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LIKHOUDÈS (LES FRÈRES) — LIMBES

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grecque développée, et y compilent un arsenal polémique contre les protestants. En 1706, un nouvel oukase les relègue dans un monastère de Novgorod, sous la surveillance du métropolite Job. Celui-ci a le bon esprit d’utiliser leur compétence, et leur confie une école, qui devient prospère, Le tsar lui-même leur demande des traductions d’ouvrages latins sur les sciences et l’art militaire. Dès 1707, Sophrone est rappelé à Moscou pour s’occuper de l’imprimerie impériale. Joannice reste à Novgorod jusqu’en 1716, époque où il rejoint son frère, et l’aide à corriger la traduction slavonne de la Bible. En cette même année, les deux frères unissent leur protestation à celle des théologiens moscovites contre l’élévation à l’épiscopat de Théophane Prokopovitch, imbu de doctrines protestantes. L’année suivante, Joannice mourut, et Sophrone fut appelé de nouveau à professer à l’Académie slavo-latine. Il occupa ce poste jusqu’en 1722. En 1723, il fut nommé archimandrite du monastère Solotchina, dans le diocèse de Riazan. Mais les moines reçurent fort mal ce vieillard impotent, et firent si bien qu’ils lui rendirent la vie impossible. Il s’enfuit à Moscou, en 1729, et on l’envoya mourir au monastère de Novospassky (1730).

II. Ouvrages.

Les Likhoudès furent avant tout des polémistes. Ils bataillèrent à la fois contre le catholicisme, contre le protestantisme et contre le Raskol russe.

Contre le catholicisme, ils composèrent deux ouvrages principaux. Le premier a trait à la controverse sur l’épiclèse, et porte, en grec, le titre suivant : "Axoç àvTiTaTTÔ|i.svov toïç io66Xoiç SrjYjxaCTi toû ôçeoç TCpôç xoivrjv côcpéXeiav xat 0epa7reÊav tûv [xy] opfioçpovoôvTOv èv ty) èxTeXéaci toû [xuaTrjpîou tyjç Eù^apiarlaç. C’est un dialogue entre le maître et le disciple. Des 21 demandes et réponses qui le constituent, les trois premières regardent les sacrements en général et leur efficacité, les cinq suivantes, l’eucharistie, les IX-XI, les paroles du Seigneur, les XII-XVII, l’étude de la tradition sur la forme de l’eucharistie. Les quatre dernières questions se rapportent au baptême. D’abord écrit en grec entre les années 16851687, l’ouvrage fut traduit en slave. Il est resté inédit. Le second écrit antilatin, dû spécialement à la plume de Sophrone, date de 1690. Il est intitulé : Dialogues entre un professeur grec et un jésuite, ou encore : Glaive spirituel (slave). C’est une série de vingt et un dialogues sur les divergences entre l’Église gréco-russe et l’Eglise catholique. Le tout a été imprimé dans la Revue de l’Académie ecclésiastique de Kazan, le Pravolavng Sobecièdnik (années 1866-1867).

Contre les protestants, luthériens et calvinistes, les Likhoudès ont laissé : 1° un ouvrage intitulé : L’hérésie luthérienne (entre 1698 et 1704), où sont signalées dix-neuf divergences dogmatiques ou rituelles entre l’orthodoxie russe et le luthéranisme. D. Tsviétæv a inséré cet écrit dans ses Monuments relatifs à l’histoire du protestantisme en Russie, Moscou, 1888. — 2° Un Discours sur la prédestination, prononcé pendant le carême de 1701. — 3° Une longue compilation de 486 feuilles, contre les luthériens et les calvinistes, visant spécialement le Catéchisme de Joachim Kameraria, les Mémoires de Joachim Perker et la Métaphysique de Jean Makkobius. Composée pendant le séjour au monastère d’Ipatiev, cette compilation n’a pas eu et ne méritait guère les honneurs de l’imprimerie. 4° Une Lettre à Pierre le Grand sur les hérésies de Luther et de Calvin, publiée dans le Slrannik, en 1861.

Au seul Sophrone appartient un écrit contre le Raskol russe, qui porte le titre bizarre de : Collyre contre la terrible maladie de l’ophtalmie capitonique, 1717. Ouvrage resté manuscrit.

Signalons encore, comme ayant quelque rapport

avec la théologie, le farrago littéraire de Joannice, composé à Novgorod, en 1708, sous le titre : Discours solennel sur la Sagesse de Dieu. Il y est question à la fois du mystère de l’Incarnation et de l’église Sainte-Sophie de Constantinople.

Nous ne parlerons ni des œuvres oratoires, ni des œuvres didactiques des Likhoudès. Elles ne présentent rien de remarquable, et n’intéressent pas, d’ailleurs, la théologie. Nos deux Grecs rendirent aux Russes plus d’un service pour la correction des livres liturgiques, la traduction slavonne de la Bible, l’édition slave de la Confession orthodoxe de Pierre Moghila, publiée à Moscou, en 1696. Leur influence dans le domaine religieux fut incontestable, mais elle ne fut pas heureuse. Elle contribua à entretenir parmi le clergé russe l’esprit polémique byzantin. Alors que les théologiens de Kievarrivaient à diminuer le nombre des divergences dogmatiques entre l’Église catholique et l’Église orientale par leur enseignement sur la forme de l’eucharistie, sur le purgatoire et sur l’Immaculée conception, les Likhoudès survinrent fort mal à propos pour remettre les Moscovites sur les vieux sentiers de la polémique antilatine de Byzance.

L’ouvrage capital sur la vie et l’activité théologique des frères Likhoudès est la monographie du russe Michel Smentsovsky : Les frères Likhoudès, Saint Pétersbourg, 1899. L’auteur a donné un bon résumé de son travail dans le Dictionnaire biographique russe publié par la Société impériale d’histoire, art. Likhoudès, Saint-Pétersbourg, 1914, t. xii, p. 499-510. Voir aussi les articles du Dictionnaire encyclopédique de Brokhaus-Ephron, Saint-Pétersbourg, 1897, t. xvii, p. 857-858, et de la Grande Encyclopédie, t. xii, p. 254-255. On trouvera dans la monographie de Smentsovsky un index complet des travaux russes et grecs sur nos deux théologiens jusqu’à 1889. Parmi les sources grecques, il faut signaler l’article de Lascaris dans le t. n de la revue’E).Xv.xô ; cpc).o), Ciyc-xo ; EiiXXoY, o<, 1864, p. 24-44 ; la notice de C. Sathas dans sa NeosVAïjvtxT] ptXo) oyla, Athènes, 1868, p. 358-371 ; le travail de Chr. A. Papadopoulos, dans la revue NÉa Stajv, 1907, t. v, p. 4-16, sous le titre : Ol -arptâp>ai’IcpocroX’jfjLiov ùtçnvBvtxaxixol’^eipayinfoixf^ PoiTTia :. xarà xbv i*’auûva. La part que les frères Likhoudès prirent à la controverse sur l’épiclèse entre théologiens di Kiev et théologiens moscovites est racontée dans l’ouvrage de G. Mirkovitch : Sur le moment de la transsubstantiation des saints dons, Vilna, 1886. Leur polémique contre les protestants est étudiée par Izviekow dans la Revue Pravoslavnoie Obozrénie, 1872, t. i, p. 731-770. Leur doctrine et leur influence littéraires à l’Académie naissante de Moscou ont été examinées par Smielovsky et Obraztov dans la Revue du Ministère de V Instruction publique de Pétersbourg, 1845, t. xi.v, p. 31-96 ; 1867, t. cxxxv, p. 735-753. Certains opuscules des Likhoudès et quelques documents les concernant ont été pubiés par Smentzovsky dans un supplément k son étude sous le titre : Alatériauxecclésiastico-historiques : Compléments à la dissertation sur les frères Likhoudès, Saint-Pétersbourg, 1899.

M. Jugie.

    1. LIMBES##


LIMBES. — Ce mot désigne le séjour des âmes qui, n’ayant pas mérité l’enfer proprement dit, ou bien ne pouvaient, avant la rédemption, entrer dans le ciel, limbus patrum, ou bien en sont exclus éternellement par le fait du seul péché originel, non effacé, limbus pucrorum.

I. Le mot.

Le mot de limbes vient du mot limbus qui signifie en latin « bordure d’un vêtement, zone ». Ce mot ne se lit ni dans l’Écriture, ni dans les anciens Pères : pour désigner, d’une façon générale, le séjour des âmes, qui ne sont point au ciel, on employait le mot inferi ou infernus. Voir dans ce sens le symbole romain : descendit ad inferos. Plus spécialement, pour désigner le séjour où les âmes des justes jouissaient du repos en attendant le bonheur du ciel, les contemporains de Notre-Seigneur et les anciens Pères employaient l’expression métaphorique de.sein d’Abraham. Sur le sein d’Abraham désignant les limbes des-