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    1. LIEUX THÉOLOGIQUES##


LIEUX THÉOLOGIQUES. ESSAI DE SYSTÉMATISATION » 46

S’il s’agit par exemple d’une question surnaturelle démontrable nécessairement, nous aurons :

a) Un lieu commun théologique universel, par exemple le lieu cité : Ce qui est contenu dans le dépôt même de la révélation présente un principe de solution nécessaire pour cette question.

b) Un lieu commun dérivé, mais encore de caractère très général, par exemple : Ce qui est contenu dans la Sainte Écriture constitue unprincipe de solution nécessaire pour les questions théologiques surnaturelles.

c) Un lieu commun dérivé du précédent, et le spécialisant, par exemple : les propositions de l’Écriture canonique, dont le sens littéral explicite ne fait pas de doute, par elles-mêmes et sans déclaration de l’Église, sont des principes de solution nécessaires pour les questions théologiques surnaturelles. Cf. art. cit., p. 486.

Ce sont là les lieux théologiques, propositions générales, comparables aux propositions générales hiérarchisées qui constituent les lieux dialectiques. Et.comme on le voit, le premier fonde de haut la vérité du second, et celui-ci du troisième, en sorte que, lorsque le troisième entre en exercice, c’est sous l’influence virtuelle des deux premiers — toujours comme dans les Topiques, art. cit., p. 70. Nous sommes loin des sedes et notæ argumentorum de Cicéron.

4 « Parvenu à ce point extrême, où la division du lieu théologique universel a donné tous ses résultats, il n’y a plus qu’à subsumer le principe particulier, duquel on espère la solution immédiate de la question particulière en vue.

Soit la première des questions soulevées, à titre de modèle de discussion, par Cano, De locis, t. XII, c. xii : Ulrum in lege nova vere mine et preprie sit sacrificium ? Arrêtons-nous à son second argument principal, le texte de saint Luc : Accepto pane gratias egit et f régit et dédit eis dicens : Hoc est corpus meum, quod pro vobis datur, hoc facite in meam commemoralionem. Similiter et calicem, etc. Cano voit dans ce texte un argument évident en faveur de l’affirmative, aperlissimum testimonium, et il le prouve. Il est clair que ce texte, pour Cano, trouve sa justification dans le lieu concernant le sens littéral explicite, qui est le troisième lieu cité plus haut. Voici, dans toute.sa membrure, la suite de l’opération que suppose l’argumentation de Cano :

Lieu commun servant de majeure : Les propositions de l’Écriture canonique dont le sens littéral explicite ne fait pas de doute sont aptes, par elles-mêmes et sans déclaration de l’Église, à fournir des principes de solution nécessitants pour les questions surnaturelles :

Mineure : Or le texte : Accepto pane, etc. exprime littéralement et explicitement l’institution d’un sacrifice véritable et proprement dit dans la loi nouvelle ;

Conclusion : Donc ce texte, par lui-même et sans déclaration de l’Église, est un principe de solutions nécessitant pour la question surnaturelle du sacrifice de la messe. Cf. art. cit.. p. 485.

Ce texte donc, sous la pression des trois majeures qui fondent, en la délimitant, sa force probante, peut être Qommé un lieu théologique immédiat, analogue aux lieux dialectiques immédiats qui, selon Aristote, entrent dans le corps même des argumentations par lesquelles il es ! fait droit à telle ou telle question.

Il y a cependant une différence. Beaucoup de ces lieux théologiques Immédiats ne sont pas en soi des propositions générales comme les lieux topiques <r.i Ls pendant un certain nombre, par l’xcmette définition qui a force de proposition générais : Fidel est sprrarularum tubttantla rerum.’e particularisme, qui affecte les lieux théologiques immédiat-., par exemple, la plupart des propositions de l’Écriture, est la pari 1 faire à l’analogie des lieux topi’i lieux théologiques. Analogie n’est pas

univocité. Cf. ml rit. p. 192

Mais la liberté relative que comporte l’analogie nous permet de regarder les propositions particulières de l’Écriture, de l’enseignement de l’Église, etc., comme participant de l’essence universelle des lieux majeurs de la théologie. C’est par la vertu communiquée de ces majeures que les propositions particulières gouvernent les argumentations théologiques. Comme expressions individuelles des lieux communs théologiques, agissant sous leur influence et devenues comme des instruments par lesquels passe la vertu probante des lieux majeurs, les textes, les décisions, les autorités des saint Pères, etc., participent à la vigueur universelle des lieux communs du dépôt révélé, de l’Écriture, de la tradition, etc. Ils n’ont pas par eux-mêmes la généralité des principes dialectiques, mais ils en possèdent in solidum, l’équivalent, de par la cause commune de conviction qui agit en eux et par eux, pour fonder la théologie. Ainsi, selon les dialecticiens eux-mêmes, les lieux universels pénètrent-ils dans les lieux particuliers, sua potestate, non formaliter, dira Thémistius après Averroës. Cf. La notion du lieu théologique, p. 494, C’en est assez pour que les principes immédiats de l’argumentation théologique puissent être, par analogie, considérés comme des lieux.

5° Conclusion, cf. art. cit., p. 496. — Il résulte de cet exposé que le contenu des dix lieux théologiques de Cano peut être recensé proposition par proposition, non plus à l’état brut, comme il existe dans l’Écriture ou les Enchiridia dogmatum, mais muni d’une sorte de fiche, mentionnant les lieux généraux sous lesquels chaque proposition conclut. Il pourrait s’établir ainsi une Topique théologique matérielle, analogue aux catalogues des lieux dialectiques d’Aristote. où seraient réunis, catalogués, caractérisés par leur note précise d’approbation doctrinale, tous les principes de la théologie, élaborés selon les règles et préceptes qui constituent les instruments de découverte des lieux théologiques immédiats. Le théologien, en présence des sources de la théologie ne serait plus livré à lui-même, obligé chaque fois de refaire ce travail de caractérisation des principes qu’il veut employer. Il y aurait pour les plus importantes de ces questions, la Justification par exemple, un répertoire classé d’avance des moyens de solution existant dans la Bible, dans les saints Pères, etc., chacun avec sa fiche, qui dispenserait de recommencer l’inventaire des lieux appropriés, chaque fois que l’on traiterait de ces questions.

L’idée de cette Caractéristique universelle des sources de la Théologie n’a pas plu à tout le monde. Cf. Hourcade, De Melchior Cano au P. Gardeil, loc. cit., p. 244. Je m’en console par le mot de Cano : Vix aillent repcrietur aliquid tam omnibus ingeniis consentaneum et quadrans. ut neminem habeat repugnantem. De locis, theol., t. XII, c. xi. De ce que chacun peut trouver personnellement le logarithme de chaque nombre moyennant un calcul facile. M, Hiourcaâe estimerait-il que les tables de logarithmes sont inutiles ? Évidemment, en théologie, il y aurait ce danger de supprimer ou d’amoindrir le jugement personnel, de rendre mécanique le travail du théologien. Mais c’est là un danger illusoire chez les vrais théologiens dont le propre est de juger, et de vérifier au besoin les textes allégués dans les Enchiridia dogmatum les plus reçus. Par contre, il y aurait cet avantage d’éliminer à tout jamais de l’argumentation une foule de textes et d’autorités qui ne prouvent rien de ce que l’on veut leur faire dire, et que l’on continue de se jeter à la tête, dans des discussions qui, avec de tels procédés, ne sauraient avoir d’issue. Quand J’entends, par exemple, alléguer sans ie de saint Augnst in : Cujul aiilem miscrrtiir, sic euni vocal qunmodo tcli ci congrucre. ut vorantrm non rispuat, pi is au De dUHTStM quirstionibu* ad Simplirianum, ]. l.n Pi, comme un argument prouvant lexluelle-