Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/328

Cette page n’a pas encore été corrigée
641
642
LIBÈRE. LA « CHUTE » OU LA « CAPITULATION


Poitiers, et i ! n’en est guère de plus désintéressé, vient renforcer le faisceau déjà si solide constitué par les affirmations d’Athanase, de Jérôme, de la Collectio Avellana, funiculus triplex bien difficile à rompre !

5. Les historiens postérieurs.

Il est remarquable néanmoins que la < capitulation -> du pape Libère dont parlent si clairement les textes les plus voisins des évé nements n’ait laissé que peu de traces dans les historiens postérieurs. Il convient d’interroger séparément les occidentaux et les orientaux.

a) Les Occidentaux. — Le plus rapproché des faits, après ceux que nous avons cités, c’est Rufin. Dans son Histoire ecclésiastique composée entre 402 et 405, après avoir parlé de la persécution de Constance et du retour des exilés qui suivit l’avènement de Julien, il ajoute : A « m Liberius urbis Romæ episcopus, Constantio viventc, regressus est. Sed hoc utrum quod adquieverit noluntati suie ad suscribendum, an ad populi romani gratiam, a quo proficiscens fuerat e.roralus, indulseriï pro cerlo compertum non habeo. H. E., I, xviii, P. L., t. xxi, col. 198. La construction de la phrase est un peu heurtée : mais le sens est clair. Deux explications circulent du retour de Libère : entre les deux Rufin hésite à se prononcer. — Or, de ces deux explications, celle qui est défavorable à Libère disparaît dans VHistoria sacra de Sulpice-Sévère composée très sensiblement à la même date. Ayant raconté l’exil des évêques fidèles, Sulpice ajoute : Sed Liberius paulo post Urbi redditur ob seditiones romanas. Hist. sacra. II, xxxix. P. L., t.xx, col. 151. Il est intéressant de mettre en parallèle les deux témoignages ci-dessus et de les rapprocher de celui de la Chronique de saint Jérôme que les deux historiens ont certainement connue. On voit par là comment, avec le recul du temps, s’efface la netteté des premières dépositions, et comment des tentatives d’explications plus ou moins plausibles s’infiltrent chez les historiens même les plus consciencieux.

Par contre, l’étude du Liber Pontificalis et des lestes apparentés ferait apparaître la formation dans les milieux populaires de légendes se développant à partir d’un texte mal compris. On trouvera les matériaux de cette étude dans L. Duchesne, Le Liber Pontificalis, 1. 1, p. cxx-cxxv. Voici l’essentiel de ce qui nous intéresse. Les deux notices consacrées aux papes Libère et Félix II, passablement incohérentes, présentent ainsi la suite des événements : Libère est envoyé en exil parce qu’il refusede consentir à l’hérésie arienne ; avant de partir il ordonne Félix pour son remplaçant. Celui-ci, en l’absence de Libère, réunit un concile de quarante-huit évoques qui condamne 1 rsacc et Yalens, deux prêtres romains arinnisants (I).

Ceux-ci, peu de temps apn-s, demandent a Constance de rappeler Libère d’exil, s’il les acceptait dans sa communion. Libère y consent ; après avoir habité quelque temps dans la banlieue, il est introduit dans Rome par les deux prêtres ariens, chasse Félix, lequel’catholique. Il y eut alors une persécution dirigée contr é, ila ut intra ecclaia presbyleri et clerici

lix m’retira dans une propriété qu’il

avait sur la voie de Porto : il y mourut en paix. Toutefois, la notice de Félix renchérit sur cette dernière donnée- : p nir avoir déclaré Const ance heret Ique, Félix ondamné à avoir la tête tranchée. Il est décapité les murs de Rome avec beaucoup de clercs et de Bdèl< i Lei corps des martyrs sont relevés par le prêt i il ensevelis dans la basilique de la voie

turélienne que Félixavait jadis (ail construire. Les reproduisent sensiblement les mêmes données Voir Mombrttfus, Sanctuarium nu Vltæ torum, nouv. édit. parles bénédictins deSolesmes, 1910, t i. p 500, et et Acta Sanet. |ulllet,

— 1 rs, i : il, p. 13 iq Quant aux le/ci d’Euncbe,

[>w t ni i pi "i i s moi.

prêtre romain, publiés d’abord par Mombritius, puis par Baluze, Miscellanea, Paris, 1679, t. ii, p. 141, ils mettent directement en cause Libère, à propos du supplice de ce confesseur, enfermé dans un étroit cachot, où il mourra sept mois plus tard, pour avoir refusé d’entrer en communion avec les arianisants. Tune iratus Constantius subrogalu Liberii incluait Eusebium presbyterum in quodam cubiculo domus sua> quod humile erat in latitudine pedibus quatuor. Cette circonstance était rappelée, paraît-il, aux leçons que le bréviaire romain consacrait autrefois le 14 août à saint Eusèbe, et qui ont disparu lors de la réforme du xvie siècle, ce dont se scandalise fort Launoy. Cf. Episiolæ omnes, Cambridge, 1689, p. 2(ï.

Il y aurait grand intérêt pour l’historien à reconstituer l’origine de tous ces récits, qui dérivent évidemment de la Chronique de saint Jérôme ; nous en retiendrons seulement qu’à partir des débuts du vie siècle la réputation de Libère comme fauteur d’hérésie est décidément établie ; elle persévérera, grâce à ces textes, durant tout le Moyen Age.

Mais antérieurement même à l’époque où la légende deFélix II prenait la forme définitive que nous venons de voir, un autre texte d’origine romaine, non moins légendaire que le premier, avait circulé qui faisait seulement une allusion discrète à certaines complaisances coupables du pape Libère. Il s’agit des Gesta Liberii, qui nous présentent le pape. Libère exilé non pas en Thrace, mais dans la banlieue de Rome ; il tient conseil avec son clergé sur la façon dont il pourra célébrer le baptême aux fêtes de Pâques qui approchent. A cette occasion, et sans que l’on comprenne trop pourquoi, un de ses prêtres, Denys, lui rappelle que, si Pierre a renié trois fois le Sauveur, il a racheté par une triple profession d’amour ce triple reniement : Qui dejeceral 1er negando ante passionem, post resurrectionem ter amando reficitur. P. L., t. viii, col. 1390 B. Tout cela montre au moins que sur la mémoire de Libère planaient quelques soupçons. Nous n’entendons pas dire, cela va de soi, que ces textes de basse époque aient la moindre valeur comme témoignages historiques ; du moins mettent-ils en évidence le fait que l’accusation précise portée par saint Jérôme contre la mémoire de Libère avait trouvé, dans les milieux romains, un écho qui ne s’éteindrait pas de sitôt.

b) Les Orientaux. — Moins renseignés en général sur les choses de l’Occident, les historiens ecclésiastiques du v° siècle ne sont pas toujours précis.

Socrates, H. E., II, xxxviii, ’cst particulièrement confus pour toute cette période, et rattache l’exil de Filière au refus de ce pape de signer la profession de foi de Himini. i Mais l.ihère un peu après fut rappelé de son exil et reprit son siège, le peuple romain ayant fait une révolution et ayant choisi Félix. Contre son gré le hasileus dut consentir à ce retour. » P. G., F i.xvii, col..’120-321. Fes anachronismes dont fourmille, pour cette partie, la narration de Socratc. empêchent d’en tenir compte.

Théodore ! ne mentionne lui non plus comme raison du retour de l’exilé que les instances des daines romaines et les bruyantes manifestations du populaire. II. / :., II. xiv, P.(- ;.. t. i xxxii, col. 1040.

l’ar contre, Sozomène, qui. sur ce point, doit tenir ses renseignements (u macédonien Sablnos, raconte longuement les tractations auxquelles l.ihère dut de pouvoir retourner à Home. Il le fait sans acrimonie, s ; ms exprimer aucun jugement défavorable sur le pape, en insistant plutôt sur les circonstances qui

i endraient à Innocenter ses démarches. Voici hrésumé

de sa narration. I. IV.e i sq. Amené a Milan par .iidi. île Constance, I Ibère a refuse de souscrire aux

volontés de l’empereur ; il est exile à Bérée ; Félix le remplace’Rome où il reste tout -i fait Impopulaire.

l. — 21