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LIEUX THÉOLOGIQUES. ÉLABORATION PRÉALABLE


questions posées, Cano utilise déjà sa propre méthode, je veux dire celle qui résultera de son De locis : Recherche des lieux propres à résoudre la question, mise en œuvre des lieux dont on peut tirer une conclusion contraire aux exigences de la foi, mise en position de ceux qui concluent en faveur de ces exigences, conclusion et réfutation des objections. Il en sera ainsi pour tous les lieux autres que celui de l’Écriture. En sorte que son traité De locis est, d’un bout à l’autre, une application anticipée de la méthode qu’il fonde.

1. Inerrance de l’Écriture.

Elle est résolue par ces principes : Il est hérétique de soutenir que, de sa puissance ordinaire, ordinata, c’est-à-dire mise en relation avec sa sagesse, Dieu puisse mentir. — C’est une erreur dans la foi de dire que, selon la même puissance, Dieu puisse tromper par des intermédiaires. — Même de sa puissance absolue, Dieu, ni par soi, ni par un autre, ne peut mentir. — Ces principes supposent que Dieu est l’auteur de l’Écriture, et que, dès lors, les écrivains sacrés ne peuvent, par une coopération personnelle, avoir altéré sa vérité. Le théologien peut donc recourir au lieu de l’Écriture comme à l’affirmation de la Vérité elle-même. L. II, c. i-iv.

2. Canonicilc.

Mais qu’entendre par ce mot, l’Écriture ? Il y a des livres dont l’attribution à l’auteur inspiré par Dieu a été ignorée ou controversée. Quel sera le critère des Livres saints ? Cinq principes fixeront le théologien : Ce critère ne peut être l’Écriture elle-même. — Ce ne peut être le jugement privé des chrétiens individuels. — C’est l’autorité de l’Église, règle divinement certaine pour recevoir ou rejeter des livres faisant autorité pour la foi. — Cette autorité réside dans le concile général, auquel il appartient de définir quels livres sont canoniques. — Item, dans le souverain pontife. C. v-vm. Il résulte de ces principes que la Bible du théologien est inventoriée dans le canon des Écritures, catalogue autorisé et authentiqué par l’Église des livres sur lesquels il s’appuiera pour argumenter. — - Cano, dans deux chapitres, ix et xi, établit, avec son luxe d’arguments ordinaires, le bien-fondé de l’autorité des livres deutérocanoniques, jadis controversés.

3. Texte.

Quatre « axiomes » : Le texte de la Vulgate doit être suivi pour tout ce qui regarde la foi et les mœurs. — Toute question de ce genre discutée entre catholiques doit être tranchée d’après la Vulgate. — Dans les questions de foi et de mœurs, il n’y a pas à recourir aux exemplaires originaux, hébreux ou grecs, pour en obtenir une détermination finale. — Pour les mêmes questions, on ne doit pas corriger le texte de la Vulgate par les exemplaires originaux. C. xii-xrv.

On remarquera la clause : in his qux ad fidem et mores pertinent, qui limite à l’usage théologique la portée des règles données. Cano entend que la Vulgate est une bonne et sûre version de l’Écriture, à laquelle, pour son œuvre propre, de flde et moribus, le théologien peut s’adresser en toute sécurité.

Par ailleurs, l’utilité de l’exégèse, du recours aux originaux et à leur interprétation par les procédés scientifiques, n’est pas oubliée. Dans le chapitre xv du livre II, Cano relève, en huit énoncés, les services que peut rendre la connaissance des langues du texte original : Pour les discussions avec les infidèles ou leur instruction. — Pour entendre certaines locutions dont l’équivalent n’existe pas en latin. — Pour l’intelligence des expressions équivoques des textes originaux, impossibles à traduire. — Pour l’intelligence des idiotismes. — Pour corriger les fautes des copistes latins.

— Pour comprendre certains passages qui ne sont pas clairs dans la Vulgate. — Pour éviter les amphibologies occasionnées par le latin. — Pour entendre les termes grecs ou hébraïques passés dans la version

latine, c. xv. La recension de ces utilités est illustrée par Cano de copieux exemples ; les -progrès de la science scripturaire en ont manifesté d’autres. Cano a laissé la porte ouverte à l’exégèse catholique. Mais la règle théologique qu’il a posée demeure : l’intégrité du texte sacré et son sens génuine pour les questions de fide et moribus sont foncièrement garantis par le texte de la Vulgate en vue de l’usage théologique, quelles que soient les questions scientifiques qui puissent se poser à d’autres points de vue, et qui trouvent, du fait de cette règle, une limitation.

4. Étendue de l’inspiration divine, aux détails particulas, du texte. — Cano laisse à la théologie proprement dite la théorie de l’inspiration scripturaire. Il la définit dans les termes généraux de la foi, expliqués par les conciles ou par les Pères. Les livres saints sont écrits : Spiritu sancto dictante, assistente ; leur auteur est : non homo sed Deus. De locis. t. II, c. n et c. xvi, xvii. Cf. par opposition à l’assistance de l’Église par le Saint-Esprit, De locis, t. V, c. v, 3° q., § Al hsec opinatio.

La règle unique que Cano propose à l’usage théologique est celle-ci : Toutes et chacune des parties, particulse, des livres canoniques ont été écrites avec l’assistance de l’Esprit saint et par conséquent sont garanties pour l’usage théologique. Trois mots de ce précepte sont ici à expliquer d’après Cano lui-même : a) Ce qu’il entend par parliculæ. C’est tout membre de l’Écriture dans lequel peut se trouver erreur ou vérité, c’est-à-dire toute proposition. Si in sacro quovis libro quielibet falsitas reperiiur totius libri certitudo interit, saint Augustin, De consensu Evangelistarum, . II, c. xii, Cano, De locis, t. II, c. xvii. Les mots eux-mêmes sont atteints par l’inspiration dans la mesure où ils sont nécessaires pour le sens de la proposition. Cf. De locis t. II, c. xi, § In septimo princ. arg. — b) Toutes et chacune des parties, c’est-à-dire non seulement celles qui contiennent des choses importantes pour le salut, la foi, et les mœurs, mais aussi celles qui contiennent des assertions de moindre importance. Etiamne in minimis rébus ? Etiam. De locis theol., t. V, c. v, 3° q., § Alterum autem discrimen. — c) L’assistance du Saint-Esprit dont parle Cano, doit s’interpréter, pour ne pas être confondue avec l’assistance du magistère ecclésiastique, qui s’est depuis approprié ce vocable, par les autres expressions qu’il emploie pour la définir : Spiritu sancto dictante, — Spirilum in sacris auctoribus loquentem, — - auctores sacros non sine divina revelatione loquentes, divino lumine infuso loquentes, c. xvi, toutes expressions qui dénotent une influence divine positive, sur l’intelligence et la volonté de l’écrivain, s’étendant jusqu’à la rédaction même du texte sacré. Cf. De locis, t. V, c. v, 3° q.

Tels sont les principaux préceptes qui permettront au théologien d’élaborer les propositions de l’Écriture en vue de l’usage théologique. Ils ne sont pas absolument complets, ni parfois aussi précis qu’ils le sont devenus depuis. Cependant les successeurs de Cano n’ont pas changé leur teneur générale. En tout cas, dans leur ensemble, ils marquent bien le genre de critique que doit subir le texte de l’Écriture avant d’entrer dans l’argumentation théologique, critique toute homogène au texte, puisque ses règles ne font qu’expliciter les exigences de la révélation et de la foi.

Cano devait, dans son livre XIII, compléter son exposé du lieu scripturaire, ainsi qu’il l’annonce. De locis, . I.c.i, et c’est la raison qu’il donne de la brièveté qu’il observe dans le 1. II : Salis hic fuerit breriter attigisse, t. II, c. t. Sans doute, il réservait pour ce livre XIII les préceptes relatifs aux divers sens de l’Écriture, dont il a marqué la nécessité, t. XI, c. xi, et qu’il a d’ailleurs esquissés. 1. XII. c. vr. Prwceptiones, 1-5. On les complétera avec Denzinger-Rannwart, Enchiridion, édit. 10’, n. 1787-88, 1792, 1809,