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LIBERTÉ MORALE, DE CONSCIENCE, DES CULTES


tendre, et non pour que nous commettions le mal. « La liberté considérée comme un droit n’est pas, dit le cardinal Gerdil, le pouvoir physique de faire tout ce qui plaît, mais elle est un pouvoir moral restreint dans son origine par la loi de nature et susceptible des restrictions que les lois peuvent y apporter pour le bon ordre et l’avantage de la société. » Cité par Mgr H. Sauvé, Questions religieuses et sociales, Paris, 1888, p. 5. Le cardinal Dechamps dit à son tour : « L’homme a reçu de Dieu la liberté naturelle de choisir entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal ; mais a-t-il reçu, de Dieu, le droit de choisir le faux, le droit de choisir le mal ? Non, car la loi divine lui impose l’obligation de choisir le vrai bien, de rejeter le faux et le mal. De là vient que, dans la société domestique, dans la société civile, dans la société religieuse, le pouvoir qui exerce partout l’autorité de Dieu doit veiller à l’accomplissement de sa loi et à la répression des abus de notre liberté naturelle. Il n’est donc pas vrai que l’homme ait le droit de penser mal, et, à plus forte raison, de professer, de publier, de glorifier tout ce qui lui passe par la tête. Ce droit-là est un droit chimérique, et s’il était pleinement pratiqué de la manière que les insensés le proclament, la société n’y résisterait pas longtemps. Il est clair, en effet, que ce qu’on a le droit de professer ou de glorifier, on a le droit de le faire, ou la logique n’est qu’un vain mot. » Ibid.

L’homme n’a donc pas le droit de faire tout ce qu’il a le pouvoir de faire ; en d’autres termes, le pouvoir d’agir ne constitue pas le droit d’agir. Il y a des choses (lue l’homme peut faire en vertu de son libre arbitre, et qu’il n’est pas autorisé à faire ou qu’il lui est défendu de faire ; et, d’un autre côté, le libre arbitre est moralement obligé de faire des actes qu’il a la puissance naturelle d’omettre. Il importe donc essentiellement de distinguer entre le libre arbitre ou la liberté envisagée comme pouvoir physique (ou naturel), et la liberté considérée comme droit (ou pouvoir moral). C’est de leur confusion que sont nées plusieurs erreurs modernes. En résumé, la liberté physique ou le libre arbitre, qui consiste essentiellement à pouvoir agir ou ne pas agir, ne saurait se confondre avec la liberté morale, entendue dans le sens de droit d’agir ou de ne pas agir. Le libre arbitre, ou la puissance physique d’agir, peut être un droit, mais seulement dans le cas ou aucune loi ne restreint la liberté native de l’homme. D’où cette conséquence que le pouvoir de mal faire ne constitue pas le droit de mal faire.

2. Rapports de la liberté moral ? et du libre arbitre : Enseignement de Lion XIII. — Le pape Léon XII i a traité magistralement ce sujet si important et si délicat dans la célèbre encyclique Libertas prirstantissimum, parue le 20 juin 1888 ; n0US en extrayons (f pascapital dont nous présentons une traduction qui serre le texte de trè « près. Cf. Lettres apostolique » de Léon XIII, édition de la Maison de la Bonne Presse. t. n. p. 172-213.

Ce que nous avons directement en vue, dit Léon XIII. c’est la liberté morale considérée soit dans les individus, soit dans ] a société. Il est bon cependant de dire tout d’abord quelque ! mots de la liberté naturelle, laquelle, bien que tout à fait distincte de la liberté morale, est pourtant la source et le principe d’où toute 1 1- <le liberté découle d’elle-même et spontanément e liberté, le |ugemeni et le sens commun de tous les hommes, qui certainement est pour nous la voix

de la nature, ne la reconnalssent qu’aux elres qui ont i’usngr de l’Intelligence ou de la raison., | e’etl en elle que ((insiste manifestement la cause qui nous fait

considérer l’homme comme responsable de sis actes. l’.t il n’en saurait être autrement ; car. tandis que les animaux n’obéissent qu’aux sens et ne sont poussés que par l’instinct naturel a rechercher ce qui leur est

utile ou à éviter ce qui leur serait nuisible, l’homme, dans chacune des actions de sa vie, a la raison pour guide. Or la raison, à l’égard des biens de ce monde, nous dit de tous et de chacun qu’ils peuvent indifléremment être ou ne pas être ; et par le fait même qu’aucun d’entre eux ne lui apparaît comme absolument nécessaire, elle donne à la volonté le pouvoir d’option pour choisir ce qui lui plaît. Mais si l’homme peut juger de la contingence, comme l’on dit, des biens dont nous avons parlé, c’est qu’il a une âme simple, spirituelle et capable de penser ; une âme qui, étant telle, ne tire point son origine des choses corporelles, pas plus qu’elle n’en dépend pour sa conservation, mais qui, créée immédiatement par Dieu et dépassant d’une distance immense la condition commune des corps, a son mode propre et particulier de vie et d’action ; d’où il résulte que, comprenant par son jugement les raisons immuables et nécessaires du vrai et du bien, elle voit que ces biens particuliers ne sont nullement des biens nécessaires. Ainsi prouver pour l’âme humaine qu’elle est dégagée de tout élément mortel et qu’elle est douée de la faculté de penser, c’est établir en même temps la liberté naturelle sur son plus solide fondement. « Ainsi, la liberté est, comme nous l’avons dit, le propre de ceux qui ont reçu la raison ou l’intelligence en partage ; et cette liberté, à en examiner la nature, n’est pas autre chose que la faculté de choisir entre les moyens qui conduisent à un but déterminé ; en ce sens que celui qui a la faculté de choisir une chose entre plusieurs autres, celui-là est maître de ses actes. Or, toute chose acceptée en vue d’en obtenir une autre appartient au genre de bien qu’on nomme l’utile : et le bien ayant pour caractère d’agir proprement sur l’appétit, il faut en conclure que le libre arbitre est le propre de la volonté, ou plutôt est la volonté elle-même en tant que, dans ses actes, elle a la faculté de choisir. Mais il est impossible à la volonté de se mouvoir, si la connaissance de l’esprit, comme un flambeau, ne l’éclairé d’abord : c’est-à-direquele bien désiré par la volonté est nécessairement le bien en tant que connu par la raison. Et cela d’autant plus que, dans toute solution, le choix est toujours précédé d’un jugement sur la vérité des biens et sur la préférence que nous devons accorder à l’un d’eux sur les autres. Or, juger est le propre de la raison, non de la volonté : on n’en saurait raisonnablement douter. Étant donc admis que la liberté réside dans la x r olonté, laquelle est. de sa nature, un appétit obéissant à la raison, il s’ensuit qu’elle-même, comme la volonté, a pour objet un bien conforme à la raison. Néanmoins, chacune de ces deux facultés ne possédant point la perfection absolue, il peut arriver et il arrive souvent que l’intelligence propose à la volonté un objet qui, au lieu d’une bonté réelle, n’en a que l’apparence, une ombre de bien, et que la volonté pourtant s’y applique. Mais, de même quc pouvoir se tromper et se tromper réellement est un défaut qui accuse l’absence de la perfection intégrale dans l’intelligence, ainsi s’attacher à un bien faux et trompeur, tout en étant l’indice du libre arbitre, comme la maladie l’est de la vie. constitue néanmoins un défaut de la liberté. Pareillement la volonté, pal le seul lait qu’elle dépend de la raison. dès qu’elle désire un objet qui s’écarte de la droite raison, tombe dans un vice radical qui n’est que la corruption et l’abus de la liberté. Voilà pourquoi Dieu. la perfection infinie, qui, étant souverainement intelligent et la boute par essence, est aussi souverainement libre, ne peut en aucune façon vouloir le mal moral : et il en est de même des bienheureux du ciel, grâce a la vision intuitive qu’ils possèdent du souverain bien. C’est la remarque pleine de justesse que saint Au

tin et d’autres faisaient aux pélagiens. SI la possibilité