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    1. LIBERTE MORALE##


LIBERTE MORALE, DE CONSCIENCE, DES CULTES

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de faillir au bien était de l’essence et de la perfection de la liberté, Jésus-Christ, les anges et les bienheureux, chez qui ce pouvoir n’existe pas, ou ne seraient pas libres, ou du moins ne le seraient pas aussi parfaitement que l’homme dans son état d’épreuve et d’imperfection. Le Docteur angélique s’est occupé souvent et longuement de cette question ; et de sa doctrine il résulte que la faculté de pécher n’est pas une liberté, mais une servitude. » C’est ce qu’avait vu assez nettement la philosophie antique, celle notamment dont la doctrine était que nul n’est libre que le sage, et qui réservait, comme on sait, le nom de sage à celui qui s’était formé à vivre constamment selon la nature, c’est-à-dire dans l’honnêteté et la vertu. « La condition de l’humanité étant telle, il lui fallait une protection, il lui fallait des aides et des secours, capables de diriger tous ses mouvements vers le bien et de les détourner du mal : sans cela, la liberté eût été pour l’homme une chose très nuisible. Et d’abord une Loi, c’est-à-dire une règle de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, lui était nécessaire. A proprement parler, il ne peut pas y en avoir chez les animaux, qui agissent par nécessité, puisque tous leurs actes, ils les accomplissent sous l’impulsion de la nature et qu’il leur serait impossible d’adopter par eux-mêmes un autre mode d’action. Mais les êtres qui jouissent de la liberté ont par eux-mêmes le pouvoir d’agir, d’agir de telle façon ou de telle autre, attendu que l’objet de leur volonté ils ne le choisissent que lorsque est intervenu ce jugement de la raison dont nous avons parlé. Ce jugement nous dit, non seulement ce qui est bien en soi ou ce qui est mal, mais aussi ce qui est bon et, par conséquent, à réaliser, ou ce qui est mal et, conséquemment, à éviter. C’est, en effet, la maison qui prescrit à la volonté ce qu’elle doit chercher ou ce qu’elle doit fuir, pour que l’homme puisse un jour atteindre cette fin suprême en vue de laquelle il doit accomplir tous ses actes. Or, cette ordonnance de la raison, voilà ce qu’on appelle la loi. Si donc la loi est nécessaire à l’homme, c’est dans son libre arbitre lui-même, c’est-à-dire dans le besoin qu’il a de ne pas se mettre en désaccord avec la droite raison, qu’il faut en chercher, comme dans sa racine, la cause première. Et rien ne saurait être dit ou imaginé de plus absurde et de plus contraire au bon sens que cette assertion : L’homme, étant libre par nature, doit être affranchi de toute loi ; car, s’il en était ainsi, il s’ensuivrait qu’il est nécessaire pour la liberté de ne pas s’accorder avec la raison, quand c’est tout le contraire qui est vrai, à savoir, que l’homme doit être soumis à la loi, parce qu’il est libre par nature. Ainsi donc, c’est la loi qui guide l’homme dans ses actions et c’est elle aussi qui, par la sanction des récompenses et des peines, l’attire à bien faire et le détourne du péché. « Telle est, à la tête de toutes, la loi naturelle qui est écrite et gravée dans le cœur de chaque homme, car elle est la raison même de l’homme, lui ordonnant de bien faire et lui interdisant de pécher… Elle n’est autre chose que la loi éternelle, gravée chez les êtres doués de raison et les inclinant vers l’acte et la fin qui leur conviennent ; et celle-ci, n’est elle-même que la raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde. A cette règle de nos actes, à ces freins du péché, la bonté de Dieu a voulu joindre certains secours singulièrement propres à affermir, à guider la volonté de l’homme. Au premier rang de ces secours, brille la puissance de la grâce divine, laquelle, en éclairant l’intelligence et en inclinant sans cesse vers le bien moral la volonté singulièrement raffermie et fortifiée, rend plus facile à la fois et plus sûr l’exercice de notre liberté naturelle. Et ce serait s’écarter tout à fait de la vérité que de s’imaginer que, par cette intervention de

Dieu, les mouvements de la volonté perdent de leur liberté, car l’influence de la grâce divine atteint l’intime de l’homme et s’harmonise avec sa propension naturelle, puisqu’elle a sa source en celui qui est l’auteur de notre âme et de notre volonté, et qui meut tous les êtres d’une manière conforme à leur nature.

Ce qui vient d’être dit de la liberté des individus, il est facile de l’appliquer aux hommes qu’unit entre eux la société civile, car ce que la raison et la loi naturelle font pour les individus, la loi humaine promulguée pour le bien commun des citoyens l’accomplit pour les hommes vivant en société. Mais, parmi les lois humaines, il en est qui ont pour objet ce qui est bon ou mauvais naturellement, ajoutant à la prescription de pratiquer l’un et d’éviter l’autre une sanction convenable. De tels commandements ne tirent aucunement leur origine de la société des hommes…. Ces préceptes de droit naturel compris dans les lois des hommes n’ont pas seulement la valeur de la loi humaine, mais ils supposent avant tout cette autorité bien plus élevée et bien plus auguste qui découle de la loi naturelle elle-même et de la loi éternelle. Dans ce genre de lois, l’office du législateur civil se borne à obtenir, au moyen d’une discipline commune, l’obéissance des citoyens, en punissant les méchants et les vicieux, dans le but de les détourner du mal et de les ramener au bien, ou du moins de les empêcher de blesser la société et de lui être nuisible. « Quant aux autres prescriptions de la puissance civile, elles ne procèdent pas immédiatement et de plain-pied du droit naturel ; elles en sont des conséquences plus éloignées et indirectes, et ont pour but de préciser les points divers sur lesquels la nature ne s’était prononcée que d’une manière vague et générale. .. Ces règles particulières de conduite, créées par une raison prudente et intimées par un pouvoir légitime, constituent ce que l’on appelle proprement une loi humaine. Visant la fin propre de la communauté, cette loi ordonne à tous les citoyens d’y concourir, leur interdit de s’en écarter et, en tant qu’elle suit la nature et s’accorde avec ses prescriptions, elle nous conduit à ce qui est bien et nous détourne du contraire. Par où l’on voit que c’est absolument dans la loi éternelle de Dieu qu’il faut chercher la règle et la loi de la liberté, non seulement pour les individus, mais aussi pour les sociétés humaines. Donc, dans une société d’hommes, la liberté digne de ce nom ne consiste pas à faire tout ce qui nous plaît : ce serait dans l’État une confusion extrême, un trouble qui aboutirait à l’oppression ; la liberté consiste en ce que, par le secours des lois civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les prescriptions de la loi éternelle. Et pour ceux qui gouvernent, la liberté n’est pas le pouvoir de commander au hasard et suivant leur bon plaisir : ce serait un désordre non moins grave et souverainement pernicieux pour l’État ; mais la force des lois humaines consiste en ce qu’on les regarde comme une dérivation de la loi éternelle et qu’il n’est aucune de leurs prescriptions qui n’y soit contenue, comme dans le principe de tout droit…. Supposons donc une prescription d’un pouvoir quelconque qui serait en désaccord avec les principes de la droite raison et avec les intérêts du bien public ; elle n’aurait aucune force de loi, parce que ce ne serait pas une règle de justice et qu’elle écarterait les hommes du bien pour lequel la société a été formée. « Par sa nature donc et sous quelque aspect qu’on la considère, soit dans les individus, soit dans les sociétés, et chez les supérieurs non moins que chez les subordonnés, la liberté humaine suppose la nécessité d’obéir à une règle suprême et éternelle ; et cette règle n’est autre que l’autorité de Dieu nous imposant ses commandements ou ses défenses ; autorité souveraine-