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    1. LIBERTÉ##


LIBERTÉ. PROBLÈMES T II ÉOLOGIQUES

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conduit, les moyens par lesquels cette fin sera infailliblement atteinte, ordonner les moyens à la fin. II y a donc une Providence Mais la fin de l’homme étant proprement et absolument surnaturelle, les moyens proportionnés à cette fin n’appartenant pas à l’ordre de la nature, l’acte par lequel Dieu ordonne et conduit à leur fin ceux qui seront sauvés est un acte de providence spéciale. Nous devons donc croire qu’il y a une prédestination. Cette prédestination ayant pour principe ce qui n’est point dû à notre nature, ce qui ne peut être obtenu par nos mérites, nous devons croire que, considérée dans son ensemble, elle est purement gratuite. Rom., xi, 35. Et parce qu’elle est fondée sur la science infaillible et la volonté toute-puissante de Dieu, cette prédestination est certaine et immuable.

Dieu est la justice même, il ne récompense que le mérite, il ne châtie que le démérite ; nous devons donc croire que l’homme, par la coopération de son libre arbitre à la grâce, peut mériter de Dieu la vie éternelle, que, parlerefus de sa coopération, il se rend digne de la réprobation ; cf. Conc. Trident., sess. vi, can. 26, Dsnzinger, n. 836. Nous disons : la coopération du libre arbitre à la grâce de Dieu, car notre nature est incapable de commencer toute seule le grand ouvrage de notre sanctification. Aucune œuvre naturelle ne peut mériter, à aucun titre, - le don ineffable par lequel Dieu nous prévient et nous attire à lui. Par conséquent la grâce, comme son nom l’indique, est un don entièrement gratuit de la bonté divine. Cf. Conc. Arausicanum II, can. 18, Denzinger, n. 191.

La grâce dont il est ici question est la grâce actuelle. Par cette grâce, Dieu meut intrinsèquement l’intelligence et la volonté de l’homme à cette fin de le déterminer à connaître, vouloir et faire quelque chose. On peut la considérer sous deux aspects : d’abord en elle-même, puis dans son effet nécessaire et le plus proche. A ce second point de vue, elle n’est autre chose que l’acte surnaturel indélibéré d’une puissance mue par Dieu, acte qui, en un sens très vrai, est dit être en nous sans nous. Mais, prise en elle-même, la grâce actuelle est une motion reçue dans la faculté et servant de principe à son acte. L’entité foncière de cette grâce ne varie pas, qu’elle soit ou non suivie de son dernier effet, à savoir un acte salutaire délibéré qui, conséquemment, reste toujours au pouvoir de la volonté. Cf. Billot, De gratia Christi, Rome, 1912, p. 142.’C’est un dogme de foi que, sous l’action de la grâce actuelle, le libre arbitre subsiste tout entier. Si quis dixerit liberum hominis arbitrium a Deo motum et excitation nihil cooperari assentiendo Deo excitanli atgue vocanti guo ad obtinendam justificationis gratiam se disponat ac præparet, neque posse dissentire si velit, amthema sit. Conc. Trid., sess. vi, can. 4, Denzinger, n. 814.

La grâce actuelle à laquelle l’homme coopère est appelée efficace parce qu’elle obtient son effet ; elle retient le nom de suffisante lorsqu’elle est rendue inutile par la résistance de notre volonté. Mais d’où vient à cette grâce le caractère d’efficacité ?

Dans trois sens seulement la grâce peut être dite efficace. Ou bien elle est efficace par la vertu que, dans son ordre, elle possède de causer le consentement salutaire. Ou bien elle l’est par l’obtention éventuelle de cet effet ; ou bien, enfin, par la connexion infaillible qu’elle soutient avec lui. Dans le premier sens, l’efficacité est intrinsèque à l’entité même du secours divin. De plus, elle est commune à toute grâce que Dieu nous accorde pour toute œuvre de salut. De cettemanière, la grâce qui est reçue en vain doit être tenue pour efficace et en prendre la qualification, car rien ne lui manque pour obtenir l’effet qu’elle est appelée à produire. Ce n’est pas dans ce sens que nous prenons ici l’efficacité de la grâce ; il s’agit là, en effet, d’un

caractère absolument commun à tous les secours divins, sans rien de distinctif et de nettement tranché

— Avec le second, la signification du mot efficace est plus restreinte et mieux délinie, mais elle se limite à un simple fait contingent et ne présente pas une base assez solide pour asseoir une dénomination spécifique et vraiment caractéristique. — Cette base se rencontre dans le troisième sens qui s’élève au-dessus du fait contingent et considère l’efficacité d’après une connexion antécédente et infaillible du secours de la grâce avec le consentement du libre arbitre. Ici, il s’agit évidemment d’un don spécial de Dieu, et nous sommes en présence d’un bienfait divin de tout premier ordre. Cette grâce efficace ainsi entendue n’est autre, dans la sainte Écriture, que Yappel suivant le décret divin dont il est question dans Rom., viii, 28 ; Scimus autem quoniam diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum, iis qui secundum propositum vocati sunt sancti, et II Tint., i, 9 : Qui nos liberavit, et vocavit vocatione sua sancta, non secundum opéra noslra, sed secundum propositum suum, et gratiam quæ data est nobis in Christo Jesu ante temporalia sœcularia. La vocation dont il est ici question n’est pas une vocation quelconque, mais une vocation selon un dessein de Dieu qui ne saurait être frustré, car Dieu, par des moyens qui infailliblement atteignent leur fin, opère tout ce qui se trouve dans le décret absolu de sa volonté.

Maintenant d’où vient à la grâce actuelle cette connexion infaillible avec le consentement salutaire, connexion qui est propre à l’appel suivant un décret divin ? De l’une ou de l’autre de ces deux sources : ou bien de quelque chose d’intrinsèque à cette grâce, c’est la position des augustiniens et des thomistes de stricte observance ; ou bien de quelque chose qui lui est extérieur, c’est la position qu’adopte l’école moliniste dans son ensemble. On a déjà indiqué (et l’on y reviendra à l’art. Thomisme), de quelle manière les partisans de la grâce efficace ab intrinseco sauvegardent l’existence de la liberté humaine sous l’influx de la grâce. Pour qui raisonne d’une manière anthropomorphique, il peut sembler difficile de concevoir comment une grâce qui, par sa nature même, emporte le consentement de la volonté, laisse subsister la liberté. Mais les thomistes ne manquent pas de faire observer que la grande aversion que professe l’école adverse pour la prémotion physique est due en majeure partie à la piperie des mots. Pour combattre plus aisément la prémotion physique, on assimile, ou l’on feint d’assimiler, l’action de la cause première sur la volonté à celle d’une cause seconde sur une autre cause seconde, et l’on oublie que la cause première, source de tout être, de toute activité, de toute détermination, fait agir la cause libre librement, comme elle fait agir nécessairement la cause dépourvue de liberté. De l’une comme de l’autre elle respecte le mode d’activité. Que l’explication soit lumineuse, les vrais thomistes possèdent trop le sens du mystère pour l’affirmer. A qui les serrerait de trop près, ils finiraient par dire que leur affirmation n’est pas autre chose qu’une manière de mettre en relief le souverain domaine de Dieu. Ils ne permettent pas, en tout cas, qu’on mette en doute leur croyance foncière à l’existence du libre arbitre. — Pour concevoir d’une autre manière le mécanisme suivant, lequel agit la grâce efficace, les augustiniens adoptent néanmoins la même attitude et prétendent eux aussi conserver les deux termes du problème, efficacité de la grâce et liberté de la volonté humaine.

C’est dans une autre direction, où l’imagination semble davantage trouver son compte, que les molinistes de toutes nuances cherchent la solution du problème. La racine dernière de l’infaillible connexion entre l’appel divin et la démarche de la volonté se