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LIBERTÉ. PROBLÈMES THEOLOGIQUES


jepuis donc sans inconvénient lâcher la bride à toutes mes passions. Par conséquent, je n’ai nul souci à concevoir au sujet de mon salut. Comedamus et bibamus, cras enim moriemur ! — Ce raisonnement ressassé ad nau.’cam, n’est spécieux qu’en apparence. Il ressemble à celui d’un malade qui dirait à son médecin : « De deux choses l’une : ou cette maladie me conduira au tombeau, ou elle me laissera en vie. Si elle doit me conduire au tombeau, quoi que vous fassiez, vous ne pourrez jamais m’empêcher d’y arriver. Si elle doit, au conl raire, me laisser en vie, elle disparaîtra comme elle est venue, sans avoir besoin du secours de la science. Donc, dans les deux cas, vos soins me seraient parfaitement inutiles. » Il rappelle encore le discours que tiendrait, devant sa maison en flammes un philosophe qui dirait :

Ou cet incendie détruira ma maison, ou il ne le fera pas. S’il doit la détruire, quoi que je fasse, je ne saurais l’en empêcher. S’il ne le doit pas, tous les efforts entrepris pour l’éteindre sont, à tout le moins, inutiles. Par conséquent, demeurons en paix et advienne que pourra ! >

Mais, rétorquer n’est pas répondre : au dilemme où l’objection veut nous prendre, voici ce qu’il faut répondre : « Ou je suis prédestiné ou je ne le suis pas, » dit l’objectant. On le lui concédera, s’il accepte en même temps de dire que le décret qui décide de son salut éternel porte également sur sa libre coopération comme condition indispensable pour y parvenir. On le niera, s’il entend dire parla que ce décret ne suppose nullement cette libre coopération.

Dieu ayant décrété que, dans un ordre de choses donné, tel homme serait sauvé, cet homme le sera infailliblement ; mais Dieu a également décrété que ce sera par la libre coopération de cet homme, aucun adulte ne devant autrement obtenir le salut.

L’élu ne sera pas sauvé, quoi qu’il fasse, il ne le sera que pour avoir fait le bien : et réciproquement, quiconque aura fait le bien et y aura persévéré jusqu’à la lin de sa vie, sera infailliblement sauvé. Faire le bien, coopérer à la grâce : voilà le signe auquel nous pourrons raisonnablement croire que nous sommes du nombre des élus. Vivons donc en saints, et nous mourrons en prédestinés.

On insiste et l’on dit : » Si Dieu sait d’avance ce que je ferai durant tout le cours de ma vie (et cette connaissance est nécessairement contenue dans le décret de prédestination), il m’est bien difficile de me croire libre. En effet, ma liberté consiste essentiellement en que je puis a^ir ou ne pas agir, faire une chose ou ontradictoire. Or, pour chacune de mes actions, si Dieu sait que j’agirai, il n’est pas possible que je n’agisse pas ; s’il sait que Je n’agirai pas, il est impossible que j’agisse, car sa science ne saurait être en défaut. Donc Je ne suis pas libre d’agir ou de ne pas mon choix. »

La majeure de cet argument est incontestable. La mineure contient une équivoque « pi il importe de dissiper : l’impossibilité, Ici, se réfère a la certitude infaillible de la science divine, nous l’accordons : l’impossibilité se réfère & la nécessité où Je serais de mes actes sans pouvoir les omettre, noua le nlont

La science de Dieu ne change point la naturc des

objets qu’elle connaît Ce qui est nécessaire et résulte’lis inéluctables de la nature physique, elle le

connaît comme née qui résulte du libre jeu

du Facultés humaines, elle le connait comme arrivant

librement C’esl donc librement que je ferai ou ne

pas ce que Dieu prévoit que je ferai ou ne

ferai pas et, de mon côté, il n’j h aucune Impossibilité

que Jr fasse ce que Dieu a prévu. Seulement il est Certain pour Dieu, qui sait tout, que je le ferai. Lu

point de départ du raisonnement, quand on dit qu’il est impossible que ce que Dieu a prévu n’arrive pas, l’impossible se réfère à la certitude infaillible de la science divine. Mais à la fin du raisonnement, quand on veut conclure que je ne suis pas libre parce qu’il est impossible que je ne fasse pas ce que Dieu a prévu, l’impossible se réfère à la nécessité où je suis de le faire sans pouvoir l’omettre. Or, donner deux sens au mot important du même raisonnement, c’est tout simplement faire un sophisme. Voici comment saint Thomas enseigne que la prédestination n’impose aucune nécessité : « Que la prédestination emporte certitude et pourtant n’impose pas de nécessité, cela est clair. En effet, la manière de diriger un être à sa fin, y compris le dessein lui-même (et c’est cela la prédestination) rentre dans l’agencement et l’ordre des causes constituées par Dieu. Or il est certain que, si deux causes sont agencées l’une par rapport à l’autre, dont l’une est nécessaire, l’autre contingente, l’effet est toujours contingent. Or, dans la prédestination interviennent deux causes : l’une est nécessaire, c’est Dieu lui-même : l’autre est contingente, c’est le libre arbitre, il faut donc que l’effet de la prédestination soit contingent. Dès lors, puisque Dieu sait et veut qu’un tel aboutisse à telle fin, il a la certitude de la prédestination ; mais parce que Dieu veut que cet homme soit dirigé vers cette fin selon le libre arbitre, la certitude en question n’impose au prédestiné aucune nécessité. » Quæst. quodlib., quodl. xr, a. 3.

4 U Le libre arbitre et la grâce efficace. — Cette question est déjà touchée, à l’art. Grâce, t. vi, col. 1662 sq., où l’on indique l’attitude prise devant le problème de l’efficacité de la grâce par les diverses écoles théologiques. On indiquera seulement ici les principes généraux de solution.

Dieu, objecte-t-on, ne connaît pas seulement, il fait encore avec nous les actes qu’il prévoit. En admettant que la liberté humaine demeure intacte quoi qu’il en soit de la science divine, comment la concevoir saine et sauve avec une science qui opère ce qu’elle prévoit ou, du moins, est jointe à une action dont l’effet est certain. Ce qui peut se ramener au syllogisme suivant : L’homme ne saurait être libre quand il est soumis à une influence toute-puissante à laquelle il lui est impossible de résister. Or, l’homme ne peut pas arriver au ciel sans le secours de la grâce efficace, et celle-ci est de telle nature qu’elle obtient toujours son effet. Donc, avec cette grâce, la liberté de l’homme ne saurait subsister.

Nous laissons passer la majeure de cet argument : concédons la première partie de la mineure, mais distinguons soigneusement la seconde : la grâce efficace obtient son effet indépendamment du consentement de la volonté, nous le nions. Elle l’obtient avec sa libre coopération : qu’on nous permette une sousdistinction : cette libre coopération est requise comme cause de son efficacité, nous le nions : elle est requise comme condition sine qua tlOtl, nous l’accordons

Et voici comme l’on peut restituer l’ensemble des grands principes qui dominent la question. Dieu a fait l’homme par pure bonté. Ce ne pouvait pas être pour que l’homme périt. Ceux qui sont saines ne seront donc pas les seuls que Dieu veut sauver Dieu veut.

d’une volonté antécédente, sérieuse, sincère, et active.

le salut de tous les hommes I fini., n. I < es hommi s quc Dieu veut sauver, il ne les abandonne pas a eux

mêmes ; il faut qu’il h-s gouverne. Mais le peut-il s’il

ignore ce qu’ils doivent faire et ce qu’ils feront

Les actions libres de l’homme sont donc éternellement

présentes à la science infinie de Dieu. Cf. I lebr.. îv. 13.

Savoir ne su Mil pas. Celui qui gouverne parfaitement

doit posséder la raison totale de son gouvernement.

dire voir la lin.i laquelle aboutiront ceu qu’il