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617 LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LES SUCCESSEURS DE LÉON XIII 618

ne couvrait pas encore, déconcerta les catholiques et les divisa plus profondément que jamais. Les monarchistes sont exaspérés ; leur presse proteste. Quant aux catholiques avant tout, beaucoup avec Keller répondent qu’ils ne peuvent adhérer à la République, i tant qu’elle s’acharnera à identifier son existence avec la guerre à Dieu et à l’Église ». Deux évêques seuls approuvent publiquement Lavigerie, le cardinal Isoard d’Annecy et Fuzet de la Réunion ; deux seuls le condamnent publiquement, Trégaro de Séez et Freppel. Les autres attendent les instructions de Rome.

Or Rome, pour parler nettement, attend « l’apaisement ». Sans doute le secrétaire d’État, Rampolla, l’intime confident de la pensée du pape, écrit le 28 novembre à l’évêque de Saint-Flour que l’Église accepte toutes les formes de gouvernement, et que le devoir des catholiques français était de prendre part aux affaires politiques de leur pays et « d’assurer la pleine concentration de leurs forces ». Mais c’était vague. Un petit groupe de catholiques ralliés, sous la conduite de M. Piou, s’est formé à la Chambre ; son chef se rend à Rome pour supplier le pape de parler. Mgr Freppel le suit pour supplier le pape de se taire. Le 2 mars 1891. le cardinal Richard, sous forme d’une Réponse à d’éminents catholiques qui l’ont consulté sur leur devoir social dans les circonstances actuelles, suggérait une solution moyenne : laisser de côté la question de la forme gouvernementale ; se tenir en dehors et au-dessus des partis, mais s’entendre dans la vie publique pour conjurer « le péril religieux et social ». La presque unanimité de l’épiscopat approuva cette lettre ; une Union de la France chrétienne groupa la plupart dos catholiques influents autour de ce programme sous la direction de Chesnelong, Keller, de Mackau, de M un. Mais c’étaient là des monarchistes trop connus pour rallier à eux d’autres hommes que des monarchistes.

D’autre part, si les républicains modérés comme Spuller, et leurs journaux comme la République française avaient applaudi au geste de Lavigerie, les radicaux semblèrent prendre à tache de décourager et d’irriter le pape et les catholiques français : lois anticléricales votées : séparation de l’Église et de l’État, proposée ; approbation donnée à l’émeute déchaînée par les révolutionnaires italiens contre les pèlerinages français à Rome ; procès de l’archevêque d’Aix.

Mais rien ne décourage le pape. Sans se laisser arrêter par un Exposé de la situation faite à l’Église de France… qu’avait rédigé Mgr d’IIulst. opposé au ralliement, et signé par tous les cardinaux français, à l’exception de Lavigerie non consulté (20 Janvier 1892), ou les signataires ennuieraient toutes les mesures du gouvernement républicain contre l’Église et recommandaient aux catholiques de ne faire aucune opposition sur la forme du gouvernement, cf. Bau-’riii L. p. 326-334, Léon Mil publie, le

ncyclique, » milieu des sollicitudes, datée du 16 el rédigée en Français. Lui aussi dénonce ir vaste complot formé contre te christianisme et la latlon rpii le manifeste. Mais, pour combattre efflcarement ce complot qui menace la religion, par lie l’ordre moral et par lui l’ordre social, il faut, de toute nécessité, l’union de tons les cal holiques cl

l< s honnêtes gens. Distinguant entre la ic du gouvernement ci la législation, Il leur demande pou. assurer l’union, el quelle que soil leur pré rérence Intime, non seulement de ne plus combattre la République mais de l’acceptai puisqu’elle est en fait la forme du gouvernement national. Autre chose est

lion par tous les moens honnêtes et

doivent travailler > la modifier en laveur de n’enet, avant tout, a maintenh le concordat,

Léon XIII devait encore insister dans une lettre du 3 mai aux cardinaux français.

Le groupe qui avait fait sien à la Chambre le programme du cardinal Lavigerie et que dirigeaient Piou et Etienne Lamy, sous le nom de Droite constitutionnelle, vit venir à lui de nouveaux adhérents, tel de Mun, « rallié par obéissance religieuse », tels les jeunes qui allaient bientôt fonder le Sillon. En 1895, il fera encore des recrues de marque, Rrunetière, qui annonce son évolution par un article du 1 er janvier 1895, dans la Revue des Deux-Mondes, intitulé. Après une visite au Vatican, et Ollé-Laprune, catholique connu, qui peu après, le 15 février, applaudissait aux idées de Léon XIII, dans la Quinzaine, par un article intitulé : Ce qu’on va chercher à Rome. Mais ce groupe des « ralliés », comme l’on disait, fut très loin de s’agréger tous ceux auxquels s’adressait l’appel de l’encyclique ! L’Union de la France chrétienne disparut, il est vrai ; mais tandis que certains ralliés, dépassant d’une manière absurde la pensée du pape, inventaient ce qu’on a appelé « le péché de monarchie », les monarchistes, exagérar’. ie sacrifice qui leur était demandé, s’obstinaient dans leur attitude antérieure : le parti conservateur, loin de s’accroître, se trouva ainsi divisé.

En revanche, les républicains modérés ouvrirent volontiers leurs rangs aux nouveaux républicains, sans toutefois leur offrir autre chose qu’un « esprit nouveau » (Spuller), c’est-à-dire un esprit de conciliation dans l’examen de toutes les questions religieuses. Quant aux radicaux, ils redoublèrent d’hostilité. Ils rappelaient, le rédigeant à leur guise, cet article du Syllabus : « Anathème à qui soutiendra que le pontife romain doit se réconcilier avec la civilisation moderne. » Cf. Spuller, loc. cit., p. viii. Sur l’histoire du ralliement : Lecanuet, loc. cit., t. n ; Tournier, Le Cardinal Lavigerie et son action politique, 1903 ; A. Pavie, Monseigneur Freppel, 1906 ; L. de Cheyssac, Le ralliement, 1903 ; cf. Dcbidour, L’Église catholique et l’État sous la troisième République, t. ii, 1909, 3° partie, c. i.

Après la mort de Léon XIII.

1. Les tendances

nouvelles du libéralisme catholique : socialisme et démocratie. Le « Sillon ». — a) Les tendances nouvelles. — De 1848 à 1890, le libéral catholique, qui voulait avant tout la liberté de l’Église dans son action sociale, fut, en général, un partisan de la monarchie parlementaire et des libertés « nécessaires », et, dans l’ordre social, un conservateur. Dans l’ordre économique, il ne connaissait que la liberté : liberté du travail, liberté de la propriété, liberté des échanges entre les individus aussi bien qu’entre les peuples, liberté de l’offre et de la demande, toutefois selon les règles de la justice et les devoirs de la charité.

Mais, en France, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique, en Italie, un mouvement, né des principes de 1789 et de la transformation matérielle de l’industrie, entraînait alors les masses ouvrières, devenues la classe ouvrière, les prolétaires, la démocratie sociale, vers une réforme sociale qui leur assurât plus que l’égalité politique et civique, le pouvoir, et imposât une plus égale répartition du bien-être et des produits du travail.

Ce mouvement avait. commencé en Vngleterre ave< Owen et Thomson, en France avec les théoriciens Saint-Simon et Fourler. L’impulsion donnée ne devait pins s’arrêter, i ne seconde génération de théoriciens avait paru : le mouvement se concentrait, se raj

< hait des faits : il y avait le socialisme d’Étal de I oui s

Blanc, le mutualisme de Proudhon, le communisme de Buonarrotl I, Voyei <i Vrgenson et Blanqul. il gagnait l’Allemagne : au commencement de 1848 paraissait le fameux Manifesté du parti communiste < ! < Karl Mars et d’Engels ce moment, toutes les Idées mères du