en enter, pour y être

Denzinger-B., Enchiridion, punies de peines qui seront

n. 464. d’ailleurs inégales.

Cette profession de foi, d’après Petau, De Deo, t. IX, c. xi, Opéra, t. ii, p. 117, ferait de l’enfer des damnés avec ses flammes le séjour commun aussi bien de ceux qui meurent en état de péché mortel, que de ceux qui meurent en état de péché originel. De cette profession de foi, Petau conclut : Horum autem pœnæ sunt combuslio ignis, ut Augustinus… Ut igitur quamvis eorum qui in lethali culpa pereunt dissimile sit in eadem concremalione supplicium, una est tamen cruciantium pœna flammarum. ita parvuli inœquali quidem flammarum cruciatu torquentur, sed torquentur tamen. Nam disparitas pœnarum earum naturam et qualitatem non tollit. On le voit, Petau, impressionné par la tradition augustinienne, commente à la lumière du docteur d’Hippone le concile de Florence et conclut qu’il n’y a aux yeux du concile qu’une différence de degrés entre la peine des damnés et celle des enfants privés du baptême. L’exégèse que fait Petau des textes augustiniens est juste, mais n’a-t-il pas tort d’interpréter à leur lumière un document du xine siècle. Pour saisir la pensée de Clément IV et des conciles de Lyon et de Florence, il faut éclairer cette pensée à la lumière de celle de l’époque. Le pape se représentait sans doute le sort des enfants morts sans baptême comme on se le représentait de son temps. En 1267, la théorie de saint Thomas était à peine connue à Rome ; mais, quoi qu’il en soit, la croyance générale depuis longtemps ne plaçait plus les enfants dans les flammes ; la croyance commune était celle de Pierre Lombard, d’Innocent III, d’Alexandre de Halès qui, en distinguant nettement la peine du péché originel et celle du péché actuel, excluait les enfants de la vision béatifique, mais les regardait comme exempts du feu de l’enfer. C’est la croyance sans doute enregistrée dans le formulaire de 1267. Conformément à cette pensée, le pape et le concile de Lyon, à plus forte raison le concile de Florence, par les mots disparibus pœnis, indique.it une différence d’espèce, non de degrés, entre les peines subies par les enfants et les adultes coupables.

En employant l’expression (n infernum descendes, le concile laisse sans réponse précise la question de la localisation de ceux qui meurent avec le seul péché originel.

Il n’affirme nullement la communauté complète de leur séjour avec les damnés. Le mot in/ernus a pour lui unification large qu’il a pour les théologiens de L’époque : celle d’un lieu oppi I qui se trouve

dans une situation Inférieure : i nous et où descendent tous ceux qui sont exclus soit temporairement (limbes

des patriarches) soit éternellement du dei.

D’ailleurs, les préoccupations du pape et du concile

ne V01 t pas ; i la question des lui, documents